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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans un pays d'Afrique centrale, qui pourrait bien être le Congo Brazzaville, un coup d'État comme il est fréquent que cela arrive.
Deux personnages qui ne se connaissent pas, mais dont les récits alternent : l'un, Johnny, attention, c'est un intellectuel, il le dit et le répète : il a niveau CM1, lui, et il utilise son cerveau, l'autre, une jeune fille avec sa mère qui a perdu les deux jambes, après mise à feu de sa maison et mort de son mari. Laokolé la trimballe en brouette, elles fuient. (Petit bémol dès le début : Dongala page 10 et page 19 redit la même chose : elle garde son argent avec la photographie de ses parents dans un étui sur son ventre, et pour tromper l'ennemi elle arbore un sac en bandoulière. Plus étrange, elle découvre à la fin du roman cette photo dont elle a oublié l'existence !)
Ces bémols mis à part, l'analyse des méfaits des bandes de jeunes qui s'accordent autour d'un soi-disant chef pour piller et tuer, racontés à la première personne par Johnny dit Lufua Liwa, puis changeant de nom pour asseoir son pouvoir serait drôle s'il n'était pas dramatique.
On sait que beaucoup de « révolutions » sont faites par des adolescents, avec pour preuve le Cambodge, ou ces petits enrôlés dans le roman d'Ahmadou Kourouma : « Allah n'est pas obligé ». Ce sont eux, les « vaillants combattants de la liberté qui se sont battus comme des lions et comme des buffles », eux qui se montent la tête, qui violent (par amour, hein !) sauf le général Giap, nous dit Johnny : son piston était mort, et comme il ne peut plus pomper les femmes, il leur frotte du piment fort dans les yeux.
Il est jeune, ce Johnny, il se veut invincible et il décide de ne pas obéir aux ordres quand c'est de lustrer les bottes du chef. Mais son intelligence prend le dessus, puisqu'il comprend tout, et il voit une raison supérieure de se plier.
Retrait stratégique, digne d'un combattant hors-pair.
Comme nous sommes en pleine révolution, bien que personne ne sache qui a eu raison, qui sont vraiment les rebelles (eux-mêmes croient lutter sans savoir s'ils représentent déjà l'autorité, qui représente l'armée régulière et qui les miliciens), les gens fuient, se bousculent, se volent, s'écrasent au passage.

Panique, chaos.

Le HCR est là, comme il a été là dans d'autres pays, la Bosnie, le Kosovo.
Il s'agit d'ouvrir les portes aux réfugiés, puis de les lâcher dans la nature quand les hélicoptères arrivent. Les Blancs, les femmes des Blancs, les enfants des Blancs doivent courir avec leur passeport, vers de grands camions militaires.
Un cri déchirant fait s'arrêter le convoi vers l'hélico : Mon bébé, j'ai laissé mon bébé.
L'humanité étant ce qu'elle est, le monde s'arrête, elle revient chercher le fameux bébé : un petit caniche tout frisé, c'est déchirant ces retrouvailles.
Emmanuel Dongala ne s'arrête pas là : nous avons droit aux commentaires du HCR : « Nous avons sauvé toutes personnes qui en avaient besoin ».
« Nous ne devons pas laisser se poursuivre ce scandale ni laisser les marchands d'armes continuer à s'engraisser sur le sang des Africains » affirme un responsable. Et lorsqu'on lui demande pourquoi ils ont refusé d'embarquer des Africains qui ont travaillé longtemps avec les ambassades européennes et dont les vies étaient menacées, la réponse fuse : « Nous sommes des militaires et ce sont les hommes politiques qui décident.
Ce n'est pas nous qui avons demandé à ces gens de s'entretuer. »





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Quelle lecture éprouvante... de par les thèmes abordés: la guerre civile dans le Congo de l'auteur...raconté à travers le récit alterné des deux bords: celui du bourreau, et celui de la victime. Représentés par deux adolescents de seize ans:

Johnny chien méchant, enfant-soldat, se sent puissant grâce à la mitraillette qu'il a entre les mains. Imbu de lui-même, vaniteux, il s'est mis d'emblée, et sans réfléchir du côté des vainqueurs...

Il fait le mal, fait actes de barbarie dans un état d'inconscience, de banalisation terrifiants !

