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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le récit du naufrage de la Méduse, je le connaissais, mais cela change tout lorsque c'est dessiné et qu'il y a une mise en abyme entre le naufrage de la frégate et celle de la vie de Géricault, qui, à cette époque, se noie aussi.

Les auteurs, en alternant le récit du voyage/naufrage de la Méduse et des recherches de Géricault pour son tableau ont donné une autre approche à la tragédie et ont évité de sombrer dans le glauque.

Les dessins, en aquarelles, mettent cette histoire bien en valeur : tons chauds lorsque nous sommes en mer et tons plus froids lorsque nous rejoignons Géricault. C'est donc avec les yeux grands ouverts que j'ai commencé ma lecture en découvrant les différents protagonistes : d'un côté, ceux de la Méduse et de l'autre, tous ceux et celles qui gravitaient autour de Géricault.

Les auteurs ont fait un véritable travail d'enquêteurs et Theodore Géricault aussi. Ce dernier voulait peindre de manière originale les naufragés, sortir des tableaux à connotation biblique et frapper un grand coup avec sa toile.

Le montage est lui aussi bien fait puisque l'on a quelques pages sur le voyage de la frégate et ensuite les recherches de Géricault, ses ennuis, ses amours contrariés. S'il n'avait pas de soucis d'argent et pouvait prendre son temps pour exercer son art, notre peintre avait des soucis ailleurs.

Notamment il en aura avec les survivants et témoins du naufrage : Corréard et Savigny qui ne sont pas honnêtes, l'un se mettant en scène comme un héros et l'autre trouvant une fièvre tropicale pour excuser le cannibalisme qui saisit certains des naufragés, quand d'autres mettaient en cause les Noirs qui se trouvaient sur le radeau.

Hé oui, les riches, les bourgeois, le commandant, les dirigeants, eux sont allés dans les canots et les autres, les troisièmes classe, sont allés s'entasser sur un radeau que l'on n'a pas hésité à rompre les amarres pour s'en débarrasser… Titanic avant l'heure.

Si vous connaissiez les erreurs qui furent commises lors du naufrage et les imbécilités faites par un commandant qui n'avait plus navigué depuis des lustres, pas de panique, cet album vous rafraîchira la mémoire et vous ravira au passage car c'est avec minutie que Géricault mène son enquête, cherche les zones d'ombres, les non-dits, les incohérences dans les différents témoignages, le peintre s'écorchant même avec quelques racistes de bas-étage au passage.

Et en prime, vous saurez tout sur cette toile célèbre, sur son peintre, sur sa réalisation, sa vie, ses amours, ses emmerdes. En prime, vous croiserez Horace Vernet et Delacroix !

Si vous ne saviez rien de rien, pas de soucis non, car après cette lecture, vous saurez tout sur le naufrage ET sur l'élaboration de ce tableau qui est maintenant célèbre. Vous pourrez briller aux repas de famille et en société. Moi-même je me suis cultivée avec délectation car la bédé est un petit bijou de mise en scène intelligente et de dessins superbes.

La folie qui saisit les naufragés sur le radeau est elle aussi bien mise en scène, faite avec réalisme, sans juger, car nous ne savons pas comment nous réagirions, perdu sur un radeau, les pieds dans l'eau salée, sans nourriture, sans eau, sans espoir et sous le soleil…

Certains ont sans doute fait des témoignages douteux afin de ne pas se mettre en cause et se faire juger par une populace toujours prompte à s'enflammer et à vilipender.

Une magnifique bédé qui alterne le récit de la frégate La Méduse avec les recherche de Géricault pour son tableau, une mise en abyme réalisé de main de maître, une biographie de Géricault sans en être une, un récit de naufrage qui tournera à l'horreur mais sans que les auteurs ne sombrent dans le voyeurisme.

Bref, un making of superbement bien fait et si on parle de naufrage, la bédé, elle, ne sombre jamais.

PS : merci à ma soeur de m'avoir offert cet album graphique pour ma Noël. C'était totalement inattendu, surprenant et une putain de bonne idée !

