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EAN : 9782070725502
210 pages
Gallimard (02/04/1992)
4.05/5   22 notes
Résumé :
Robert Desnos a écrit ce livre en s'inspirant de son expérience tragique avec la célèbre chanteuse Yvonne George qu'il aimait follement : elle apparaît comme la « Mystérieuse » dans les poèmes qu'il publie dans La Révolution surréaliste en 1926.

Mais Yvonne George ne s'intéressait pas aux hommes. Outre son addiction aux drogues, elle fut frappée par la tuberculose. Elle mourut dans un hôtel de Gênes le 16 mai 1930, à 33 ans. Robert Desnos était seul à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Robert Desnos a publié cet ouvrage en 1943. L'histoire se passe dans le Paris des années 1920, probablement largement inspirée par ce qu'il vécut alors en côtoyant Yvette George pour qui il éprouvait un amour non réciproque.

Ce qui débute comme un roman d'amour qui tourne mal se transforme rapidement en étude sociologique. Robert Desnos raconte ce qui se passe dans un petit groupe de personnes venues de milieux sociaux différents dont le seul intérêt commun est l'addiction à la drogue. Ils ont tous de bonnes raisons de le faire, certains invoquant même le désoeuvrement. Nous assistons en témoin à la façon dont ils deviennent dépendants, les différentes étapes conduisant à une déchéance physique et intellectuelle et à une fin prévisible. On pourrait même qualifier leurs comportements de suicide programmé.