De l'autre, son opposé, Laokolé, a seize ans, également. Elle aime les mathématiques, adorait aider son père (tué par les milices armées)à faire de la maçonnerie, construire des murs, etc. Elle rêve de devenir ingénieur. Elle se retrouve seule à défendre et protéger sa mère handicapée, mutilée
( par les mêmes milices qui terrorisent la population) , son petit frère, Fofo dans un sauve-qui-peut général !

En dépit de son courage, de son amour pour eux, elle les perdra tous deux... Cela ne l'empêchera pas de protéger plus faible qu'elle..dans sa fuite désespérée...
Un très beau portrait d'adolescente,rendue plus mature par la violence des évènements...

Nous passons alternativement, de la voix de "Johnny chien méchant" à celui de Laokolé...pour narrer la sauvagerie de cette guerre civile, où sévissent la cupidité, la barbarie des "nouveaux maîtres", qui affament, tuent, violent leurs propres compatriotes... au nom d'une dite nouvelle démocratie !!!

J'ai découvert il y a quelques mois, et avec un immense enthousiasme cet écrivain, avec un texte également très dur mais plus lumineux, "Photo de groupe au bord du fleuve". Les deux romans donnent un regard acéré, lucide sur un Congo ravagé par la guerre civile, la corruption généralisée
des gouvernants, la condition aberrante, inhumaine faite aux femmes et aux plus faibles[ dans ces années 1997 de guerre interne]


Dans ce roman très réaliste, il est aussi beaucoup question, à travers les angoisses de Laokolé [l'adolescente] du pourquoi de la présence persistante, gratuite, spontanée, de la bonté, de l'empathie, du bien que l'on fait à autrui, et cela même, au coeur de la barbarie la plus innommable.

Comme le quatrième de couverture l'exprime très justement: "Empathique et cruellement réaliste, Emmanuel Dongala rend hommage au fol espoir des innocents et à la ténacité des faibles"

Deux extraits que j'ai particulièrement choisis, très explicites...

"Trois femmes dans un camp d'Afrique centrale, qui essayaient d'aider l'humanité; trois forces fragiles qui refusaient de baisser les bras devant l'indifférence du monde.
Pourquoi faisaient-elles cela ? Pourquoi venir risquer leurs vies dans un pays où les gens étaient assez stupides pour ne rien trouver de mieux à faire que de s'entretuer pour le pouvoir et empêcher leurs enfants d'aller à l'école ? (...)
Qu'est-ce qui faisait que malgré la cruauté dont les humains étaient capables, il y en avait qui se sacrifiaient pour en aider d'autres ? Autrement dit, vu tout le mal que les êtres humains s'ingéniaient à réaliser, le bien ne devait plus exister, et pourtant il existe . Pourquoi ?" (p. 186)


"Comment expliquer que je me souvienne en détail de toutes les scènes de cruauté dont j'avais été témoin, même témoin éloigné, alors que rien ne me restait d'un acte d'humanité qui me touchait directement ? Est-ce à dire que le mal laissait plus de traces dans nos mémoires que le bien ? "(p. 163)

J'ai en tête de lire son dernier texte, qui semble différent, même si le contexte social reste toujours prégnant dans l'histoire racontée. Je souhaitais nommer, "La Sonate à Bridgewater"... qui reste une perspective de "bonheur de lecture"... La plume et le ton de Emmanuel Dongala,
me touchant infiniment !