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Pour moi, le radeau de la Méduse est un magnifique tableau exposé au musée du Louvre. J'avais bien vaguement connaissance d'un naufrage et d'actes désespérés, mais je n'en connaissais pas l'histoire plus que ça. C'est chose faite maintenant après la lecture du bel album "Les naufragés de la Méduse" de Bordas et Deveney. Ces derniers ont eu la bonne idée de mêler la terrible histoire du navire avec celle non moins poignante de Théodore Géricault, qui a peint son fameux tableau seulement quelques années après. le scénario s'appuie sur les témoignages des survivants de l'époque, et n'est (à juste raison) pas tendre avec les responsables de ce drame. Coté graphisme, j'ai beaucoup aimé les couleurs chaudes et verdâtres choisies pour représenter chacune des périodes, ainsi que le trait, rond et généreux.
Bref, une belle découverte qui m'a émue plus que je ne l'aurais imaginé.
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Pourquoi ai-je attendu si longtemps pour lire cet album ?
Quelle formidable reconstitution historique à la fois de la tragédie du naufrage de la Méduse mais aussi de la genèse du tableau de Géricault !

1817, Théo Géricault est de retour à Paris après un séjour en Italie. Entouré de ses amis Horace Vernet et Eugène Delacroix, il veut désormais s'émanciper des thèmes bibliques classiques et s'intéresse à une tragédie dont les suites ont eu un échos retentissant. Un an auparavant, la frégate La Méduse appareille vers le Sénégal pour y assoir la colonie de Saint-Louis. A son bord s'installent équipage, soldats et colons et quelques personnages emblématiques que l'on va suivre plus précisément : le cartographe Corréard, le médecin Savigny, Léon le mousse, l'officier Coudein, le commandant Chaumareys.

Dans une construction alternant les deux époques, les auteurs déroulent les deux histoires si étroitement imbriquées. D'une part, le jeune peintre entreprend des recherches malgré de nombreux obstacles, pour mieux appréhender ce qui s'est vraiment passé. En rencontrant des survivants, il cherche avant tout à comprendre leurs ressentis, leurs émotions, tout ce qui a pu entraîner l'indicible... D'autre part, l'histoire tragique est racontée avec précision, on suit l'enchainement dramatique des événements pas à pas.

C'est vraiment passionnant de découvrir les faits et de suivre les investigations de Géricault ainsi que la conception de ce tableau emblématique.
Peu à peu, Théo va mesurer ce qui s'est réellement joué sur cette embarcation et il se lance à corps perdu dans ce projet titanesque (la toile mesurera la taille exacte du radeau !) au détriment de sa vie privée compliquée. Les auteurs dresse un joli portrait d'un jeune peintre passionné qui va se battre contre les divers écueils sur son chemin et les nombreux préjugés de l'époque.

Des dessins à l'aquarelle aux couleurs sépia s'attachent avant tout aux personnages avec de nombreux gros plans sur les visages, les expressions pour faire écho au titre parce que dans cet album s'il est question du naufrage de la Méduse c'est avant tout aux naufragés que l'on s'intéresse leurs réactions, leurs émotions face au drame vécu.

Une excellente lecture prolongée par le petit carnet d'explications qui apporte de précieuses informations et atteste du travail de recherche des auteurs.
Lien : https://chezbookinette.blogs..
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Dans le salon rouge du Louvre trône en majesté un tableau aux dimensions imposantes : « le radeau de la Méduse », l'un de plus grands de la collection, l'un de plus célèbres du musée. Mais souvent, dupés par l'esthétique assez classique qui rappelle Michel-Ange dans la peinture des corps, les spectateurs se méprennent et croient avoir affaire à un épisode biblique ou antique. Grâce au roman graphique « Les Naufragés de la Méduse » de JS Bordas et JC Deveney , un one-shot imposant de 176 pages en couleurs directes paru chez Casterman, on apprend tout sur l'origine de cette oeuvre. L'album raconte, en deux récits entrecroisés, le naufrage réel de la frégate La Méduse et le naufrage émotionnel du peintre Géricault qui va se plonger dans ce fait-divers pour en tirer une toile d'actualité au détriment de sa vie personnelle et de sa santé.

