AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782020261951
217 pages
Seuil (02/11/1995)
3.8/5   27 notes
Résumé :
Ce roman corrosif sur la société algérienne d'aujourd'hui est le dernier livre publié par Tahar Djaout, écrivain et journaliste assassiné à Alger en juin 1993 : il était devenu, par son talent et son courage tranquille, le symbole de la résistance au fanatisme.
Que lire après Les VigilesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Les Vigiles, ou les cerbères de la médiocrité.
Djaout dans ce roman aux traits pamphlétaires et à la plume corrosivement belle y dénonce le paternalisme politique des dirigeants qui avaient la main mise sur l'Algérie post-indépendante mais aussi le fanatisme religieux montant. A la lisière du récit polar et des fulgurances poétiques, ce roman est loin d'être 'ennuyeux' comme certains aiment à classer la littérature algérienne de cette époque l'étiquetant de toujours servir la même sauce à chaque fois ; or, dans cette oeuvre, l'auteur à travers l'humour cynique et avec une narration qui a le don de tenir en laisse son lecteur, offre un panel de thématiques déjà en avance sur son temps. le présent roman est paru en 1991, soit, deux ans avant le brutal assassinat de Tahar Djaout.
Ok, en gros, ça raconte quoi?
On suit l'histoire d'un jeune professeur de physique nommé Mahfoudh Lemdjad qui a mis en place un métier à tisser, une machine de tissage moderne, et veut que les autorités lui octroient le brevet de cette invention afin de la présenter au salon de Heidelberg en Allemagne. Il se heurte malheureusement à la bureaucratie et à l'insalubrité d'une politique fermée qui craint toute manifestation de progrès technique. On le voit donc se faire refuser des documents administratifs, et être en proie d'une haute surveillance, ce qui met en exergue une situation absurde, presque burlesque. Une mascarade.
On assiste à une dissection à vif de la société algérienne avec des personnages imbus d'une fausse intégrité. Un terrain miné où la lumière se livre une bataille hargneuse contre des forces réactionnaires et obscurantistes.
Du « weli-ghedoua » et autres incongruités bureaucratiques…
Djaout nous plonge dans une société castratrice où des décapiteurs de têtes pensantes pullulent de partout. Son personnage principal est perçu comme un subversif aux yeux des « Vigiles », ces anciens combattants de la Révolution qui veulent maintenir un ordre moral, religieux et politique. Ils n'hésitent pas à mettre des bâtons dans les roues du jeune inventeur. Ce dernier se heurte à une bureaucratie sclérosée, il court d'un bureau à un autre pour qu'on lui délivre son passeport, ainsi que le brevet de son invention. Il attend, il attend longuement ; il doute, il désespère, il est désabusé, dévalorisé ; il se relève, il part, il revient. Il attend encore.
« : - Votre requête est tout à fait inhabituelle et demande une réflexion de la part de notre administration. Vous êtes prié de revenir plus tard. »
« :- Ce n'est pas tous les jours que nous avons affaire aux inventeurs. C'est pourquoi il faut comprendre nos réactions. Vous n'ignorez pas que dans notre sainte religion les mots création et invention sont parfois condamnés parce que perçus comme une hérésie, une remise en cause de ce qui est déjà, c'est-à-dire de la foi et de l'ordre ambiants. Notre religion récuse les créateurs pour leur ambition et leur manque d'humilité ; oui, elle les récuse par souci de préserver la société des tourments qu'apporte l'innovation. »
Dans la décrépitude des souvenirs et du silence des ombres…
Un des thèmes que Djaout aborde dans cette oeuvre est celui du souvenir du passé, il dresse le portrait d'un personnage « Menouar Ziada », un ancien combattant de la Révolution qui est « en mal de se souvenir » car sa mémoire est un tiroir où vivent encore les fantômes d'un passé sanglant empli de souffrances et de remords refoulés. Il jouit de privilèges qu'il a injustement arrachés ayant un lien douteux dans les caisses de l'Etat. Djaout expose donc la racine des problèmes du présent qui sont dans les entrailles de la Révolution et qui ne font que se perpétuer (jusqu'à nos jours, si j'ose dire).
« Et le vieux Ziada voit avec angoisse s'avancer l'heure où il devra rentrer chez lui. Les derniers martinets ont abdiqué devant la progression de la pénombre. Les maisons se profilent encore avec imprécision avant de disparaître dans la nuit comme des navires qui sombrent. L'un après l'autre s'éteignent les bruits clairs du jour, relayés par des bruits plus insidieux. Menouar s'attarde encore un peu, écoutant comme une bête à raffut, une douleur trifouillant dans ses entrailles, les bruits ténus de la nuit, procession de cris étouffés, de glissements stratégiques, d'embuscades microscopiques ou de fuites désordonnées. Un monde semblable à celui des hommes et parallèle à lui est là qui lutte pour sa survie, qui ourdit ses intrigues et monte ses pièges. »
Djaout, ce féministe...
Un thème qui ne m'a pas laissée indifférente, c'est la place de la femme dans la société algérienne, vers la fin du roman lors de la soirée de célébration du prix reçu en Allemagne pour l'invention de Mahfoudh Lemdjad, le personnage remarque qu'aucune femme n'a été invitée alors que sa machine est principalement une inspiration et un hommage aux femmes.
« Il n'y a aucune femme dans le jardin de la mairie. Mahfoudh s'y attendait, et c'est cette appréhension qui l'avait dissuadé de venir avec Samia. »
Ainsi, on assiste à un discours poignant qui dépeint la volonté de Djaout de valoriser la femme :
« Quant à ma modeste machine qui reçoit ce soir des hommages un peu démesurés, je rappellerai seulement tout ce qu'elle doit aux autres, en particulier aux femmes qui sont absentes de nos célébrations, mais qui se sont attelées des siècles durant à des travaux éprouvants pour tisser brin à brin notre bien-être, notre mémoire et nos symboles pérennes. A travers un métier où elles se sont usées les yeux et les mains et que je réinvente aujourd'hui qu'il a presque disparu, je leur exprime toute ma reconnaissance et je leur restitue une part infime des multiples choses qu'elles nous ont données. »
Commenter  J’apprécie          40
""Les vigiles"" j'aime me poser des questions avant d'entamer une lecture: vigile évoque protecteur? ou geôlier? gardien? ou cerbère? Qui est qui dans cette histoire?
Passons...
Ecrire l'Algérie de l'Après-indépendance nous plonge dans un chaos total. le roman dénonce une bureaucratie destructrice et nous raconte le parcours d'un jeune inventeur qui va affronter et confronter les tenants du pouvoir, ceux qui s'amusent à rabaisser les intellectuels et les esprits créatifs. On étouffe le changement dans l'oeuf . on casse, on dévalorise, on brise, on reporte, on refuse, on méprise....
Et tu es là à te morfondre quand tu vois que certains sont mieux considérer "ailleurs" (j'entends par là à l'Etranger) Toutes ces têtes pensantes partent et évoluent sous d'autres cieux. Nous connaissons tous ceci. le lire fait encore plus mal. j'entendais le cri et la rage de l'auteur.
l n y a pas mieux qu'un roman et une histoire inventée pour faire passer des messages et réécrire des vérités. Je ne vais pas me faire longue mais le roman repris dans son contexte et à son époque a dû faire rager plus qu'un. Djaout est courageux de dire tout haut ce que pensaient d'autres tout bas. Parler de cette destruction massive et du fanatisme religieux montant n'était pas facile mais dangereux. Je ne suis pas rentrée dans les détails parce que ceux qui ont lu ont publié leur avis et ceux qui ne l'ont pas encore fait, devraient le découvrir. J'attribue un 4/5 pour toutes les choses ressenties lors de ma lecture. le sujet reste d'actualité rien n'a changé ... ou bien au contraire !
Mod/Suppr