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« Johnny chien méchant »....fait partie de ces livres écrits pour bousculer notre tranquillité de lecteur, nous déranger...l'un de ces livres qu'on n'oublie pas, tant ils sont criants de vérité, tant ils sont porteurs d'indignation diverses.
Tout oppose d'une part Lufua Liwa, Matiti Mabé qui prendra le nom de Johnny Chien Méchant comme nom de guerre, et d'autre part Laokolé, une jeune ado de seize ans, amoureuse de la vie...Ils sont les deux personnages principaux du roman.
Laokolé fuit avec son frère Fofo. Avant de quitter la maison, elle a enterré une malle contenant tous les objets ayant même une petite valeur ou une valeur affective. Elle fuit sans trop savoir où et transporte, dans une brouette, sa mère gravement blessée aux jambes à la suite d'un précédent pillage au cours duquel son papa a été tué.
Ils ont tous deux le même âge, 16-17 ans, le premier veut tuer, piller, violer, participer activement à la guerre qui oppose les Mayi-Dogos aux Dogo-Mayis. Il doit contrôler un quartier et obéit à Pili-Pili, un gamin de son âge torturant les femmes en leur mettant du piment dans les yeux, un gamin devenu Général Giap par la grâce de la guerre : il est général car c'est le plus intelligent : il a tout de même fait le CM1 ! Non mais...
Laokolé, quant à elle est une ado travailleuse, ouverte d'esprit, uniquement préoccupée par sa mère et son frère, ne demandant qu'à vivre.
Dans cette guerre tribale tout est permis, viols, pillages, tueries...une guerre née d'une opposition de dirigeants politiques du pays. Ces milices incontrôlables luttent contre des ennemis qu'ils nomment "les tchétchènes". On s'entretue pour un oui ou un non, pour une arme, une voiture, un mot de trop...et ces gamins-soldats ne craignent pas la mort : ils sont protégés des balles par des gris-gris qu'ils portent au cou ou aux bras, par des miroirs collés sur les tee-shirts, des miroirs qui renverront les balles. Ces milices se battent sans même trop savoir pourquoi et pour qui ils se battent. Chien Méchant ne recule devant aucune ignominie, aucun crime, aucun pillage..et même s'il sait à peine lire pillera les bibliothèques ! En les commettant il a l'impression d'exister, d'assouvir son besoin d'être un chef, d'être craint et respecté. D'être reconnu. D'être un homme.
Fuir, fuir vite et loin devient la préoccupation de chacun. Des soldats occidentaux, des casques bleus tentent de ramener l'ordre, de sauver d'abord leurs compatriotes. Et les victimes des combats tentent quant à eux de gagner les camps tenus par les organisations caritatives occidentales qui elles aussi sont aussi partie intégrante de l'Afrique. Emmanuel Dongala ne les épargne pas.
Par une alternance des chapitres, les regards de Laokolé et de Johnny Chien Méchant nous font vivre cette guerre, ses horreurs, les crimes gratuits, les espoirs et pleurs pour l'un, la hargne et la violence pour l'autre. Ces deux ados sont, en fait, tous deux victimes de cette guerre. Ils sont victimes de plus forts qu'eux, vivant cachés, loin des balles et des violences, d'hommes ou d'organisations qui utilisent combattants et victimes, afin d'assouvir leurs ambitions. le propre de toute guerre....les soldats font la guerre, les généraux et hommes politiques les gagnent.
Souvent dérangeant du fait de cette violence, et de la peinture qu'Emmanuel Dongala fait de l'action et du comportement des Occidentaux.
Johnny chien méchant nous permet de revoir les images qu'année après année nous avons reçues du Kosovo, de Sarajevo, du Proche-Orient, de l'Afrique. Et nous en recevrons demain encore.
Un message universel et intemporel

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Emmanuel Dongala décrit l'horreur des enfants-soldats, une double horreur en fait, puisqu'il y a l'horrible pouvoir que confère une arme – asservir ou tuer – , et que ce sont là des enfants qui les tiennent. On peut trouver que les scènes sont crues, extrêmement violentes, mais ce n'est pas de les décrire dans un roman qui est choquant. Ce qui est choquant, c'est que nous sommes arrivés à un tel degré de pourriture de la société du fric et de l'individu-roi, que cette violence gratuite existe réellement. La barbarie est devenue le lot de biens des populations dans le monde, et c'est cela que décrit l'écrivain : il en ressent le besoin, il en témoigne.
Dans « Allah n'est pas obligé », Ahmadou Kourouma racontait la vie d'enfants-soldats au Sierra Leone ou au Libéria d'une manière sans doute moi crue, plus subtile. Mais ce qu'y apporte Dongala, c'est le point de vue de la victime, puisque les deux personnages principaux racontent chacun son propre vécu des mêmes scènes, Laokolé représentant les victimes, et "Johnny chien méchant" représentant la meute de ces enfants dirigés par un chef de guerre.
L'espoir persiste avec Dongala, car cette barbarie n'est pas inéluctable, et les victimes peuvent se montrer porteuses d'une autre humanité. Ce livre est de ceux qui ouvrent une réflexion sur la nature humaine. Mon humble avis, c'est que l'humanité n'aurait pas survécu jusqu'à aujourd'hui si sa nature profonde était égoïste et violente. Au contraire, la nature profonde de l'humanité est généreuse et affable, et les ordres les mieux établis, les plus violents, peuvent toujours être renversés.
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Dongala Emmanuel – "Johnny Chien Méchant" – Actes Sud / Babel, 2017 (ISBN 978-2-330-07919-2)
Réédition d'un roman publié en 2002 aux éditions Le Serpent à plumes.