Un fait-divers célèbre :

Le 17 juin 1816, la frégate la Méduse quitte l'île d'Aix pour le Sénégal. Nous sommes au début de la Restauration , après les 100 jours, et son commandant, Hugues Duroy de Chaumareys un ancien émigré qui n'avait pas navigué depuis 25 ans, multiplie des erreurs de navigation et finit, le 2 juillet, par échouer son navire sur un banc de sable au large de la Mauritanie. Pour le désensabler on construit en hâte un radeau de 20 m par 12 qu'on surnomme « la machine » sur lequel on place les canons, et tout ce qui peut alléger la frégate. Mais c'est un échec. On décide d'évacuer trois jours plus tard et, tandis que les notables s'installent dans les canots, le gros de la troupe et le bas-peuple s'entassent à 147 sur « la machine » remorquée par les autres embarcations. Comme le radeau est trop lourd, Chaumareys donne l'ordre de couper les amarres et cette immense « machine » dérivera treize jours durant sans eau, sans vivres. Mutineries, accès de folie, massacres organisés, noyades et scènes de cannibalisme se succèdent dans l'horreur.

Le 17 juillet, le brick « l'Argus » recueille les survivants. Ils ne sont plus que quinze. A leur retour, deux d'entre eux, Corréard et Savigny, publient leur témoignage qui provoquera une véritable tempête. le jeune peintre Géricault revient au même moment d'un séjour en Italie. Il est à la recherche du sujet de sa prochaine toile et perçoit d'emblée le potentiel de ce triste fait-divers. Il se met donc en tête de rencontrer les survivants pour mieux comprendre ce qui s'est passé …

Une enquête minutieuse et une mise en abyme

Durant plus de quatre années, les deux auteurs, JS Bordas et JC Deveney, se sont consciencieusement et abondamment documentés comme l'indiquent leurs remerciements : ils ont eu recours à l'expertise de Denis Roland conservateur du musée de la marine à Rochefort et à celle de Bruno Chenique spécialiste de l'oeuvre de Géricault. Au départ, ils pensaient ne raconter que l'histoire du naufrage mais ils ont décidé d'y adjoindre le personnage du peintre et sa quête afin de pouvoir retranscrire de façon plus originale le récit du fait-divers et éviter de montrer des scènes racoleuses en les racontant par ce biais à la place. On a donc un récit cadre : les recherches de Géricault et la genèse de son tableau à partir de fin 1817 et un récit encadré : le voyage de la frégate, son échouage et la vie sur le radeau en 1816. On passe de l'un à l'autre dans un savant montage alterné qui conserve une très grande lisibilité grâce à un code chromatique spécifique : les pages de 1816 sur le bateau et le radeau , en plein soleil, sont plutôt présentées en couleurs chaudes tandis que celles du Paris de 1818 sont composées dans des tonalités froides.

Ainsi, après l'embarquement qui permet la présentation des principaux protagonistes du fait-divers issus de couches diverses de la société où des nobles et des civils - les futurs notables de la colonie et leurs serviteurs parfois de couleur- côtoient des troupes qui formeront la garnison du comptoir en plus de l'équipage, on a l'exposition des dissensions qui règnent dès le départ sur le bateau entre des personnes de tous bord politiques (ultras monarchistes, bonapartistes nostalgiques, et même républicains). Puis nous découvrons l'histoire des naufragés en même temps que l'artiste dans une focalisation interne au gré de ses recherches et de ses conjectures. Parfois de nouveaux narrateurs prennent le relais : ainsi le mystérieux informateur du ministère de la Marine permet d'effectuer la transition entre le récit cadre et le récit encadré. Cette variation permet à la fois d'éviter une vision univoque et un exposé monotone et didactique.

En effet, Géricault, passionné d'exactitude, se lie avec Corréard et Savigny qu'il interroge et représente sur son tableau au pied du mât tout comme il rencontre Valéry Touche-Lavilette le charpentier du radeau dont il fait le portrait et qui lui construit une maquette de la machine. Enfin, il a affaire à un mystérieux informateur qui, voulant laver l'honneur de la marine française, lui fournit les minutes, classées confidentielles, du procès de Chaumareys.

