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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Si je ressens physiquement comme si le sommet de ma tête m'était arraché, je sais que c'est de la poésie." La première fois que j'ai lu Dickinson, j'ai eu peur.[...] C'est le tour favori d'Emily. Elle vous prend vivant là où vous êtes et elle vous fige dans le froid. Elle vous prend malgré vous et elle vous colle dans l'éternité. ( Notules sur Emily - Patrick Reumaux)
Certains penseront triste vie que celle d'Emily. Personnellement, j'y vois la richesse d'une vie et la beauté d'une âme.
Une vie passée à magnifier ces petits riens de tous les jours.
Une vie passée à se questionner sur la perte des êtres chers, la mort, la vie, la souffrance, la beauté.
Une vie passée à écrire, imaginer, rêver, observer, comprendre et créer cette magnifique poésie.
Une poésie qui est une musique et qui nous emporte loin,très loin en un "Lieu-dit l'éternité."
Poésie que je vous recommande chaudement.
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Face aux littératures européennes, la poésie américaine fait un peu pâle figure. D'accord, elle n'a que deux siècles contre les deux ou trois millénaires (si on compte l'Antiquité gréco-latine) de notre vieille Europe : les poètes américains ne sont pas très nombreux (et très mal connus en Europe, de surcroît) : les plus célèbres chez nous sont Edgar Poe et Walt Whitman, les seuls qui aient eu une audience à peu près régulière. Mais on redécouvre à présent d'autres poètes majeurs, dont une poétesse majuscule, Emily Dickinson.
Emily Dickinson (1830-1886) est une autrice singulière et intéressante à plus d'un titre. Avant de parler de son oeuvre, il faut évoquer sa vie, qui l'explique dans ses grandes lignes. Issue d'une famille de tradition puritaine, d'une orthodoxie étouffante, Emily grandit entre la chorale de l'église et le collège de sa ville où elle parfait ses connaissances. Mais en dehors des cours, elle n'a droit à aucune distraction, et c'est « sous le manteau » qu'elle découvre « Jane Eyre » et certaines littératures jugées immorales (il n'en fallait pas beaucoup) par la petite communauté. Enfant pleine de vie, sociable, ouverte et spirituelle, elle se referme peu à peu dans une vie intérieure mélancolique. Ce qui ne l'empêche d'avoir de nombreuses amitiés (surtout épistolaires) et de nourrir une oeuvre poétique foisonnante (on lui attribue mille huit cents poèmes dont seuls une douzaine furent publiés de son vivant). Cette poésie est d'une richesse incroyable, car elle aborde tous les grands sujets qui lui sont chers : la mort (qui l'a traumatisée très tôt), la vie, l'amour (qu'elle a toujours idéalisé) et surtout deux thèmes majeurs, la foi (et ses interrogations) et la nature (avec une prédilection pour les fleurs et les jardins). Toujours vêtue de blanc, elle est surnommée « La Reine recluse » ou « La vierge amoureuse ». de santé fragile toute sa vie, il semble qu'elle soit morte à 56 ans d'une insuffisance rénale chronique.
Drôle de vie n'est-ce-pas (et encore drôle n'est sans doute pas le mot approprié). Ça évoque fortement la vie des soeurs Brontë (surtout Emily, comme quoi le prénom…), ses cousines du Vieux Continent. Mais cette vie est à l'origine d'une oeuvre unique, enthousiasmante, bouleversante, d'une profondeur extrême, tout à fait singulière dans son inspiration autant que dans son style : nous avons vu quelle était ses thèmes préférés, habités parfois de mysticisme et parfois d'humour, il faut maintenant parler du ton employé, à la fois familier et ironique, souvent émerveillé devant les beautés de la nature, parfois proche de la dérision et du doute ou de la désespérance, personnel et même intime, et touchant parfois à l'universalité.
« Je me dis, la Terre est brève –
Et l'Angoisse – absolue –
La douleur partout.
Et alors ?

Je me dis on peut mourir –
Les Forces les plus vives
Sont vouées à la Corruption.
Et alors ?

