NE NOUS EN PRENONS PAS À L’INVISIBLE…
Ne nous en prenons pas à l’invisible,
nul visage, en fait, ne s’évanouit.
Si nous sommes aveugles, c’est à force
de nous taire. Ne resterait-il que le mot “silence”,
nous l’arracherions au silence, résolument,
nous redeviendrions à travers la maison déserte
ces enfants aux aguets : innombrables, les fentes,
innombrables, les bruits s’insinuent, balbutient,
se répercutent, nous réapprendrions
la langue des nuits ou des souffles
comme des yeux ne s’appuyant que sur l’ouïe.
Que le vent s’exalte …
Que le vent s’exalte, que le vent se calme,
toutes les nuits deviennent bienfaisantes
pour ceux qui s’abandonnent, qui ne tendent
que l’oreille, ce qu’ils nomment « la neige »,
ils ne cherchent pas à le définir : dès qu’ils
s’endorment, sans voir, sans prononcer le mot,
leur corps comme l’espace entre les murs,
en respirant, sont libres de l’entendre.
Tu n’as ni dessiné ni peint …
Tu n’as ni dessiné ni peint sinon
sur les carreaux couverts de givre ou de buée,
les doigts dénoués, les regards en fête,
tu disposais de peu de mots, tous les arbres
des lilas, tous les oiseaux des merles,
la terre un jardin matinal : lignes illimitées,
buissons de lettres, un soir, tu les fis apparaître
sur une feuille de cahier avec de l’encre.
Tu te penches, il est là, l’enfant que tu évoques, ta main
tremble en la sienne.
Lame de fond…
Lame de fond
qui sort de la page,
la page est écrite.
Ne rien ajouter, léguer
à demain la perspective
intacte.
À l'occasion de l'édition 2021 (Auteur/lecteur) du Festival Résonances, les rencontres du patrimoine littéraire et de la création, nous vous proposons ici "Trajectoires d’écoute", une série d'entretiens avec Pierre Dhainaut, par Thomas Demoulin.
Résonances Festival