Les quatre premières nouvelles, assez brèves, traitent d'un sujet pourtant grave, le suicide, avec une dérision et un humour qui mettent en avant la complexité de l'être humain jusque dans le moment de sa mort.
J'ai lu avec beaucoup de plaisir ces nouvelles qui ont toutes pour cadre des lieux « haut perchés » et emblématiques du territoire français (falaises d'Etretat, pont du Gard, falaises de Corse, gorges du Tarn), sites décrits en introduction de manière brève mais suffisante pour nous donner envie de les (re)découvrir !
Les personnages sont cocasses, tantôt touchants, tantôt agaçants, mais impossible de ne pas penser à des situations familières en les « voyant » se chamailler, hésiter, médire des absents, et finalement renoncer parfois à leur acte, ou au contraire plonger dans le vide, avec un narcissisme absolu, pour un dernier plongeon vers le néant qu'ils espèrent éclatant ! Choisir de mourir, pas si facile...
La cinquième nouvelle est un peu différente, elle met en scène une famille "naufragée volontaire" qui veut pimenter son quotidien par une expérience de survie. Mais attention, il ne faudrait pas que les choses tournent au drame non plus… Ni que des secours imprévus ne viennent menacer l'expérience ! Dialogues croustillants et scènes cocasses émaillent ce récit plaisant à lire.
La sixième et dernière nouvelle est plus longue et plus fouillée. Dans un monde dystopique, qu'on peut aisément comparer à notre civilisation actuelle, une petite communauté vit en se protégeant du monde extérieur devenu très violent et corrompu. Chacun a un rôle à jouer, et porte un nom en fonction de celui-ci, une forme de déshumanisation dont ils souffrent. Face à une cheffe qui décide pour tous, un des membres veut partir…
Raisonnement par l'absurde, simulacre de justice, parodie, les scènes amènent le lecteur à se questionner : est-il nécessaire d'avoir une utilité pour avoir simplement le droit d'exister ?
La peur de l'inconnu, de l'étranger, est omniprésente. On imagine le monde extérieur rempli de menaces, et pourtant, on veut fuir cette vie en univers clos qui n'en est pas une.
Mi-théâtre, mi-poésie notamment sur la fin, cette histoire m'a rappelé le mythe de la caverne de
Platon. Pourquoi les cours de philo au lycée ne sont-ils pas traités à travers des nouvelles comme celle-ci ? Je les aurais beaucoup plus appréciés !
Pour conclure, un recueil varié, difficile à décrire en deux mots, mais une étude tout en finesse des caractères humains, de leur fragilité et de leurs espoirs. Avec la dérision comme arme de destruction de nos faux-semblants.