Les pièces du puzzle s'emboîtent petit à petit. Théodore remet ainsi en cause les témoignages des deux survivants en en découvrant les zones d'ombre et les incohérences grâce aux discussions qu'il a avec sa tante Alexandrine. Ce qui permet dans la narration du fait-divers de montrer un Corréard un peu fat qui, tout scientifique qu'il est, confond des marsouins avec des dauphins, rechigne à prendre ses quartiers près des soldats et refuse de prendre place sur le radeau au moment de l'évacuation ; puis, lorsque Géricault le rencontre, le côté histrionique du personnage est souligné ce qui écorne l'image hagiographique que le survivant donne de lui-même dans son témoignage. de même, dans une conversation avec Savigny lors de la soutenance de thèse de ce dernier, Géricault met en doute la théorie du jeune médecin sur la « calenture » qui les disculpait bien commodément…Puis, lors de ses discussions avec ses amis sur l'événement, il réfute les propos racistes de l'un d'eux qui prétendait que le cannibalisme sur le radeau avait été initié par les Noirs qui s'y trouvaient. Géricault se bat donc constamment durant son enquête contre les préjugés, les légendes et le travestissement de la vérité.

Cette démarche représente également, dans une mise en abyme, celle des deux scénaristes. Ils sont passés par les mêmes étapes que leur héros : Ils ont consulté les archives du procès Chaumareys (en toute légalité en ce qui les concerne !), les journaux de bord des autres navires, le rôle d'équipage ; ils ont même bénéficié d'une maquette grandeur nature du radeau qui venait d'être recrée au musée de la Marine (ils nous en montrent une photo dans le dossier en fin d'ouvrage). Ils se sont sans doute, enfin, appuyés sur d'autres témoignages de survivants longtemps restés inédits qui prouvaient que les deux témoins initiaux maquillaient la réalité en se donnant pour l'un le beau rôle et pour l'autre une caution scientifique (c'est une fièvre tropicale qui aurait poussé les gens à s'entretuer) ce qui laissait éclater la vérité dans toute son horreur.

Une réflexion sur l'artiste

Mais, en faisant de Géricault le personnage principal de leur roman graphique (comme le souligne la couverture dans laquelle le peintre à son chevalet occupe les deux tiers de la page), les deux scénaristes ajoutent en plus une dimension biographique et métalinguistique : ils permettent en effet de mieux connaitre l'homme et donnent à voir sa vision du rôle de l'artiste.

Le récit cadre évoque en effet la vie palpitante du jeune artiste en vogue qui fréquentait des peintres célèbres à l'époque tel Horace Vernet ou qui le deviendraient ( le jeune Delacroix) et surtout un épisode qui fut soigneusement occulté jusqu'en 1976 de sa biographie officielle : la passion qu'il éprouva pour sa tante par alliance qui avait seulement six ans de plus que lui. Ceci rajoute de « l'humain » à l'intrigue et également du suspense en créant une opposition à l'élaboration du tableau : son oncle, fervent royaliste, veut le dissuader de mener à bien son projet ; or, comme l'artiste l'avoue à celle qu'il aime, son tableau et son amour pour elle sont « ses deux obsessions » et l'on peut alors se demander en quoi cette passion coupable va interférer dans sa création.

