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Patrick Reumaux (Traducteur)
EAN : 9782757805664
288 pages
Points (11/10/2007)
4.28/5   58 notes
Résumé :
Ce volume réunit plus de cent cinquante poèmes de L'une des plus grandes poétesses du XIXe siècle. Hantée par le néant, Emily Dickinson n'a eu de cesse de questionner la nature, la folie, la foi, l'amour et la mort. Sa poésie, habitée de fulgurances mystiques, joue autant de la gravité que de l'ironie, de l'émerveillement que de la dérision, mêlant sentiments intimes et thèmes universels avec une audace stylistique et rythmique d'une modernité saisissante.
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"Si je ressens physiquement comme si le sommet de ma tête m'était arraché, je sais que c'est de la poésie." La première fois que j'ai lu Dickinson, j'ai eu peur.[...] C'est le tour favori d'Emily. Elle vous prend vivant là où vous êtes et elle vous fige dans le froid. Elle vous prend malgré vous et elle vous colle dans l'éternité. ( Notules sur Emily - Patrick Reumaux)
Certains penseront triste vie que celle d'Emily. Personnellement, j'y vois la richesse d'une vie et la beauté d'une âme.
Une vie passée à magnifier ces petits riens de tous les jours.
Une vie passée à se questionner sur la perte des êtres chers, la mort, la vie, la souffrance, la beauté.
Une vie passée à écrire, imaginer, rêver, observer, comprendre et créer cette magnifique poésie.
Une poésie qui est une musique et qui nous emporte loin,très loin en un "Lieu-dit l'éternité."
Poésie que je vous recommande chaudement.
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D'une obscure beauté, la poésie d'Emilie Dickinson n'est pas vraiment un remède contre la mélancolie saisonnière! Evitez donc d'ouvrir le recueil si l'hiver vous a fait perdre votre sourire, si les enfants vous ont tapé sur le système toute la journée, si votre patron vous a refusé une augmentation en invoquant la conjoncture.
Car vous risqueriez de sombrer dans une fascination macabre, pour la description détaillée de ce que peut ressentir un pendu, un noyé, ou bien celui qui, dans sa chair encore tiède, entend les pas de ceux qui l'ensevelissent et l'oublient. Car elle excelle dans l'art de dire ce qui n'est plus, ce qui n'est plus pour très longtemps, ce qui se meurt, à peine rassurante quand elle invoque un Dieu sauveur. Fascination relevée tout de même par l'observation des paysages, l'exploration lyrique des sentiments qui l'animent.
Oui dans un sens j'ai aimé lire ces poèmes : j'ai apprécié leur musicalité, les effets de ruptures parfois (comme il est sympathique pour cela de posséder une édition bilingue!) mais pour en apprécier la signification je les reprendrai en des temps plus heureux...
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Face aux littératures européennes, la poésie américaine fait un peu pâle figure. D'accord, elle n'a que deux siècles contre les deux ou trois millénaires (si on compte l'Antiquité gréco-latine) de notre vieille Europe : les poètes américains ne sont pas très nombreux (et très mal connus en Europe, de surcroît) : les plus célèbres chez nous sont Edgar Poe et Walt Whitman, les seuls qui aient eu une audience à peu près régulière. Mais on redécouvre à présent d'autres poètes majeurs, dont une poétesse majuscule, Emily Dickinson.
Emily Dickinson (1830-1886) est une autrice singulière et intéressante à plus d'un titre. Avant de parler de son oeuvre, il faut évoquer sa vie, qui l'explique dans ses grandes lignes. Issue d'une famille de tradition puritaine, d'une orthodoxie étouffante, Emily grandit entre la chorale de l'église et le collège de sa ville où elle parfait ses connaissances. Mais en dehors des cours, elle n'a droit à aucune distraction, et c'est « sous le manteau » qu'elle découvre « Jane Eyre » et certaines littératures jugées immorales (il n'en fallait pas beaucoup) par la petite communauté. Enfant pleine de vie, sociable, ouverte et spirituelle, elle se referme peu à peu dans une vie intérieure mélancolique. Ce qui ne l'empêche d'avoir de nombreuses amitiés (surtout épistolaires) et de nourrir une oeuvre poétique foisonnante (on lui attribue mille huit cents poèmes dont seuls une douzaine furent publiés de son vivant). Cette poésie est d'une richesse incroyable, car elle aborde tous les grands sujets qui lui sont chers : la mort (qui l'a traumatisée très tôt), la vie, l'amour (qu'elle a toujours idéalisé) et surtout deux thèmes majeurs, la foi (et ses interrogations) et la nature (avec une prédilection pour les fleurs et les jardins). Toujours vêtue de blanc, elle est surnommée « La Reine recluse » ou « La vierge amoureuse ». de santé fragile toute sa vie, il semble qu'elle soit morte à 56 ans d'une insuffisance rénale chronique.
Drôle de vie n'est-ce-pas (et encore drôle n'est sans doute pas le mot approprié). Ça évoque fortement la vie des soeurs Brontë (surtout Emily, comme quoi le prénom…), ses cousines du Vieux Continent. Mais cette vie est à l'origine d'une oeuvre unique, enthousiasmante, bouleversante, d'une profondeur extrême, tout à fait singulière dans son inspiration autant que dans son style : nous avons vu quelle était ses thèmes préférés, habités parfois de mysticisme et parfois d'humour, il faut maintenant parler du ton employé, à la fois familier et ironique, souvent émerveillé devant les beautés de la nature, parfois proche de la dérision et du doute ou de la désespérance, personnel et même intime, et touchant parfois à l'universalité.
« Je me dis, la Terre est brève –
Et l'Angoisse – absolue –
La douleur partout.
Et alors ?

