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Rieucros, camp français méconnu
par
Jean-Yves Potel
18 mai 2022
À Rieucros, un ravissant vallon près de Mende dans la Lozère, l'État a installé pendant la Seconde Guerre mondiale un des deux cents camps français (l'adjectif est important) qui couvraient le territoire national. Ouvert en 1939, il a été fermé en 1942. Ses particularités ? Ce fut l'unique camp de femmes. Un millier d'étrangères et de Françaises « indésirables » y séjournèrent, assignées à résidence par décision administrative. L'historiographie l'a longtemps négligé, on le connaissait surtout à travers des témoignages. Il vient de faire l'objet d'une étude historique méticuleuse qui, en plus de nous informer sur les conditions de ces internements, ouvre une réflexion sur les rapports de l'administration française avec les étrangers.
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Michèle Descolonges différencie également le sort des femmes juives. « Sur 147 femmes juives étrangères internées à Rieucros, 66 femmes ainsi que les 4 Françaises avant le transfert du camp à Brens, ont été sauves. D'autres le seront depuis Brens. Ceci invalide l'idée – trop répandue – de Rieucros comme « maillon » d'une chaîne conduisant automatiquement les internées juives à la destruction. » Il n'empêche qu'au moins 45 autres femmes, « précédemment internées à Rieucros », dont 32 depuis le camp de Brens, ont été déportées par la police française et la Gestapo à l'été 1942. Elle raconte longuement l'histoire déchirante de deux jeunes juives de Molenbeek, Lola et Dora Libeskin, conduites à Rieucros en août 1941 et déportées de Brens en mars 1942 alors qu'elles fêtent Pourim.
Rieucros fut un « camp punitif sexué », et pas seulement parce qu'il internait des femmes, ne cesse d'affirmer
Michèle Descolonges. Que ce soit dans ce qu'elle appelle la « politisation de l'ordinaire » ou dans l'appréhension des différentes communautés ou familles d'internées, on voit très bien comment se mêlaient et se renforçaient, dans l'action de l'administration et le regard des populations locales, la haine de l'étranger et celle des femmes. Un mélange qui, malheureusement, a encore de beaux jours devant lui.