On assiste également aux hésitations de Géricault sur l'épisode à représenter. Auréolé d'une médaille d'or obtenue à seulement 21 ans au Salon, il veut six ans plus tard réitérer cet exploit et frapper fort en innovant : il en a assez « des vieux mythes et de la Bible illustrée « (p.6). On le voit réaliser différentes ébauches : il songe à présenter des scènes de mutinerie ou de cannibalisme qui sont dérangeantes tout en cherchant à donner un résumé de ce qu'il a découvert et à faire partager sa vision de la société. C'est pourquoi il va faire poser l'un des célèbres modèles noirs de l'époque, Joseph. Deveney et Bordas consacrent une longue scène de leur roman graphique à cela. Géricault croit aux idéaux de la Révolution et milite contre l'esclavage. Son tableau pathétique, qu'on croit souvent dédié à l'extrême malheur des hommes face aux éléments, est surtout un message politique. Si l'on regarde bien la toile, on voit que le personnage principal, montré de dos - une première dans l'histoire de la peinture -, est un métis. A sa gauche, on voit un homme de couleur qui regarde vers l'horizon. Et dans l'amas des corps, on aperçoit une main noire et une main blanche qui se serrent fiévreusement en signe de joie. Or, il n'y avait parmi les survivants qu'un seul Noir, soldat venu des Antilles pour servir dans l'armée française. Par solidarité avec les esclaves, Géricault place trois hommes de couleur sur le radeau, victimes lamentables du mépris de classe dont témoigne l'affaire.
Les deux auteurs soulignent enfin, à plusieurs reprises, comment le jeune homme fortuné n‘avait pas besoin de sa peinture pour vivre et donc pouvait peindre à son rythme et sans se préoccuper de plaire au public et au pouvoir pour qu'on lui achète sa toile. Reprenant les analyses de Bruno Chenique, ils font dire à leur héros « Nous sommes une seule humanité et le radeau est là pour témoigner de toutes ses souffrances » et ils rappellent dans leur exergue la célèbre citation de Michelet : « c'est la France elle-même, c'est notre société toute entière qu'il embarque sur ce radeau de la Méduse ». Les bédéistes racontent comment Géricault va métamorphoser le fait-divers dans une prise de position esthétique mais aussi sociale et politique tout en s'y perdant et … c'est passionnant !

Alors qu'au départ les deux récits alternent toutes les deux ou trois pages, permettant au lecteur d'éprouver un certain répit après certaines scènes difficiles sur le radeau, ils se succèdent de plus en plus rapidement jusqu'à se télescoper parfois dans des scènes de tension et de violence où les codes chromatiques se contaminent dans une palette uniformément sombre et des pages muettes présentant une fragmentation des images mimétique de l'état de tension psychologique des personnages. Les deux naufrages finissent par se rejoindre dans un clair-obscur géricaldien.

On sort de cette lecture hanté par la tragédie du radeau et ce qu'elle dévoile de la nature humaine, de l'égoïsme et de la violence de l'homme confronté à des situations extrêmes. Une plongée « au coeur des ténèbres » qui prend d'autant plus de résonnance dans l'époque troublée que nous traversons quand chaque jour voit son lot de naufrages en Méditerranée et quand l'individualisme forcené prime sur la société … Certains lecteurs reprochent aux auteurs de ne pas avoir inclus une reproduction du chef d'oeuvre de Géricault dans leur album. Or, ce n'est pas le tableau lui-même qui importe ici mais son « making of » : le fait divers à l'origine de sa création, l'enquête de l'artiste, toutes les interrogations qu'elle suscite auprès de son auteur, le douloureux parcours qui a été nécessaire à son élaboration et sa réception avortée au Salon dans une présentation censurante en haut de la cimaise (comme celui de Claude Lantier dans « l'Oeuvre » de Zola) sous un titre générique qui lui reniait sa valeur d'actualité et de brûlot.

Si ce fleuron du Louvre est, hélas, promis à disparaître car un composant dans la peinture assombrit le tableau progressivement et que son noircissement complet est à terme irrémédiable, JC Deveney et JS Bordas lui ont dressé un véritable « tombeau » (au sens poétique du terme) dans leur magnifique roman graphique. Embarquez-vous sans tarder dans ce récit de naufrages réussi !
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Voilà une très heureuse surprise.
Excellente BD sur l'histoire du célèbre tableau de Théodore Géricault "Le radeau de la Méduse" revenant à la fois sur l'histoire du tableau, les recherches de l'artiste, son enquête sur le sujet, la création de la composition, la recherche des modèles avec en parallèle l'histoire de ce terrible naufrage et l'abandon de 170 passagers sur ce radeau construit en prévision de l'évacuation des passagers.
Cela m'a donné envie de courir au Louvre revoir la toile de ce maître de la peinture romantique.
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Tout le monde a en tête ce fameux tableau de Théodore Géricault le radeau de la Méduse . Un tableau qui ferait presque partie de la conscience collective en raison de sa présence dans les manuels scolaires ( même si je ne sais pas si c'est toujours le cas aujourd'hui). En tout cas, cette toile remarquable se greffe aisément sur la rétine. Géricault a su mettre en valeur la tragédie du naufrage de cette frégate avec bravoure, désespoir et horreur.

