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EAN : 9782362294341
136 pages
Editions Bruno Doucey (10/11/2022)
3.5/5   4 notes
Résumé :
D’abord il y a la mer, les pêcheurs qui « butinent au-delà du lagon », les cases en torchis, l’arbre dont la droiture défie les siècles. Il y a la nuit et ses parfums de sève chaude, le frémissement des corps, cet homme qui distribue des poèmes aux passants. Il y a la mère que le poète chante en deux langues, le kibushi et le français, « jusqu’à [se] perdre dans le royaume d’enfance ». Il y a le quignon de pain de l’homme qui a faim, ce tirailleur de la Seconde Guer... >Voir plus
Que lire après Daïra pour la merVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dès les premières pages, Nassuf Djailani, écrivain originaire de Mayotte, nous ouvre la porte de son pays mais ce n'est pas une carte postale qu'il nous donne à voir. Il faut oublier « la baie émeraude, saphir, cristalline » car c'est d'une autre réalité dont il est question, un quotidien où l'on sent sourdre une certaine violence. Ici, on lutte pour sa survie face aux bouleversements de l'île.

« dos à la case en torchis les engins fouillent la terre
le manguier un boa à la renverse
elle n'en fera plus des tas
son seul revenu quand la rizière s'assèche. »

Car, au-delà du labeur, il y a la vie donnée par la femme qui a toute sa place dans les vers du poète. Même s'il annonce la mer dans le titre, mer qui baigne les rivages de l'île, il évoque aussi la mère, celle qui donne la vie et apaise les souffrances.

« Les femmes portent
en plus de la vie
le fût remonté du puits. »

Daïra, ce mot étrange qu'on trouve dans le titre questionne. Les daïras ou dahiras sont des prières chantées qui se terminent par des danses ou l'on se tient par la main. Ces litanies chantées et dansées peuvent durer toute la nuit. Les femmes le pratiquent assises, genoux contre genoux. C'est un chant prière qui essaime de village en village, où le groupe revêt toute son importance.
Sous une forme plus prosaïque, c'est ce chant prière que reprend le poète pour raconter son île et ses habitants. On est vite happé par le rythme du chant, de la danse et de ces corps qui s'agitent et se touchent.

« A mesure que les hanches se tortillent
Les pieds semblent s'enfoncer
Dans le sol qi s'empoussière
Les jambes se frôlent
Les mots délirent
Les corps suent. »

On ne dira jamais assez la puissance évocatrice des mots et le poète évoque « ces mots anodins qui n'ont l'air de rien » mais qui pourtant creusent leur sillon, ils sont un partage contre l'oubli
« le chant s'oppose à l'effacement de la trace »

Les poèmes du poète Comorien, courts, longs où le kibushi, sa langue maternelle, alterne avec le français, nous invitent à nous perdre dans le quotidien de sa vie et il semble que ces vers sont écrits pour être dits à voix haute, peut-être scandés comme une prière.
Le recueil se clôt sur l'oraison d'un tirailleur et sur des élégies pour deux femmes.
C'est beau, sobre et émouvant comme ces derniers mots qu'Habiba Ali adresse à l'enfant.

« A l'enfant
tu dis
que ta peine
n'est que poussière
dans l'oeil. »

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🌊Chronique🌊

Je marche
Et vers toi je m'éveille
Tu esquisses un sourire
Et mon coeur se déploie


A croire que compter les bleus
Ce n'est que du trouble
La poésie danse gratifie
S'immisce dans le sable
Dans les mouvements
Dans les langues
Dans les corps
Jusqu'à la déflagration
Et la peine elle reste là
Charriée comme de la vase
Elle remonte descend emplit
De tous les dires des hommes
Qui ont vu le pire et la puanteur

