« L'énigme de la chambre 622 » est le 6eme et dernier roman de
Joël Dicker, Prix Goncourt des Lycéens et Grand Prix du roman de l'Académie française pour «
La vérité sur l'Affaire Harry Quebert » paru en 2012. C'est le troisième livre que je lis de lui, avec «
La disparition de Stéphanie Mailer ».
Et ce livre est surprenant ! Il enthousiasme et énerve en même temps. Autant l'écrire tout de suite, ce n'est pas un livre à lire sur un mois… On ne s'y retrouverait pas compte tenu de la densité de l'intrigue et des personnages… Il faut s'y plonger ou y renoncer.
L'histoire se passe en Suisse. Au Palace de Verbier, station de ski huppée valaisanne, l'auteur , qui se met en scène dans ce livre, constate qu'àprès la chambre 621, il y a la chambre 623 et entre les deux, pas de 622 mais la chambre 621 bis. Pourquoi la chambre 622 n'existe pas ?
Avec Scarlett, jeune et jolie femme esseulée, également cliente de l'hôtel,
Joël Dicker, en vacances pour oublier un chagrin amoureux, va conduire une véritable enquête policière pour comprendre la raison de cette absence que le personnel de l'hôtel renâcle à expliquer.
La narration révèle une intrigue aux multiples rebonds, superposant trois époques : celle de l'enquête et de l'écriture du livre, celle d'un meurtre non élucidé dans un hôtel de luxe de la station de ski valaisanne de Verbiers, et « quinze ans plus tôt ».
Je ne m'aventurerai pas à vous faire le pitch de cette intrigue, l'exercice serait périlleux, tant les personnages de la famille Ebezner, d'Asnatasia, de sa soeur et de sa mère, prétendues russes nobles, de Lev Levovitch, de Signor Tarnagol, sont à la fois surprenants, imprévisibles. Et L'histoire repose sur un récit à double temporalité, l'enquête de
Joël Dicker pour le présent et l'énigme de la chambre 622, et la mort troublante non élucidée d'un Banquier 15 ans plus tôt. Double temporalité avec laquelle l'auteur se plait à jouer en permanence. Il faut s'accrocher !
Car nous sommes en Suisse, et bien que le titre du livre tente de nous aiguiller dans l'univers de l'hôtellerie, c'est d'une histoire de Banquiers dont il s'agit, d'une famille de banquiers suisses propriétaires de la Banque Ebezner, de père en fils, de rivalités familiales.
Si le livre semble long à démarrer, il y a pourtant un thème rémanent dans ce roman : celui de l'héritage. Héritage financier chez Ebezner dans une lutte pour le pouvoir, héritage humain entre Sol et son fils Lev, pour ce père saltimbanque raté devenu petites mains du directeur du Palace, et qui rêve que son fils prenne la relève. Car il y a chez tous ces personnages une quête de reconnaissance, un besoin salvateur.
« L‘énigme de la chambre 622 » est un roman policier où meurtre, jalousie et trahison font bon ménage sur fond de lutte de pouvoir au sein d'une grande banque suisse. Une intrigue bien menée, car le lecteur a hâte de savoir qui a bien pu être tué dans cette fameuse chambre 622 et il faut attendre le dernier quart du livre pour connaître enfin le nom de la victime.
Et l'on va tout au long des 500 pages du roman de surprises, en rebonds avec des intrigues, des rebondissements, des machinations qui font vite oublier le reste, l'invraisemblance de certaines situations, quoique dans ce monde de la finance, on peut se dire que beaucoup de choses sont possibles tant les enjeux sont considérables.
Reste à savoir le nom de l'assassin et le mobile de ce meurtre. Mais pour cela il faut lire le livre…
On est loin du petit polar sympathique, prévisible. Les situations surprennent, la multiple temporalité déroute, l'auteur se met en scène, les énigmes tardent à trouver leurs solutions. Rien que pour cela, ce roman vaut la peine d'être lu !
L'écriture de
Joël Dicker est légère, facile à lire, comme pour compenser la complexité du scénario et nous entraîne dans un récit à mi-chemin entre coup de théâtre et enquête policière. Et il faut reconnaître que l'on se laisse facilement prendre au jeu.
Et puis il y a en filigrane de ce roman, l'hommage rendu plusieurs fois par l'auteur à son éditeur Bertrand de Fallois, celui qui a cru en lui et l'a révélé alors qu'il n'était pas connu ni édité. On peut y lire aussi la recherche d'une filiation, d'un dernier au revoir comme le besoin posthume d'une dernière reconnaissance.
Ce roman, riche, dense on y accroche ou pas, c'est du pur Dicker. Il y utilise les ficelles qui ont fait son succès dans les précédents ouvrages. Il faut s'y plonger mais quand on est dans le bain, on n'a plus envie d'en sortir. On veut aller jusqu'au bout.