Je me dis on peut mourir –
Les Forces les plus vives
Sont vouées à la Corruption.
Et alors ?

Je me dis qu'au Ciel –
Cela risque d'être la même question –
Avec une nouvelle Equation –
Et alors ? »

Si vous ne connaissez pas Emily Dickinson, cette petite anthologie (bilingue) vous donnera une excellente idée de cette oeuvre exceptionnelle. Puis si vous êtes tombé sous le charme, (comme moi et beaucoup d'autres), vous vous procurerez les « Oeuvres complètes » éditées chez Flammarion.
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Je souhaite noter ici un tout petit poème devenu fameux et souvent cité, extrait de ce recueil : "Lieu-dit l'éternité" (Seuil-Points), avec son texte original, ainsi que plusieurs traductions ayant toutes des inflexions diverses, à partir d'intentions probablement différentes. Ceci permettra de se faire une idée des choix qu'opèrent les traducteurs au sein de la polysémie poétique des textes.
Voici donc le texte original :
« To make a prairie it takes a clover and one bee,
One clover, and a bee,
And reverie.
The reverie alone will do,
If bees are few. » (On le trouve dans : Emily Dickinson, "Poésies complètes". Édition bilingue, Flammarion, 2009).
Il est ainsi traduit par Patrick Reumaux dans ce recueil-ci
(on le trouve aussi dans "Autoportrait au roitelet. Correspondance"):
« Pour faire une prairie il faut un trèfle et une seule abeille
Un seul trèfle, et une abeille
Et la rêverie.
La rêverie seule fera l'affaire
Si l'on manque d'abeilles. »

Ce poème est un emblème joli de nos préoccupations écologiques contemporaines, et d'une singulière prescience. Il sonne étrangement à nos oreilles inquiétées par la souffrance de nos petites soeurs les abeilles, et par les blessures de la biodiversité vitale : il n'est malheureusement pas sûr que la seule rêverie y suffise...
Il célèbre aussi les retrouvailles festives avec le réel, et l'immersion de la "conscience océanique" (chère à Romain Rolland) dans la magie de l'instant et la douceur immanente des petites choses, qui marquent l'écriture unique d'Emily Dickinson, à la fois passionnée et discrète.

À noter que ce poème est cité aussi par Jean-Claude Ameisen dans sa remarquable émission sur France Inter "Sur les épaules de Darwin" (notamment la rediffusion du 09/05/2020 : "Dame bourdon et le trèfle des prés"). Il est traduit en toute simplicité par Ameisen ainsi :
« Pour faire une prairie il faut un trèfle et une abeille.
Un trèfle, une abeille,
Et de la rêverie.
La rêverie seule suffira
Si les abeilles sont rares."

On le trouve encore, dans la traduction de Michel Leiris, dans "Esquisse d'une anthologie de la poésie américaine du XIXe siècle" (Gallimard) :
"Il faut pour faire une prairie
Un trèfle et une seule abeille
Un seul trèfle, une abeille
Et quelque rêverie.
La rêverie suffit
Si vous êtes à court d'abeilles."

Enfin, en écho à ce charmant petit poème, une autre délice de la tendre Emily, qui nous parle encore de nos chères abeilles, de leurs promesses, et du rêve qu'elles inaugurent :
« Cette petite Ruche abritait
De telles Promesses de Miel
Que le Réel devenait Rêve
Et le Rêve Réel. » (Quatrains et autres poèmes brefs. - Poésie/Gallimard).
« L'espoir est une étrange chose à costume de plumes qui se pense dans notre âme, se perche sur le coeur, hante inlassablement des chansons sans paroles, et ne s'arrête jamais. Mais c'est dans la tempête que son chant est le plus doux. »
Plût au ciel qu'Emily ait raison!!!
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J'adore relire Emily et son style si particulier, si déroutant. Elle a le don de m'éveiller les sens.
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Pour faire une prairie il faut un trèfle et une seule abeille, Un seul trèfle, et une abeille, Et la rêverie. La rêverie seule fera l'affaire, Si on manque d'abeilles.
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Il y a quelque chose de plus calme que le sommeil
Dans cette chambre intérieure !
Ça porte un rien sur la poitrine -
Et ça refuse de dire son nom.
Certains le touchent, certains l’embrassent -
Certains réchauffent la main inerte -
Le corps a une gravité simple
Que je ne comprends pas !
Je ne pleurerais pas, à leur place -
Sangloter serait déplacé !
Attention que la fée tranquille
De peur ne regagne son bois !
Pendant que les voisins naïfs
Bavardent du « mort tout neuf »-
Nous - enclins à la périphrase,
Pointons que les oiseaux se sont envolés !