Je me dis qu'au Ciel –
Cela risque d'être la même question –
Avec une nouvelle Equation –
Et alors ? »

Si vous ne connaissez pas Emily Dickinson, cette petite anthologie (bilingue) vous donnera une excellente idée de cette oeuvre exceptionnelle. Puis si vous êtes tombé sous le charme, (comme moi et beaucoup d'autres), vous vous procurerez les « Oeuvres complètes » éditées chez Flammarion.
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Je souhaite noter ici un tout petit poème devenu fameux et souvent cité, extrait de ce recueil : "Lieu-dit l'éternité" (Seuil-Points), avec son texte original, ainsi que plusieurs traductions ayant toutes des inflexions diverses, à partir d'intentions probablement différentes. Ceci permettra de se faire une idée des choix qu'opèrent les traducteurs au sein de la polysémie poétique des textes.
Voici donc le texte original :
« To make a prairie it takes a clover and one bee,
One clover, and a bee,
And reverie.
The reverie alone will do,
If bees are few. » (On le trouve dans : Emily Dickinson, "Poésies complètes". Édition bilingue, Flammarion, 2009).
Il est ainsi traduit par Patrick Reumaux dans ce recueil-ci
(on le trouve aussi dans "Autoportrait au roitelet. Correspondance"):
« Pour faire une prairie il faut un trèfle et une seule abeille
Un seul trèfle, et une abeille
Et la rêverie.
La rêverie seule fera l'affaire
Si l'on manque d'abeilles. »

Ce poème est un emblème joli de nos préoccupations écologiques contemporaines, et d'une singulière prescience. Il sonne étrangement à nos oreilles inquiétées par la souffrance de nos petites soeurs les abeilles, et par les blessures de la biodiversité vitale : il n'est malheureusement pas sûr que la seule rêverie y suffise...
Il célèbre aussi les retrouvailles festives avec le réel, et l'immersion de la "conscience océanique" (chère à Romain Rolland) dans la magie de l'instant et la douceur immanente des petites choses, qui marquent l'écriture unique d'Emily Dickinson, à la fois passionnée et discrète.

À noter que ce poème est cité aussi par Jean-Claude Ameisen dans sa remarquable émission sur France Inter "Sur les épaules de Darwin" (notamment la rediffusion du 09/05/2020 : "Dame bourdon et le trèfle des prés"). Il est traduit en toute simplicité par Ameisen ainsi :
« Pour faire une prairie il faut un trèfle et une abeille.
Un trèfle, une abeille,
Et de la rêverie.
La rêverie seule suffira
Si les abeilles sont rares."

On le trouve encore, dans la traduction de Michel Leiris, dans "Esquisse d'une anthologie de la poésie américaine du XIXe siècle" (Gallimard) :
"Il faut pour faire une prairie
Un trèfle et une seule abeille
Un seul trèfle, une abeille
Et quelque rêverie.
La rêverie suffit
Si vous êtes à court d'abeilles."

Enfin, en écho à ce charmant petit poème, une autre délice de la tendre Emily, qui nous parle encore de nos chères abeilles, de leurs promesses, et du rêve qu'elles inaugurent :
« Cette petite Ruche abritait
De telles Promesses de Miel
Que le Réel devenait Rêve
Et le Rêve Réel. » (Quatrains et autres poèmes brefs. - Poésie/Gallimard).
« L'espoir est une étrange chose à costume de plumes qui se pense dans notre âme, se perche sur le coeur, hante inlassablement des chansons sans paroles, et ne s'arrête jamais. Mais c'est dans la tempête que son chant est le plus doux. »
Plût au ciel qu'Emily ait raison!!!
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Partir à la découverte de l'univers d'Emily Dickinson est une épreuve. Parfois perplexe, souvent envoutée, je n'ai de cesse de m'interroger sur le sens profond de ses vers.


Cherche t'elle à apprivoiser la mort ? Sa mort ?


Beauté cruelle ? Beauté naturelle ? Face cachée du soleil ? La mort s'insinue partout et se confronte à la réalité, se modèle, se métamorphose, s'approprie la vie et clame haut et fort son existence. Parfois incongrue, parfois malicieuse, joueuse, elle se cache ici et là. Souvent elle veille, elle attend son heure pour entrer en scène.


Il n'y a rien de douloureux. le paisibilité se déchaîne parfois dans une tempête d'émotions. Mais l'évidence est là : la mort n'existerait pas sans la vie, et vice-versa. Une fusion du néant et de la vie.


Une lecture en apnée. Prendre le temps d'écouter les silences, le fracas des mots et surtout de ressentir. Parfois rien et souvent beaucoup trop.


Cette édition est bilingue et je trouve cela parfait. Je ne maîtrise pas aisément l'anglais mais cela m'a suffi pour apprécier les rimes et le rythme que l'on ne retrouve pas dans la traduction. La préface et les notules m'ont permis succinctement de brosser le portrait de la poétesse et surtout de comprendre l'immense dilemme qu'à poser la traduction de ces poèmes.
Lien : https://misschocolatinebouqu..
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