Aimery de la Roche-Lausac se présenta le surlendemain chez son cousin et parent. Louisette, fort intimidée, l’introduisit dans le salon, grande pièce ouvrant sur le jardin et qui était le centre de rassemblement de la famille, à certaines heures du jour. Meryem y avait sa corbeille à ouvrage et son bureau, Laurent, son violoncelle, le commandant une petite table où il posait, près de son service de fumeur, les revues dont il lisait des pages à haute voix, après les repas.
Meryem s’y trouvait seule quand fut introduit M. de la Roche-Lausac. Elle l’accueillit avec la simplicité qui était un de ses charmes. Il n’y avait en elle nulle complication, aucune de ces petites coquetteries trop fréquentes chez les femmes. Elle était gracieuse naturellement, sans détours, comme elle respirait. Gracieuse et loyale. Peut-être le visiteur en eut-il l’intuition soudaine, car sa physionomie fermée, un peu altière, s’adoucit dès les premiers mots échangés avec elle.
– Je me présente moi-même, dit-elle, Meryem de Grelles, la fille du commandant.
– Me Berger m’a parlé de vous, ma cousine. Vous êtes, m’a-t-il dit, une amie de sa fille.
Aimery s’asseyait sur le siège que lui désignait Meryem. Comme l’avait dit Laurent, il avait grande mine. Rien d’apprêté, un air aisé, sans morgue, une distinction parfaite dans la simplicité. En sa tenue, une élégance discrète qui ajoutait encore à cette distinction. Mais, surtout, Meryem fut frappée de l’énergie qui se dégageait de cette physionomie, de la bouche ferme,
presque dure, des traits nettement sculptés, des yeux d’un bleu profond qui regardaient en face, lucidement, froidement.
Pourvu qu’il me laisse ma liberté, qu’il me donne l’argent nécessaire à la vie que j’entends mener, il peut bien avoir toutes les « attirances » et toutes les « sympathies » qu’il voudra. Je l’ai aimé, autrefois. Ce temps-là est fini, et bien fini. Maintenant, je le hais et ne souhaite que vivre loin de lui.
Quelle stupéfiante force de dissimulation existait chez cette femme.
Elle avait si bien appliqué sur sa physionomie ce masque de froideur que personne n’avait songé à la suspecter.
Les plaisirs de la campagne ne remplaceront pas les palpitantes séances chez le couturier, les soirées, les thés-bridges, et autres distractions de cet acabit.
Ce rubis de l’émir, prétendu porte-bonheur, a rempli un rôle tout contraire. De ces trois femmes qui l’ont possédé un temps plus ou moins long, l’une est morte assassinée, la seconde, convaincue de meurtre, se suicide, la troisième est victime d’un accident.