There ´s something quieter than sleep
Within this inner room !
It wears a sprig upon its breast,
And will not tell its name.
Some touch it and some kiss it,
Some chafe its idle hand;
It has a simple gravity
I do not understand !
I would not weep if l were they,
How rude in one to sob !
Might scare the quiet fairy
Back to her native wood !
While simple-hearted neighbors
Chat of the “ early dead ”,
We, prone to periphrasis,
Remark that birds have fled !
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Je ne l'ai pas encore dit à mon jardin -
De peur d'être conquise.
Je n'ai pas encore la force à présent
De l'annoncer à l'Abeille -

Je n'en dirai pas le nom dans la rue
Les boutiques me dévisagreaient -
Que quelqu'un aussi timide - aussi ignorant
Ait l'aplomb de mourir.

Les collines ne doivent pas le savoir -
Où j'ai fait tant de randonnées -
Ni dire aux forêts amoureuses
Le jour où je m'en irai -

Ni le chuchoter à table -
Ni par inadvertance, en passant
Suggérer qu'à l'intérieur de l'Enigme
Quelqu'un marchera aujourd'hui -



I have not told my garden yet,
Lest that should conquer me ;
I have not quite the strength now
To break it to the bee.

I will not name it in the street,
For shops would stare, that I,
So shy, so very ignorant,
Should have the face die.

The hillsides must not know it,
Where I have rambled so,
Nor tell the loving forests
The day that I shall go.

Nor lisp it at the table,
Nor heedless by the way
Hint that within the riddle
One will walk to-day !
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Le Cerveau - est plus grand que le Ciel -
Mette-les côte à côte -
L'un contient l'autre
Sans problème - et Vous - en plus -

Le Cerveau est plus profond que la Mer
Tenez-les - Bleu pour Bleu -
L'un absorbe l'autre -
Comme L'Éponge - l'eau - d'un Seau -

Le Cerveau pèse exactement le poids de Dieu -
Soupesez-les - Livre par Livre -
La différence - si elle existe -
Est celle de la syllabe au son -

Sorry, j'avais oublié la version anglaise qui n'était pas dans mon cahier.

The brain is wider than the sky,
For, put them side by side,
The one the other will include
With ease, and you beside.

The brain is deeper than the sea,
For, hold them, blue to blue,
The one the other will absorb,
As sponges, buckets do.

The brain is just the weight of God,
For, lift them, pound for pound,
And they will differ, if they do,
As syllable from sound.
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QUELQUES POEMES D’EMILY DICKINSON
(Traduction de Patrick Reumaux)


I reason, earth is short,
And anguish absolute.
And many hurt ;
But what of that ?

I reason, we could die ;
The best vitality
Cannot excel decay ;
But what of that ?

I reason that in heaven
Somehow, it will be even,
Some new equation given ;
But what of that ?

Je me dis, la Terre est brève –
Et l’Angoisse – absolue –
La douleur partout.
Et alors ?

Je me dis on peut mourir –
Les Forces les plus vives
Sont vouées à la Corruption.
Et alors ?

Je me dis qu’au Ciel –
Cela risque d’être la même question –
Avec une nouvelle Equation –
Et alors ?

*

I know that he exists
Somewhere, in silence.
He has hid his rare life
From our grosse eyes

‘T’is an instant play,
‘T’is a fond ambush,
Just to make bliss
Earn her own surprise !

But should the play
Prove piercing earnest,
Should the glee glaze
In death’s stiff stare.

Would not the fun
Look too expensive ?
Would not the jest
Have crawled too far ?

Je sais qu’Il existe,
Quelque part – dans le Silence –
Il a caché sa vie précieuse
A notre vue grossière.

C’est le jeu d’un instant.
Un tendre Guet-apens –
Le Bonheur s’attrape
Par surprise !

Mais – si le jeu
N’en est plus un –
Si la joie – se glace –
Dans l’œil froid – et fixe de la Mort –

Ne serait-ce pas payer
La plaisanterie trop cher ?
Ne serait-ce pas pousser –
Trop loin le bouchon ?

*

We never know we go, - when we are going
We jest and shut the door ;
Fate following behind us bolts it,
And we accost no more ;

Nous ne savons jamais que nous partons quand c’est l’heure –
Nous raillons et fermons la porte –
Le Destin – qui suit – la verrouille derrière nous –
Et nous ne touchons plus terre -.

*

I never saw a moor,
I never saw the sea ;
Yet know I how the heather looks,
And what a wave must be.

I never spoke with God,
Nor visited in heaven ;
Yet certain am Iof the spot
As if the chart were given.

Je n’ai jamais vu de Lande –
Je n’ai jamais vu la Mer –
Pourtant je sais à quoi ressemble la Bruyère
Et ce qu’est une Vague.

Je n’ai jamais parlé à Dieu
Ni visité le Ciel –
Pourtant je suis aussi sûre du lieu
Que si j’en avais la carte -

*
.
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