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EAN : 9782707140821
525 pages
La Découverte (13/06/2003)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
" Ma vérité voilera ma rudesse... " : Bernal Díaz del Castillo, avant que d'être le compagnon de tous les instants de Cortés, l'a précédé dès 1517 sur la terre mexicaine dans deux expéditions. Trente ans plus tard, sur ses vieux jours, il a rédigé dans sa riche retraite de Santiago du Guatemala le récit de la conquête du Mexique. C'est à dessein qu'il a qualifié sa relation de " véridique " : il a voulu s'inscrire contre le caractère trop hagiographique des relation... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En veux-tu ? en voilà, de l'aventure, de l'héroïsme, du choc des civilisations ! Bernal Diaz del Castillo n'a peut-être pas la politesse de Jules César, ni Cortès sa carrure, mais ça ne les a pas empêché d'écrire l'une des plus fameuses pages de l'Histoire. La découverte de la Nouvelle-Espagne date d'exactement cinq cent ans, en 1517, par Francisco Hernandez de Cordova. Bernal Diaz faisait déjà parti de cette expédition et il a combattu à la bataille de Champoton qui a en quelque sorte mis le feu aux poudres et provoqué la « pacification » de Cortès deux ans plus tard, avec la fatale escalade : massacres, mise en esclavage et destruction.
« Alea jacta est », s'écrit Cortès, dans un discours à ses cinq cent soldats à l'assaut d'une civilisation, d'un continent, d'un nouveau monde ! après avoir sabordé sa propre flotte pour marquer un point de non-retour. Ce livre pourrait regorger de tirades édifiantes, d'actions fracassantes, dignes d'une tragédie grecque ; des épisodes dotés d'un potentiel dramatique incroyable, avec un déchainement de violence. On trouve plusieurs complots, des combats, des rébellions, des alliances, des trahisons, des légendes, des naufragés, des trésors, des pirates, et de la cupidité, beaucoup de cupidité. Une fois de plus la réalité a dépassé la fiction. Bernal Diaz raconte mal en allongeant inutilement son discours par des répétitions lassantes, mais ça n'arrête jamais, rien que le siège de Mexico, c'est trois mois de batailles quotidiennes. Il faut dire que Cortès, qui en tout voulait contrefaire Alexandre le Grand selon Bernal Diaz, était l'un de ces conquérants pressés dont la réussite et l'insatiable avidité sont confondantes.
Comme César en Gaule, Cortès a beaucoup joué sur les divisions des indigènes. Que les Espagnols aient tentés de se faire passer pour des dieux avec plus ou moins de succès, qu'ils aient pu inspirer de l'effroi avec leurs mystérieux chevaux, qu'ils aient eu une petite supériorité technologique avec leur maîtrise de la poudre ou qu'ils aient décimés involontairement les indigènes en diffusant les véroles, tout ça n'aurait servi à rien sans les grandes divisions de leurs adversaires. Si un jour vous aviez une civilisation à conquérir, pensez d'abord à exciter les tensions internes, c'est la clef du succès.
Enfin, c'était vraiment un choc des civilisations. On ne s'imagine pas l'horreur de chrétiens, passablement superstitieux, venant juste d'être mobilisés autour De La Croix pour la Reconquista, pratiquant l'eucharistie en commémoration du Christ sacrifié, de se retrouver face à des anthropophages sacrificateurs en masse. Un vrai choc entre le symbole et la réalité. Il ne pouvait pas en résulter de simples et bonnes relations autour d'un gentil commerce.
