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EAN : 9782226108234
269 pages
Albin Michel (12/05/1999)
4.5/5   2 notes
Résumé :

Être femme d'éducation musulmane et écrire, c'est déjà braver les interdits du regard et du savoir, mais qui plus est dans la langue de l'Autre, le français, c'est risquer de casser le lien avec la lignée des femmes.
Assia Djebar, qui a écrit son premier roman à vingt ans, en pleine guerre d'indépendance, explore ici ce qui a nourri son oeuvre et la nourrit toujours, toutes ces voix de femmes en arabe dialectal et en berbère qu'elle ramène à la vie da... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est à Aouatef79 , babéliote de mes amis que je dois d'avoir fait la connaissance de cette écrivaine . Assia Djebar dont les essais sur l'engagement politique , sur les textes littéraires et sur la vision de l'Algérie chez Camus a permis en quelque sorte sa réhabilitation posthume dans l'esprit de quelques intellectuels algériens .
Cela n'est pas le sujet du livre en question mais méritait à mon sens d'être dit .
Assia Djebar a une belle écriture pleine de finesse et son propos assez biographique est d'une grande pudeur ( elle souligne qu'en tant que femme de culture musulmane , la difficulté de ne pas l'être lui est difficilement surmontable ) . Première femme originaire du Maghreb a avoir été élue à l'académie française , historienne , poétesse , essayiste , cinéaste , féministe lucide , elle nous montre à voir tout au long de ce livre le long chemin de sa libération personnelle permis par l'écriture dans une autre langue que celles de sa culture , le français dont elle dit qu'il fut le lieu de creusement de son travail , l'espace de sa méditation et de sa rêverie , cible de son utopie accessoirement et même tempo de sa respiration . C'est une grande découverte pour moi que la précision de ses ressentis , sa grande honnêteté , sa modestie qui me font penser aux textes d'un de ses compatriotes : Mouloud Ferraoun , mais apporte en plus la description de la condition faite aux femmes dans le monde musulman et cela sans renier sa culture ni l'amour de son pays . Une écrivaine , puisque c'est le terme qu'elle utilise , à découvrir pour s'ouvrir à d'autres auteur(e)s qu'elle met en scène et nous incite à lire .
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je regardais , un matin , sur une vitrine de boutique , l'inscription en majuscule " TOUT DOIT DISPARAÎTRE " ..... Tout doit-il disparaître dans l'Algérie actuelle ? C'est certes bien une formule pour un risque de prochaine liquidation . Le risque de disparition , son immanence , et presque , pour certains , sa nécessité ( "Tout doit " ) , cela concernait , évidement pour moi , la culture algérienne , plus précisément sa littérature ...... Oui, pour moi , première évidence , la nation algérienne se retrouve , concentrée , dans sa culture aussi bien collective que dans son écriture , et donc dans sa littérature contemporaine .
1962 marque l'indépendance politique , après sept ans de guerre meurtrière . En littérature , il faudrait prendre la date de 1956 , parution du roman " Nedjma " de Kateb Yacine , plutôt naissance d'une littérature qui explose , d'un coup , dans la modernité .....
Or , près de quarante ans après , des écrivains sont tués physiquement , mais aussi des journalistes , des enseignants , des médecins : tués , tant d'autres persécutés , et cela par des algériens .... Ce sont ces algériens meurtriers - instrumentalisés par une propagande dite intégriste , au nom de l'islam politique qu'a favorisé une nouvelle inquisition religieuse , digne de ce que connaissait l'Europe catholique de la fin du Moyen Age - Ce sont ces meurtriers d'écrivains et de journalistes qui peuvent dire , dans mon pays , à leur manière : " tout doit disparaître ! "
Tout ? Entendez : la culture , la contestation , la plume qui se veut individuelle , qui emprunte son chemin de hasard , qui trace sa pensée sur le mode de la dérision , de l'ironie ou de la colère . Cette écriture là , oui , il se trouve des jeunes hommes , souvent des gueux , des désespérés révoltés , qui en font leur cible ; ces " fous de dieu " qu'on a suffisamment drogués , manipulés , tordus et retournés pour être lancés contre .... des intellectuels - ceux-ci parmi les plus modestes , quelquefois les plus discrets , en tout cas des altruistes , qui écrivent par conviction , qui revendiquent le droit de chercher leur propre vérité , et leurs erreurs aussi ....
voilà l'aberration et voilà le scandale : le " tout " risquant de disparaître concerne en premier lieu la pensée , et non les biens mal acquis , l'iniquité d'une classe de nantis qui , derrière le rempart de l'argent et de ses armées qui grossissent , exploite son peuple , prenant dans l'illégitimité , le relais du colonialisme d'hier .
