Celui qui estimerait qu'il faut demeurer en cet état auquel toutes choses sont permises à tous, se contredirait soi-même : car chacun désire par une nécessité naturelle ce qui lui est bon, et il n'y a personne qui puisse estimer que cette guerre de tous contre tous, attachée nécessairement à l'état naturel, soit une bonne chose. Ce qui fait que, par une crainte mutuelle, nous désirons sortir d'un état si incommode, et recherchons la société ; en laquelle s'il faut avoir de guerre, du moins elle n'est pas sans secours, ni de tous contre tous.
Et pour ne pas oublier en cet endroit ceux qui font profession d'être plus sages que les autres, si c'est pour philosopher qu'on s'assemble ; autant d'hommes qu'il y aura dans un auditoire, ce seront autant de docteurs. Il n'y en aura pas un qui ne se sente capable, et qui ne veuille mêler d'enseigner les autres ; et de cette concurrence naîtra une haine mutuelle, au lieu d'une amitié réciproque.