L'auteur écrit sans pathos, sans jugement, sans parti pris. Il aborde également la problématique des centres de désintoxication ou l'action de la police. Cela se passait à Paris au début du XXème siècle. Ce pourrait être n'importe où, n'importe quand, rien n'a changé.
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Je découvre Robert Desnos, avec ce roman dédié à l'addiction aux drogues pendant la courte entre-deux guerres.
Le récit de Desnos, à quelques mots prêts, pourrait parfaitement se transposer dans notre actualité du vingt et unième siècle: Rien n'a changé, et cela s'est même aggravé.
Desnos offre au lecteur une peinture extrêmement réaliste de ces ravages causés par l'opium et l'héroïne encore nouvelle à cette époque: Un constat effrayant de ruines humaines et de morts. Avec des cures de désintoxication (déjà) trop courtes et sans suivi du malade après le sevrage!
Chacun des drogués/protagonistes de cette histoire aux sombres volutes, a un destin propre et son chemin qui l'a mené à l'intoxication, la dépendance aux paradis artificiels: Fin de la guerre et des combats pour l'un, amour impossible pour un autre, ennui, mélancolie, désir d'une vie à finir dans l'opium... Chacun prend sa place dans ce crépuscule aussi morne qu'abominable. Chacun se déshumanise dans cette course à la dose de came. chacun se brise dans cette succession d'euphorie et de déprime profonde, dans laquelle se dilue toute lucidité.
Mais, le souligne Desnos, il n'y a de trafiquants que parce qu'il y a une demande... Constat, toujours le même,plus que jamais d'actualité.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Barbara et Antoine conversaient moins qu'ils ne monologuaient. Chacun d'eux suivait le fil de sa pensée, l'accrochant au petit bonheur à la dernière phrase de l'autre sans se soucier de répondre à une question, d'enchaîner un raisonnement à un autre raisonnement. Ainsi grandissait entre eux l'abîme qu'ils se flattaient de supprimer. Absents l'un de l'autre, ils se croyaient unis, fondus, confondus en un seul être, alors que, moralement, ils supprimaient leur interlocuteur et projetaient à sa place une image embellie d'eux-mêmes. Ils se croyaient deux, mais ils étaient chacun seuls ou, si l'on veut, quatre : Barbara et Barbara, Antoine et Antoine.
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Antoine n'était ni beau ni laid. Il ne savait pas briller. Il lui fallait l'entraînement d'une joyeuse société pour se détendre et montrer qu'il avait autant d'esprit qu'un autre. Il était naturellement silencieux, aimant la solitude autant que la compagnie, et plus naturellement porté à la tendresse qu'à l'ironie. Peu adroit à exprimer cette tendresse, il ne savait pas non plus la laisser transparaître sous des propos légers. Sachant mal défendre ses sentiments, il les dissimulait. Mais l'opium, comme l'air du temps, baigne ceux qui le respirent. S'il est vrai qu'il est des points communs, une identité de pensée entre les habitants d'une même ville, d'une même contrée parce que le même oxygène circule dans leurs poumons, il est encore plus vrai que l'opium unit les esprits des fumeurs allongés autour d'une même lampe. C'est un bain dans une atmosphère plus épaisse, une réunion dans un lit aux lourdes couvertures, un véritable accouplement auquel on ne résiste pas. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle il est peu de fumeurs solitaires, pourquoi, malgré eux, ils font de la propagande pour leur poison. Il y a, certainement, en tout opiomane un amant malheureux ou insatisfait, un arrière-petit-fils d'Obermann, d'Adolphe ou de René.
La conversation entre Barbara et Antoine devint donc sentimentale, comme chaque fois, mais Antoine était décidé à la poursuivre plus loin que les limites habituelles.
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— Qu'est-ce que vous foutez là ? demanda le vieux fumeur à son compagnon.
— Moi ?
— Oui, vous. Vous avez vingt-cinq ans et l'air d'avoir dans la cervelle d'autres désirs que de vous momifier. Ne vous imaginez surtout pas que toutes ces saloperies vous garderont centenaire.
— Centenaire ? à quoi bon ?
— Vous avez déjà souffert ?
— Non.
— Alors qu'est-ce que vous attendez pour faire l'amour avec une femme qui soit comme une jument de deux ans et qui vous livre bataille chaque nuit ?
— Je ne vous ai pas dit que je n'aimais personne.
— Et vous auriez tort. Un vieux jeton comme moi n'a pas besoin de regarder beaucoup pour comprendre que Barbara vous plaît.
— Oui, Barbara est charmante... mais...
— Mais quoi ?
— Mais que puis-je faire ? Elle est riche et je suis pauvre.
— Jeune idiot, quelle importance ?
— Ça en a.
— Eh bien, gagnez de l'argent.
— Facile à dire.
— Plus facile à faire que de payer de la drogue. Croyez-vous que cela coûte quatre sous par jour ? Pour en avoir il faut de l'argent, beaucoup d'argent et de la drogue vous empêchera d'en gagner, et si vous gagnez vous serez assez fatigué le soir pour préférer le sommeil à l'insomnie béate de l'opium.
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Il est des jours à Paris où la foule est une forêt de visages inconnus. Il en est d'autres où chaque tournant de rue est un lieu de rencontre. Il semble même qu'il suffise de penser à quelqu'un pour le voir se présenter. Place de l'Opéra, Barbara qui, baignée de soleil et de vent tiède, était sortie, vit Antoine. Elle se dirigea vers lui, mais, au moment où elle allait poser sa main sur son épaule, elle se rendit compte qu'elle se trompait, que ce n'était pas Antoine mais un inconnu qui ne lui ressemblait même pas. Elle n'était pas encore parvenue à la rue Scribe qu'Antoine vint vers elle. C'était bien lui cette fois. Du « Trou dans le mur », l'étonnant petit bar du boulevard, ils virent sortir Auportain et tous trois marchèrent vers la Madeleine. Devant les Trois Quartiers Barbara désigna une petite femme à la mine revêche.
— La mère d'Arichetti... dit-elle.
Ces rencontres embellissaient la journée, même celle de ce fantôme femelle. Ils s'arrêtèrent à la terrasse de Weber.
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Des agents le recueillirent la nuit suivante près du marché Saint-Antoine. Le joyeux compagnon des soirs de fête, le brillant camarade jadis si léger, si fin, n'était plus qu'une épave anonyme. De son passé, de son nom, de tout ce qui avait fait sa joie de vivre, il n'avait gardé aucun souvenir. C'était désormais un animal réclamant sa pitance de stupéfiant. Il n'en fit pas mystère au commissariat où le secrétaire hésitait à le diriger vers le Dépôt ou l'Infirmerie spéciale. Il eut en deux heures trois crises dont les agents pensèrent le voir mourir. On l'emmena à l'hôpital où une piqûre lui rendit une éloquence de plaideur persécuté. Il accusa les démons de la nuit et les sociétés secrètes de le torturer avec des raffinements lyriques. Puis il tomba de nouveau dans un mutisme dont il ne sortait, à intervalle régulier, comme une mécanique remontée, que pour réclamer la piqûre qui lui ouvrait les portes du désert mental où il allait désormais vivre.
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