Le roman de
Liysie Doron ressemble à une boite d'où l'auteur sort de vielles photos qui sont le témoignage de son enfance passée à Tel-Aviv avec sa mère Héléna. Avec tous ces clichés, elle tente de constituer un album de famille à transmettre à sa propre fille.
Liysie, Elisabeth dans le texte, ne peut dresser à travers ces lignes que le portrait de sa mère. de son père elle ne sait rien, des autres, disparus lors de la Shoah, non plus car sa mère n'en parle jamais.
Chaque chapitre, qui est comme une photo où serait écrit au dos le nom du moment saisi (une fête religieuse, le café de cinq heure, le procès Eichmann , la guerre des six jours etc.), restitue l'image d'une femme meurtrie, hantée par ses morts et cependant pleine d'une rage de vivre. Une rage qui fait d'elle une femme au comportement singulier qui déconcerte sa fille.
De ce que Héléna a vécu pendant la guerre, elle ne dit rien mais on sent au travers de ses actes que le retentissement psychologique du traumatisme est profond. Elle n'est pas du genre à se lamenter à grands coups de "Avoï !". de rage elle préfère refuser les aides financières de l'Allemagne accordées à titre de réparation. Elle jette systématiquement tout objet portant l'estampille "made in Gernany" et brave les convenances en prenant place auprès des hommes à la synagogue une fois par an au moment de la prière "Yzkor".
La question "
Pourquoi n'es-tu pas venue avant la guerre ?" qui lui est posée sans aucune compassion mais avec mépris, est celle qui était fréquemment adressée aux rescapés de l'holocauste par les pionniers sionistes leur reprochant d'avoir été faibles, de s'être laissés massacrer plutôt que d'avoir immigré en Israël.
Ce livre très court n'est pas à proprement parler un texte sur la Shoah mais il aborde avec beaucoup de pudeur la douleur des rescapés et son impact sur la deuxième, voire la troisième génération.
Au départ
Liysie Doron n'a pas écrit ce texte pour en faire un livre. Elle a puisé dans sa mémoire pour aider sa fille a rédiger un travail scolaire sur son histoire familiale dans le cadre du projet " Shorashim " (racines, en hébreu).