Lien : https://monboudoirdelivres.b..
Commenter  J’apprécie          100
Tahar Djaout a 37 ans quand il publie ce livre. Il sera assassiné par les intégristes en juin 1993…deux ans après la publication de ce roman à l'histoire édifiante, mais au style qui m'a moins inspirée...
« Dans une paisible ville de la banlieue d'Alger, un jeune professeur invente une machine à tisser inspirée du savoir ancestral de sa grand-mère.
Quand il veut la faire breveter, il se heurte aux pires difficultés : jugé suspect, dangereux, il devient l'objet de tracas, non renouvellement de passeport, espionnage,.. jusqu'au jour où sa machine est primée au salon de Heidellberg.. Ses ennemis trouvent alors un bouc émissaire qui devra se suicider pour endosser l'erreur commise. Un roman corrosif sur la sté algérienne d'aujourd'hui, mais sans anathème ni violence. le livre d'un juste.»

Lien : http://coquelicoquillages.bl..
Commenter  J’apprécie          100
Ce roman raconte l'Algérie morose comme un coin en enfer, à travers un jeune algérien instruit et intellectuel, qui vit sa vie comme il l'entend, débarrassé du poids de mille et une année de traditions et d'un millions de préjugés transmis de père en fils comme un fardeau de Sisyphe qu'il faudrait porter jusqu'à l'éternité.