Ce que nous raconte Les naufragés de la Méduse, c'est la genèse de ce tableau. Une genèse partagée avec des flash-back sur la réalité de ce naufrage monumentale.

A la barre de ce remarquable one-shot, nous retrouvons Messieurs Jean- Sebastien Bordas pour le dessin, la couleur et la co-scénarisation et Jean-Christophe Deveney sur le scénario. Je ne connais pas du tout le travail de l'un et de l'autre si ce n'est que Mr Deveney a aussi signé le scénario d'un autre roman graphique cette année, Géante, un conte qui figure parmi mes futures prochaines lectures.

Le duo a fourni un excellent travail pour ce roman graphique aussi bien dans sa reconstruction historique totalement immersive que dans le portrait tourmenté d'un peintre en proie à ses démons intérieurs. Ce récit se déroule en deux temps, le témoignage des survivants du naufrage qui se déroule presque en temps réel sans préambule direct et la peinture du tableau. Passé, présent, juste un petit écart de deux ans entre le naufrage et l'élaboration de la peinture. Une narration en deux temps aussi fluide que les remous d'une vague et sublimé par les nuances d'aquarelle de Jean-Sebastien Bordas. Ce dernier donne tout son talent à la lecture de ce naufrage que ce soit au niveau de la détresse émotionnelle de ce peintre qui devient obsédé par son tableau et bien sûr par la détresse physique des victimes du naufrage. Sa colorisation se fait parfois lourde comme les couleurs ocres et solaires qui viennent écraser ce radeau perdu en pleine mer... Les séquences nocturnes sont également très bien réalisées avec un clair-obscur qui laissent transparaître les actes de folies et de survie.

La narration est très efficace même si je trouve que les transitions entre les scènes du naufrage et le quotidien de Géricault sont un petit peu abruptes. Au final, Les Naufragés de la Méduse nous compte deux naufrages. le naufrage de l'équipage donne un récit de survie marquant mais aussi une plongée dans les sommets gouvernementaux qui ont tenté de "minimiser" cette tragédie comme le montre les témoignages posthumes. le second naufrage est celui d'un peintre qui voit sa vie se prendre un sérieux revers alors qu'il apporte le témoignage le plus célèbre de ce même naufrage. Ce serait presque une mise en abyme sur la folie et le désespoir que suppose la retranscription artistique d'un tel événement. Par exemple, cette "folie artistique" s'illustre avec l'emploi de véritables cadavres que le peintre a utilisé pour se rapprocher au plus prés des couleurs du réel quitte à lui provoquer des hallucinations par la suite.

Alors que ce tableau fut à peine acclamé par la critique et le public à sa première exposition durant le Salon de 1819, il fait désormais partie des oeuvres majeures du Louvre. La tragédie est depuis passée à la postérité.

Les naufragés de la méduse est un récit graphique complet et captivant. Par sa narration en deux temps et par son graphisme fluide , à la fois fin et pesant, Bordas et Deveney ont élaboré un roman graphique passionnant sur la genèse de l'une des plus fameuses toile de l'Histoire. Une toile qui , au-delà d'être une oeuvre mémorable, est aussi un précieux et immortel témoignage d'une rude tragédie.



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Qui ne connaît le fameux tableau de Géricault ? Il est ancré dans notre mémoire collective au même titre que La Joconde ou La liberté guidant le peuple.
Mais qu ‘en est-il des circonstances du naufrage ? Dans quelles conditions le tableau a-t-il vu le jour ?
C'est ce que nous révèlent la plume de Jean-Christophe Deveney et le pinceau de Jean-Sébastien Bordas dans l'album magistral « Les naufragés de la Méduse » paru chez Casterman.
Alors empruntons le quai des bulles et embarquons dans cet ouvrage où s'entremêlent deux récits : l'histoire d'un fait divers dramatique, le naufrage et celle de la genèse du tableau avec en toile de fond le contexte socio-politique de l'époque et les deux faces de Théodore Géricault : l'homme et le peintre..