Je ne vais pas détailler tout ce qu'on trouve dans ce livre trop peu lu en France, ni toutes les riches réflexions qu'on peut en tirer, mais il faut quand même dire un mot sur l'auteur pour comprendre l'esprit de sa relation : c'était un simple soldat, qui m'a paru plutôt sympathique. Un peu trop simple en fait, naïf. Il en ressort une véritable sincérité mais peut-être manque-t-il un peu de recul sur son chef bien-aimé ou alors n'ose-t-il pas trop insister sur ses méfaits parce que son destin à lui était irrémédiablement lié à celui de Cortès. Quand il a décidé d'écrire ses mémoires dans ses vieux jours, il existait un autre livre qui apparemment servait de référence sur la conquête de la Nouvelle-Espagne, celui de Francisco de Gomora qui était en quelque sorte le biographe officiel de Cortès. Après l'avoir lu, Bernal Diaz a trouvé beaucoup de fautes dans ce livre hagiographique et il a voulu rétablir la vérité avec, en particulier, l'intention de réhabiliter tous les soldats oubliés par Gomora, pour rappeler que cette conquête a été une aventure collective et pas seulement le fait de Cortès. Mais jamais il n'accuse personnellement Cortès d'avoir contribué à cette occultation des soldats et à leur pauvreté, toujours il lui trouve des excuses et rappelle qu'il a été un chef extraordinaire. Et pourtant… on se demande comment ça marche dans la tête de Bernal Diaz, car il est indéniable dans tout ce qu'il raconte que Cortès est coupable de beaucoup de méfaits. Il a été un séditieux cupide et il porte une énorme responsabilité personnelle dans tout ce qu'il s'est passé à cette époque au Mexique. Evidemment, les ennemis de Cortès n'étaient pas non plus de blanches colombes, mais sans entrer dans les détails des intrigues politiques que Bernal Diaz décrit très bien, et pour en rester à ce qui l'intéresse lui en particulier, en tant que simple soldat, on se demande comment il arrive à ne jamais accuser Cortès, alors qu'on voit très bien qu'il a lésé ses propres troupes ou du moins qu'il s'en est désintéressé.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Nous avancions fiers de nos triomphes, lorsque, au moment où nous nous y attendions le moins, nous voyons venir à nous un grand nombre de bataillons mexicains, poussant des cris furieux, ornés de superbes banderoles et la tête couverte de beaux panaches. Ils jettent à nos pieds cinq têtes, dégouttant de sang, qu'ils venaient de couper à nos camarades enlevés à Cortès ; en même temps ils nous crient : « C'est ainsi que nous allons vous tuer, comme nous avons massacré déjà Malinche et Sandoval, ainsi que tous ceux qui étaient avec eux. Voilà leurs têtes, reconnaissez-les bien ! » […]
Quant à nous, tout en revenant sur nos pas, nous entendions des sons lugubres s'élever du grand temple des divinités Huichilobos et Tezcatepuca, dont la hauteur dominait toute la ville : c'étaient les tristes roulements d'un grand tambour, comparable aux instruments infernaux ; ses vibrations étaient telles qu'on l'entendait à deux ou trois lieues à la ronde. A côté de lui résonnaient en même temps un grand nombre d'atabales. C’est qu'en ce moment, ainsi que plus tard nous le sûmes, on offrait aux idoles dix cœurs et une grande quantité de sang de nos malheureux camarades. Détournons nos regards de ces sacrifices pour dire que nous continuions à revenir sur nos pas et que les attaques dirigées contre nous étaient incessantes tant du côté de la chaussée que des terrasses des maisons et des embarcations de la lagune. En cet instant, de nouveaux bataillons se précipitent sur nos rangs, envoyés par Guatemuz. Ils étaient excités par le son de la trompe de guerre qu’on destinait à donner le signal des combats à mort ; elle annonçait aux capitaines qu'ils devaient s'emparer de l'ennemi ou mourir à ses côtés. Ses éclats étaient si aigus qu'on en avait les oreilles assourdies. Aussitôt que les bataillons et leurs chefs les eurent entendus, il fallait voir avec quelle rage ils cherchaient à enfoncer nos rangs pour mettre la main sur nous! C'était épouvantable! Et maintenant que j'y reporte ma pensée, il me semble voir encore ce spectacle ; mais il me serait impossible de le décrire. La vérité que je dois confesser ici, c'est que Dieu seul pouvait nous soutenir, après les blessures que nous avions reçues ; ce fut bien lui qui nous sauva, car autrement nous n’aurions jamais pu revenir à notre camp. Je lui rends milles grâces et je chante ses louanges pour m'avoir délivré des mains des Mexicains, cette fois comme en tant d'autres circonstances.
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Quant à nous, en présence de cet admirable spectacle nous ne savions que dire, sinon nous demander si tout ce que nous voyions était la réalité. D'une part, en effet, il y avait de grandes villes et sur terre et sur la lagune ; tout était plein d'embarcations ; la chaussée coupée de distance en distance par des tranchées que les ponts recouvraient ; devant nous s'étalait la grande capitale de Mexico… ; tandis que, d'autre part, nous, nous n'arrivions pas au nombre de quatre cent cinquante hommes, et nous n'avions rien oublié des conversations et des avis de nos alliés de Guaxocingo, de Tlascala et de Talmanalco ; nous avions présents à la mémoire leurs conseils de ne pas entrer à Mexico où l'on devait tous nous massacrer. Que les curieux lecteurs veuillent bien voir si dans ce que j'écris ici il serait possible d’exagérer l'éloge ; y a-t-il jamais eu dans le monde des hommes qui aient fait preuve d'une égale hardiesse ?