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Qui suis-je ? J'avais répondu au début : d'abord une romancière de langue française .... Pourquoi ne pas terminer en me reposant la question à moi-même ? Qui suis-je ? Une femme dont la culture est l'arabe et l'islam ... Alors , autant le souligner : en islam , la femme est hôtesse , c'est à dire passagère ; risquant à tout moment , la répudiation unilatérale , elle ne peut réellement prétendre à un lieu de la permanence .
Ainsi , dans une religion qui commence avec une émigration quasiment sacralisée , la femme devient une émigrante constante , sans point d'arrivée , et pour cela créature méritant le meilleur et le pire ! Le meilleur symboliquement , le pire historiquement .
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L'algérienne que taraude la hantise d'un " regard-voix " , en somme d'une écriture qui danserait et prendrait son envol , cette femme-là risque de s'engloutir momentanément , mystérieusement , dans la nuit revenue .
Car se porte sur ces femmes l'ombre de la rupture de parole . La plupart de ces " écrivaines " depuis le début de ce siècle , se sont situées hors la parole tribale .
On aurait certes pu imaginer que l'écriture féminine se contenterait de transcender la parole de la tradition , où la femme , mère symbolique , transmet la mémoire de tous .....
En fait , je constate que cette écriture , depuis plus de 50 ans au Maghreb , s'exerce comme une halte , ou une rémission , dans l'attente d'une parole neuve à trouver .
Les romancières arabes contemporaines de langue arabe ( depuis Leïla Baalbaki , Guedda Semman , en passant par Nawal es-Saadaoui , Alifa Rifaat , jusqu'à Hennan El-Cheikh et Houda Barakat ) expérimentent elles aussi la solitude de la création au sein d'une société plutôt soupçonneuse , mais du fait qu'elles écrivent dans la langue maternelle , elles conservent au moins leur armure , l'airain ancien qui enrobe toute langue déracinée .
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Parce que femme d'éducation arabe - ou disons de sensibilité maghrébine - , et cela , au creux même de la langue française , je crois que j'ai élaboré ainsi , par tâtonnements , mon esthétique .
Je peux résumer celle-ci rapidement : écrire pour moi se joue dans un rapport obscur entre le " devoir dire " et le " ne jamais pouvoir dire " , ou disons , entre garder trace et affronter la loi de l' "impossibilité de dire " , le " devoir taire " , le " taire absolument " .
Le silence , silence plein qui sous-entend le secret , s'impose donc souvent à moi comme matière de départ : les mots à chercher , à trouver , à esquisser viennent se placer , malgré eux et malgré moi , autour du rempart intérieur de la mutité , certes au plus près , au risque parfois d'ébranler cette zone de silence , de secouer les nerfs de ce silence tremblé , au risque aussi de devoir retomber dans un vide de l'écriture , dans un épuisement ....
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Ecrire n'est pas forcément publier .
Ecrire quelquefois c'est choisir de se taire . Choisir ? Ou être forcée .... au féminin . Car , pour une femme , le rapport de sa vie avec ce métier d'écrivain , pardon , d'écrivaine , est quelquefois plus difficile à lier : un nœud souvent inextricable ....
J'expérimentais qu'une fiction romanesque ne peut se contrôler tout à fait , que l'écriture de femme se fait de plus en plus contre son propre corps , inévitablement .
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Videos de Assia Djebar (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Assia Djebar
L'écrivain prix Goncourt 2015 pour "Boussole (Actes Sud) Mathias Enard et l'écrivaine Kaouther Adimi ("Au vent mauvais", Seuil, 2022) rejoignent le Book Club pour parler de littérature algérienne : l'incontournable "Nedjma" de Kated Yacine, Assia Djebar, Mohammed Dib... L'occasion de partager avec les auditeurs et auditrices des lectures fondatrices de leur rapport à l'écriture et à l'Algérie.
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