A croire que compter les bleus
Ce n'est que des chants ivres
De sueurs et de rires humides
La poésie mange et désobéit
Dans les questions
Dans l'humus
Dans les implorations
Jusqu'au fin fond infini
Et la joie s'estompe là-bas
Parfumée de ces histoires tristes
Elle va et vient comme un amant
Comme une mer comme un village
Qui ont senti l'or et le miel de Mayotte

Je ne sais pas compter le bleu du ciel
Je ne sais qu'entendre les bruissements
De la daïra des hommes pour la mer
Il m'en revient des intonations sonnantes
Quelque chose qui plane sur la mélancolie
Mais qui raconte aussi l'espoir d'un réveil
Du coeur et des mémoires funambules

Je suis une goutte en touche
Une petite goutte dans les vagues
Je déclame des vers qui aime le bleu
Celui de la mer et de l'âme que j'ai touché
Et parce qu'ils dansent voguent traversent
Ces bleus qu'on ne comptent plus
Je vous invite
Au mouvement, aux louanges, à l'engagement
A croire un peu les nuances des autres cieux…

Remerciements:
Je tiens à remercier très chaleureusement Babelio ainsi que les éditions Bruno Doucey de leur confiance et l'envoi de ce recueil de poésie.
Lien : https://fairystelphique.word..
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D'entrée, le lecteur se demande ce qu'est une daïra. Il s'agit d'un chant religieux chanté et dansé par les hommes. Ce chant est pratiqué dans tous les villages et tisse les liens entre les habitants.
Sans doute que les vers reprennent la forme de ces chants pour célébrer les mots et la proximité des corps qui s'agitent dans la nuit
« La musique est forte dans le noir
Les cuisses se frôlent
Les mains aiment l'aventure
Les seins, les fesses sont d'insolence
Aux yeux qui savent où sont les choses. »

Dans la partie intitulée « premier mouvement » l'auteur, originaire de Mayotte, intercale sa langue, le kibushi avec le français. Les poèmes, très courts, font penser à des haikus. Il y évoque une femme aimée, ainsi que la mère et ses origines
« Je viens du volcan
endormi
au sommet
d'une île qui tremble »

Parmi les nombreux portraits, j'ai été touché par celui du tirailleur de la seconde guerre mondiale. de retour de la guerre, il est oublié ainsi que ses « galons qui se taisent. / dans la malle au coin de la chambre » Et puis, pour célébrer l'anniversaire de la prise de la Bastille, on vient le chercher, on l'exhibe pour l'oublier à nouveau. Cette évocation des soldats de la Coloniale enrôlés de force puis oubliés est cynique et terrible.

L'écriture est limpide avec, parfois, une musicalité dans le rythme. Je me suis laissé bercer et j'ai découvert un monde inconnu et plein de vie.

Je remercie les éditions Bruno Doucey et Babelio pour cette belle lecture

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Je dois avouer que j'ai fait une erreur de casting quand j'ai coché ce petit livre lors d'une dernière opération Masse critique de chez Babélio, et j'en suis désolée pour l'éditeur que je remercie pour l'envoi. Je me suis laissée embarquer par mon enthousiasme, la beauté du titre, le pitch, sans vraiment comprendre qu'il s'agissait en réalité d'un recueil de poésie. Et me voici tout de même dans l'obligation d'écrire un billet, exercice délicat quand on est passé complètement à côté d'un livre… Car je n'ai rien en soi contre la poésie, bien entendu. Il m'arrive d'en lire. Et c'est toujours sur le fil que l'alchimie opère alors, ou pas. le résumé de l'éditeur est pourtant d'une beauté sans nom… Qui résisterait à un tel programme ? Mais les mots de Nassif Djailani sont restés sans effet sur moi. L'objet livre est par ailleurs très beau, produit avec une grande qualité, il tient dans la main. Mais il restera dans cette catégorie des ouvrages que j'aurais aimé aimer.
Lien : https://leslecturesdantigone..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Je viens du volcan
endormi
au sommet
d'une île qui tremble
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Videos de Nassuf Djailani (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nassuf Djailani
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
+ Lire la suite
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