Des auteurs africains francophones nous livrent maintenant de plus en plus souvent des romans qui atteignent un haut degré d'excellence tant dans l'écriture littéraire que dans l'articulation de l'intrigue ou la création de personnages complexes magistralement campés, comme c'est ici le cas.
Hélas, trois fois hélas, c'est encore et toujours sur fond d'atrocités, de guerre, de vols, de viols hélas exacts reflets de massacres qui n'en finissent pas.

Ce roman est d'autant plus important que l'auteur ose poser les questions fondamentales que la bien-pensance se complaît à occulter : cette barbarie sans fin provient-elle uniquement de "manipulations des grandes sociétés exploitantes" ou comprend-elle une part provenant des spécificités africano-africaines d'affrontements inter-ethniques ?
L'auteur pose crûment la question en plein milieu de son récit (pp. 250-253), en se gardant de toute réponse tranchée.

Quant aux rôles endossés par de "bonnes âmes" occidentales, ils sont cruellement dépeints sans fard, entre la journaliste avide de sensationnel (p. 170-176), les humanitaires abandonnant les gens, et la scène atroce des casques bleus et autres soldats intervenant pour sauver le précieux caniche...

Le plus consternant sans doute réside dans cette monstrueuse coupure – hélas trop véridique – entre le destin de ce pôvre garçon devenu un chien de guerre, et cette fille qui voudrait poursuivre ses études : qui sauvera les garçons ?

En 1962, René Dumont publiait "L'Afrique noire est mal partie" : il serait faux d'écrire que ce livre n'a pas pris une ride, puisque tout n'a fait qu'empirer, du Mali au Burundi, du Congo à Madagascar, de l'Éthiopie au Zimbabwe, sans oublier la Côte d'Ivoire...

Quelques romans reflétant ce même douloureux sujet :
Appanah Natacha – "Tropique de la violence" ;
Condé Maryse – "En attendant la montée des eaux" ;
Chab, Jean Ely – "La vallée du saphir" ;
Konaté Moussa (1951-2013), – "Meurtre à Tombouctou" ;
Faye Gaël – "Petit pays"

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Il fait partie de ces livres presque trop horrible pour être lus jusqu'au bout.
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Un très beau livre sur la guerre et le Congo.

La guerre vue depuis la rue, dans toute son absurdité sanglante, par ceux qui en profitent comme par ceux qui la subissent.
Le Congo vu à travers les ambiguïtés de sa population, abreuvée aux mirages américains, dont les ethnies s'entendent si bien et sont si faciles à dresser l'une contre l'autre.

Un livre bourré de détails intelligents, comme cette conversation aux limites de l'absurde sur l'origine ethnique de l'affrontement, ou les tentatives de refuge entre ambassades étrangères et ONG impuissantes.

Grand coup de coeur.

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un livre poignant où l'on suit en parrallèle une jeune fille innocente et qui tente de s'en sortir par tous les moyens et Johnny chien méchant, enfant guerrier happé par la violence qui règne autour de lui.
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Ce bouquin était sur mes étagères depuis deeeeees années (car j'ai beaucoup aimé d'autres romans de cet auteur du coup j'avais également acheté celui-ci ) mais il m'a longtemps fait peur : je pensais ne pas réussir à le lire , la violence du thème m'effrayait... Je l'ai lu dernièrement, une fois de plus j'ai adoré le style de l'auteur, j'ai été happée par l'histoire. ( Rien à voir mais : cette lecture est nécessaire, surtout de nos jours ... Ce serait cool que ce genre de bouquins soit placé dans les listes des livres à lire au collège/lycée ... )
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Congo : la guerre civile est déclarée.
Voici un récit à double voix de Johnny, dit Chien méchant, un adolescent soldat de 16 ans et de Laokolé adolescente du même âge qui fuit les soldats et leur barbarie. Un livre poignant qui montre l'absurdité des guerres tribales, l'horreur de la situation de civils innocents et qui montre comme il est facile d'embrigader de jeunes âmes sans qu'ils en aient conscience.
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