Entrée en matière
L'album s'ouvre sur les retrouvailles de Géricault avec le peintre Vernet et le Colonel Bro, fervent bonapartiste. L'artiste qui rentre d'Italie leur fait part de son projet : réaliser un tableau sur le naufrage de la Méduse.
« Je me suis procuré le témoignage que deux des survivants viennent de publier. Il y a tout ce que je cherche dedans : la violence, la folie ... L'' ESPOIR !!!r»
Ainsi débute une longue quête de la vérité parsemée de doutes et de questionnements qui va bouleverser sa vie ...

Le naufrage de la Méduse : un récit maritime
Le 13 juin 1816, La Méduse, navire amiral d'une flottille de 4 vaisseaux lève l'ancre et quitte l'île d'Aix, destination le Sénégal récemment rétrocédé à la France par l'Angleterre.
A son bord : le futur gouverneur du Sénégal et sa famille, des fonctionnaires coloniaux parfois accompagnés également des leurs, quelques scientifiques dont Alexandre Corréard jeune cartographe et géographe et Jean-Baptiste Savigny, aide-chirurgien de la marine et surtout des soldats.
Le commandement de la Méduse a été confié à un noble qui n'a pas navigué depuis 25 ans : Hugues Duroy de Chaumareys dont l'incompétence et les erreurs vont entraîner la tragédie que l'on connait. le 2 juillet, La Méduse s'échoue sur un banc de sable à 80 km des côtes africaines. On va tenter de la sortir de ce piège, et pour cela construire un radeau afin d'y déposer tout ce qui pourrait alléger la frégate. Malheureusement cette tentative est vouée à l'échec. On sera contraint d'évacuer. Il n'y pas assez de place dans les canots occupés par le personnel de la colonie, les officiers et l'équipage. Les autres passagers, majoritairement des soldats vont donc s'entasser sur le radeau. Leur calvaire durera 13 jours. Quand le brick L'Argus viendra leur porter secours, sur les 150 occupants, il n'en restera que 15 dont 5 mourront peu après.

L‘illustration
Le choix de l'aquarelle est extrêmement judicieux pour ce type de récit.
Cette technique permet de mettre en valeur la mer sous ses différents aspects.
On peut y voir aussi un hommage à Géricault, aquarelliste hors-pair, initié à cet art ainsi que son ami Delacroix lors d'un voyage en Angleterre.
Ici, le procédé permet d'adoucir les scènes les plus dures. L'épisode du cannibalisme entremêlant réel et hallucinations est traité avec beaucoup de pudeur et de subtilité.
Se dégage également l'extrême talent de Jean Sébastien Bordas dans la mise en couleurs et l'expressivité des personnages.
L'illustration est toujours juste, au service de la narration. Beaucoup de moments forts. Quelques planches sont vierges de tout phylactère : les tempêtes, le cannibalisme, l'apparition de l'Argus, la création fiévreuse de l'artiste.
Un de mes moments préférés : La première vignette de la page 89 qui par sa composition préfigure le tableau futur. La corde qui reliait le radeau au canot précédent vient d'être rompue. Les naufragés, formant une pyramide sous l'effet de la perspective, nous tournent le dos et regardent, incrédules, les canots s'éloigner.
« C'est impossible ! Ils vont faire demi-tour ! Ils ne peuvent pas nous laisser là ! » ...
La suite de la chronique sur le blog de l'accro des bulles
Lien : https://laccrodesbulles.word..
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N'étant pas très au fait de cette histoire, j'ai pu découvrir la vie de Géricault, ainsi que l'histoire de la Méduse.
Je savais que le tableau avait été mal reçu à l'époque, sans savoir pourquoi.
Prenant, édifiant, une bonne pioche, que je recommande
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Les Naufragés de la Méduse est une très belle bande dessinée historique qui se lit comme un roman. À travers les yeux du peintre Géricault, le lecteur découvre le récit effroyable du radeau de la Méduse. Un fait divers frappa l'opinion publique française du début du XIXe siècle et qui donne aujourd'hui encore la chair de poule.