Le jeune intello n'hésite pas à apporter un bout de lumière dans les ténèbres, s'inspirant du calvaires de plusieurs générations d'algériennes qui ont « tissé brin à brin notre bien être, notre mémoire et nos symboles pérennes » pour inventer une machine à tisser.

Le calvaire du jeune inventeur commence lorsqu'il a affaire à l'administration pour breveter sa machine et renouveler son passeport, afin de participer à une exposition en Allemagne. Plus de la moitié du roman à décrire des démarches administratives démesurées et des blocages injustifiés, dont a été victime l'inventeur. Pis, il est soupçonné d'un mystérieux complot, et est même investigué, avant d'obtenir le fameux document.
Lien : http://wp.me/pXF7a-fv
Commenter  J’apprécie          50
La corruption et sa bêtise sont la cible de ce roman petit mais magistral.
Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
L'indépendance recouvrée du pays ainsi que son statut de combattant libérateur, qui lui ont permis de s'installer aux abords de la capitale
convoitée, l'ont du même coup arraché à ses pacages et aux odeurs champêtres de son enfance. Une fois dissipés la fierté d'habiter à proximité du pouvoir, l'émerveillement devant le carrelage, l'électricité et l'eau courante, il se sentit comme un fauve en cage, comme une plante coincée dans le béton. Il se mit à éprouver un besoin douloureux de buissons, la nostalgie de voir grandir les poussins et les agneaux, de humer les odeurs fortes de l'étable, des brebis qui ont mis bas, des boucs au poil mouillé et fumant. Il rêvait aussi d'un feu de bois, de la terre profonde et moite où macéraient les feuilles mortes. Il parlait beaucoup de la campagne, il y allait même parfois. Mais les visites ne lui suffisaient pas, il aurait aimé y reprendre racine, s'y enfoncer jusqu'à la taille, sentir monter en lui la rumeur des insectes et des germinations, les frémissements des bêtes tapies qui attendent de bondir
sur la proie ou de détaler devant le prédateur.
Commenter  J’apprécie          190
Notre religion récuse les créateurs pour leur ambition et leur manque
d'humilité; oui , elle les récuse par souci de préserver la société des tourments qu'apporte l'innovation. Vous savez en outre, comme moi , que nous constituons aujourd'hui un peuple de consommateurs effrénés et de farceurs à la petite semaine. Des combinards, oui, il en existe, des bricoleurs aussi qui font dans le trompe-l'œil et immédiatement utilitaire. Mais l'inventeur - auquel se rattachent des notions aussi dépaysantes que l'effort, la patience, le génie, le désintéressement - relève d'une race encore inconnue chez nous.
Commenter  J’apprécie          170
Il s'était même demandé un jour, par simple désir d'argumenter, pourquoi les femmes, elles, ne quittaient pas les hommes stériles. Sans doute parce que,
avait-il conclu, les enfants n'étaient jamais perçus comme une descendance de femme, mais seulement comme une descendance d'homme. La femme n'a pas de postérité.
Commenter  J’apprécie          310
Une personne qui reste ainsi debout une demi-heure ou trois quarts d'heure aura tout le temps de touiller sa mauvaise conscience pour faire lever et déborder le pus ; elle aura le temps de fouiller dans le dépotoir de son passé afin d'exhumer les vilenies dont l'autorité toute-puissante qui siège devant lui a besoin pour prononcer son verdict. Une personne qui reste ainsi debout est déjà perdue, se dit-il ; tout ce qu'on lui demande, c'est d'établi r elle-même, en furetant dans sa misérable vie, les preuves de sa culpabilité.
Commenter  J’apprécie          140
Ce qui est effrayant chez cette nouvelle génération de dévots zélés, c'est sa négation même de toute joie, son refus de toute opinion différente, son rêve de soumettre le monde aux rigueurs d'un dogme inflexible.
Commenter  J’apprécie          350

Video de Tahar Djaout (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tahar Djaout
Vidéo de Tahar Djaout
autres livres classés : algérieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (97) Voir plus



Quiz Voir plus

Petit quiz sur la littérature arabe

Quel est l'unique auteur arabe à avoir obtenu le Prix Nobel de littérature ?

Gibran Khalil Gibran
Al-Mutannabbi
Naghib Mahfouz
Adonis

7 questions
64 lecteurs ont répondu
Thèmes : arabe , littérature arabeCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..