"Sans doute, après avoir goûté au plaisir de la chair, ma femme se sent-elle dans l'obligation de me rapporter une part de volaille encore chaude". Chapitre Deux, p 55
A mes fils éplorés, dès leur descente d'avion, je dirais quelque chose comme "Votre mère est morte d'une maladie nosocomiale", ce qui est en soi, j'en conviens, assez dégoûtant. Ensuite, l'air merveilleusement accablé, je leur tendrais l'urne dorée comme un poulet fermier, contenant les cendres de leur mamamn adorée. "Elle sort juste du four. " Et là, je verrais les jumeaux dévastés, imbéciles appareillés toujours à l'unisson, oui, je verrais mes fils fondre en larmes et devenir humains pour la première fois. (p.75)
Les week-end commençaient toujours dans cette odeur douceâtre de vernis à ongles. Je le savais et pourtant, à chaque fois, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver un vague ressentiment contre ce produit, ce qui, j'en conviens, n'avait aucun fondement raisonnable.
Les faillites aiment les week-ends.Et la vie est pleine de dimanches.
L'ascenseur est au centre de tout. C'est lui qui simplifiera votre vie ou la transformera en enfer.
J'imaginais que les gens qui se pressaient ici devaient aussi fréquenter les compétitions de patinage artistique, de danse rythmique ou de natation synchronisée où les concurrentes respirent par les pieds. Pour moi, le spectacle de toutes ces disciplines est en soi une souffrance, un châtiment que l'on ne devrait infliger qu'à des délinquants multirécidivistes.
On ne devrait pas avoir besoin de dormir. C'est trop de vie gâchée.
Depuis ma sortie de l'hôpital j'éprouvais l'étrange sentiment de flotter sur un emploi du temps porté par des courants aléatoires et inconstants. Comme le disent les chefs du personnel : je manquais d'objectifs. C'était très reposant. (Points P2876 - p. 100)
J'étais toutefois libre de voir ma fille quand je le désirais, pourvu que cela se déroule hors de nos murs et de la présence de nos fils. En clair mon passé avec Gladys, fût-il incarné sous les traits de la plus douce et la plus accommodante des enfants, ne devait jamais franchir le seuil de notre porte. Je me souviens que cette requête, qui me fût de plus présentée comme un ultimatum, me coupa les jarrets.
J'étais simplement devenu un homme attentif. Regardant. C'était là une caractéristique que je partageais avec les chiens, du moins avec certains d'entre eux. Cette capacité de demeurer en alerte, silencieux, d'observer chaque modification rétinienne, d'essayer de comprendre ce que ce changement pouvait induire, bref d'être au coeur de la vie sans jamais la quitter des yeux.. Cette pratique était naturelle, instinctive chez la plupart des animaux. Pour ma part je la redécouvrais. un peu comme si l'accident m'avait ramené en arrière, dans ces temps reculés où la vie était encore un bien fragile, précieux, sur lequel il fallait veiller à tout moment.