Chronique complète sur le site du Suricate Magazine
Lien : https://www.lesuricate.org/l..
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Le Radeau de la Méduse, exposé au Louvre, est sans nul doute un des tableaux les plus connus du monde et il est d'une importance majeure dans l'histoire de l'art. Pour ceux et celles qui ont le courage de monter jusqu'au deuxième étage, quelques esquisses préparatoires sont conservées et offrent un aperçu fascinant du processus créatif de Géricault. Mais qui connaît réellement l'histoire que cache ce tableau ? En plongeant dans les pages de la bande dessinée Les Naufragés de la Méduse, signée de Jean-Christophe Deveney et Jean-Sébastien Bordas, je redécouvre les méandres tragiques d'une histoire qui mêle incompétence, suffisance, et indiscipline, sur fond de bouleversements politiques.

En 1816, la France fait face à une grande instabilité politique alors quand survient le naufrage de la Méduse au large du Sénégal, l'opinion publique est choquée et il est source d'embarras pour la monarchie nouvellement restaurée et met en lumière que les relations sont plus importantes que les compétence pour un poste à responsabilité, puisque le commandant de Chaumareys n'avait plus navigué depuis 25 ans. Ce choix imprudent devient le prélude à une série d'événements qui entraînera la frégate vers sa triste destinée. Une histoire vraie, marquée par l'horreur et la survie dont va s'emparer Géricault.

Les scénaristes parviennent à restituer l'atmosphère oppressante de cette épopée maritime à travers un récit palpitant. Les personnages, façonnés par des personnalités complexes et des enjeux politiques, donnent vie à cette page sombre de l'histoire. La tension monte au fur et à mesure que le lecteur découvre les détails poignants du naufrage, de la lutte pour la survie sur le radeau à la découverte des horreurs commises. le contexte historique sert de toile de fond à cette tragédie puisqu'il s'agit de montrer la génèse et la construction du « le Radeau de la Méduse ». Ce tableau est emblématique du romantisme, tableau dans lequel Géricault dénonce l'injustice sociale, symbolisée par l'image poignante des naufragés luttant pour leur survie. de plus, le tableau révèle une critique implicite de l'esclavage, puisque le seul naufragé noir est placé en haut de la pyramide par Géricault, choix qui avait eu un certain retentissement à l'époque.

Personnellement, j'ai eu l'occasion d'étudier ce chef-d'oeuvre pendant mes études, et j'apprécie particulièrement la construction complexe du tableau et son message puissant. La bande dessinée Les Naufragés de la Méduse offre une nouvelle perspective sur cet événement historique et artistique à ceux qui ne connaîtrait pas l'histoire et met en exergue le poids de la réalisation de ce tableau sur la vie de Géricault puisqu'il mène une véritable enquête pour mieux cerner son sujet aussi atroce soit-il.

Le trait de Jean-Sébastien Bordas se marie parfaitement au récit et les planches, riches en détails, plongent le lecteur au coeur de l'action et de la détresse humaine.

Les Naufragés de la Méduse est une bande dessinée qui conjugue habilement l'histoire vraie et la dimension artistique.
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Les personnages de Tintin

Je suis un physicien tête-en-l'air et un peu dur d'oreille. J'apparais pour la première fois dans "Le Trésor de Rackham le Rouge". Mon personnage est inspiré d'Auguste Piccard (un physicien suisse concepteur du bathyscaphe) à qui je ressemble physiquement, mais j'ai fait mieux que mon modèle : je suis à l'origine d'un ambitieux programme d'exploration lunaire.

Tintin
Milou
Le Capitaine Haddock
Le Professeur Tournesol
Dupond et Dupont
Le Général Alcazar
L'émir Ben Kalish Ezab
La Castafiore
Oliveira da Figueira
Séraphin Lampion
Le docteur Müller
Nestor
Rastapopoulos
Le colonel Sponsz
Tchang

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Thèmes : bd franco-belge , bande dessinée , bd jeunesse , bd belge , bande dessinée aventure , aventure jeunesse , tintinophile , ligne claire , personnages , Personnages fictifsCréer un quiz sur ce livre

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