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Un dimanche, Diego Velasquez se rendait à la messe ; et, en sa qualité de gouverneur, il était accompagné des personnes les plus qualifiées de la ville, ayant pris soin de placer Cortès à sa droite, pour lui faire honneur. Une sorte de truand, que l'on appelait Cervantès le Fou, marchait devant eux, grimaçant et disant des bouffonneries pour amusement de ses patrons : « Diego ! Diego ! quel capitaine tu choisis là ! Il est de Medellin, en Estramadure ; capitaine bien fortuné ! J'ai peur, Diego, qu'il ne t'échappe en se soulevant avec sa flotte. Je le tiens pour très-expert en ses affaires. » Il lançait d'autres folies, toutes empreintes de mauvais desseins. Et parce qu'il les disait dans ce sens, Andrès de Duero, qui marchait à côté de Cortès, le frappait sur la nuque en lui criant : « Tais-toi, ivrogne, bouffon ! Cesse d'être un coquin ; nous savons bien que ce n'est pas de toi que viennent ces malices, sous le couvert de plaisanteries. » Mais le fou continuait : « Vive, vive mon patron Diego ! Vive son fortuné capitaine Cortès ! Et je te le jure, mon maître Diego, pour ne pas te voir pleurer la mauvaise emplette que tu viens de faire, je veux m'en aller avec Cortès vers ces riches contrées. » On tint pour que les Velasquez, parents du gouverneur, donnèrent des pièces d’or a ce mauvais plaisant pour qu'il lançât ces malices sous le couvert de bouffonneries. Or, tout cela devint vérité, comme il l'avait annoncé ; car on dit que les fous frappent souvent juste quand ils parlent.
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[Après le siège de Mexico]

Or il est vrai (Amen! je le jure) que l'eau, les édifices et les travaux de défense étaient si remplis de cadavres et de têtes, que je ne saurais en décrire exactement l'horreur. Dans les rues mêmes et dans les places du Tatelulco, on ne voyait pas autre chose et nous ne pouvions circuler qu'au milieu des têtes et des corps morts. J’ai lu le récit de la destruction de Jérusalem, mais je doute qu'il y ait eu là un massacre comparable à ceux de cette capitale. Le nombre d’indiens guerriers qui disparurent est incalculable ; la plupart de ceux qui étaient venus des provinces et des villes dépendant de Mexico, dans l'espoir de trouver un refuge au milieu de la capitale, y moururent victimes de la guerre. Je le répète, le sol, la lagune, les travaux de défense, tout était plein de cadavres, et il s'en exhalait une telle puanteur qu'il n'y avait pas d'homme qui la pût supporter. C’est pour cette raison qu'après la prise de Guatemuz, chaque capitaine regagna ses quartiers, ainsi que je l'ai dit, et Cortès tomba malade à cause des odeurs qu'il fut obligé de respirer dans les jours qu’il séjourna au Tatelulco.
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O excellente et illustre Renommée, parmi les bons et vertueux désirée et louée, vous que les méchants et ceux qui ont tenté d’obscurcir nos héroïques actions ne voudraient voir ni ouïr votre illustre nom, de peur que vous n’exaltiez nos personnes comme il sied, je vous fais assavoir, Madame, que de cinq cent cinquante soldats passés avec Cortès de l’île de Cuba, nous ne sommes plus dans toute la Nouvelle-Espagne, en cette présente année de mil cinq cent soixante et huit où je transcris cette relation, que cinq encore vivants. Quelques-uns sont morts de leur belle mort, mais quasi tous furent occis par les Indiens aux dites guerres et sacrifiés aux idoles. Leurs tombeaux ? Les ventres des indiens qui mangèrent leurs jambes, cuisses, bras, pieds et mains, baillant pour sépulture à leurs entrailles les gueules des tigres, serpents et lions qu’ils tenaient par magnificence en des maisons fortes. Tels furent leurs tombeaux et tels leurs blasons !
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