AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,74

sur 50 notes
5
5 avis
4
10 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis
Futuristes, les nouvelles du recueil de Catherine Dufour ?
Dans l'univers qui leur sert de contexte, le capitalisme -profit et rentabilité à court terme- règne en maître aux dépens de du bien-être et de la sécurité des populations, les villes occidentales voient s'affronter la misère de citoyens victimes d'une précarité grandissante à celle de migrants fuyant des territoires devenus inhabitables pendant que les services publics s'en déresponsabilisent en se renvoyant mutuellement la balle, les traces que laissent nos navigations sur internet sont exploitées à des fins commerciales, les relations virtuelles ont supplanté dans bien des domaines les interactions physiques avec autrui…

Vous l'aurez compris : certes, on y trouve des gamelles à chat intelligentes recyclant les déchets, le lac Léman y a verdi par manque d'oxygénation, les véhicules autonomes y sont devenus monnaie courante et l'art s'y pratique jusque sur la lune, mais c'est un univers sinon complètement crédible, et surtout effroyablement ressemblant au nôtre, ou du moins à ce qu'il est en train de devenir. Et ça fait froid dans le dos…

Etes-vous prêt à louer vos organes ou à faire la table basse pour (à peine) boucler vos fins de mois ? A voir la surface de votre appartement rétrécir à mesure que votre capacité à payer votre loyer s'amenuise ? A procréer dans le seul but d'accéder, grâce aux organes de votre progéniture, à une deuxième jeunesse ?

Les personnages de Catherine Dufour le sont, parce qu'ils n'ont pas le choix, ou parce qu'ils vivent dans l'air de ce temps d'ultra-technologie, d'injustices sociales poussés jusqu'à l'absurdité et de dérèglement climatique. Clones, avatars ou puces porteuses de réalités virtuelles implantées sous la peau font partie de leur quotidien. Pour autant, ces héros nous ressemblent, et nous sont souvent proches, le regard humaniste que leur porte l'auteure révélant la détresse et la solitude que génèrent la déshumanisation, la superficialité et la cruauté de ce monde en perte de sens.

C'est avec lucidité mais aussi beaucoup d'humour -même si c'est jaune, que l'on rit- que Catherine Dufour lance ce que l'on peut considérer comme un cri d'alerte face aux aberrations et à la violence d'un système qui nous mène à notre perte. Sa plume claque, cingle et virevolte, déploie une énergie et une inventivité qui font de certains de ses textes des curiosités stylistiques, et j'ai grandement apprécié cette lecture.

Deux nouvelles différentes, placées en appendice, complètent le volume, dont je n'ai pas, à vrai dire, bien compris l'intérêt, d'autant plus qu'elles amoindrissent la cohérence de l'ensemble. La première dépeint la carrière de "serial fucker" d'Alfred de Musset et la seconde est une sorte de d'American Psycho inversé, "fiction misandre" selon les propres termes de l'auteure, dans laquelle le rôle de Patrick Bateman est tenu par une femme.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          50
Excellent recueil, jusqu'à ce que…

La Dame a la verve des grands, pis des messages à porter. Bingo ! Il ne m'en fallait pas plus pour tomber en amûuur avec son écriture. Au risque de me répéter : bordel que c'est bon de lire des auteurs français ! La préface de Damasio a du sens ; ils ont beaucoup en commun, ces deux-là, dans leur littérature.
Cette plume acérée, critique sans sombrer dans la facilité, acerbe et lucide, explore l'âme humaine et les travers de la société en maniant l'anticipation avec une malice souvent burlesque. Ses nouvelles de science-fiction (mais pas que) abordent aussi bien des thèmes socio-politiques, capitalistes, que de la vie quotidienne avec un réalisme d'une noirceur gluante. C'est dark, c'est punk, ça tache même un peu, mais c'est ce regard peu amène qui plaît tant. Eh ouais, il en faut bien pour se salir les mains !
La science, la robotique, la réalité virtuelle, le "progrès", oui, mais au service d'une réflexion utile pour notre évolution, notre éducation. Ils ne sont jamais une fin en soi, et c'est ce qui fait la bonne science-fiction.

Un peu plus que le reste, j'ai aimé :
Oreille amère, ou comment coller une beigne à ceux qui salissent tout. L'art, la sensibilité, l'esprit créatif, pour en concevoir une soupe dégueulasse mais vendeuse, qui génère du clic. J'ai aimé sans doute parce qu'à la fin le vilain est puni. L'autrice ne s'arrête plus au constat, là, elle pousse la démarche un peu plus loin.
Un Temps chaud et lourd comme une paire de seins, et sa suite, La Tête raclant la lune. J'apprécie ne pas savoir si Dufour a choisi d'inverser les rôles pour mieux ouvrir les yeux des lecteurs sur les féminicides (yak ! que j'abhorre ce mot), ou si la position de victimes des hommes est une brillante allégorie sur leur vulnérabilité croissante, la perte de repères, le déclin de la virilité et, finalement, la place de l'homme dans la société future. J'ai adoré le discours et le regard de son enquêtrice, sincèrement concernée, sincèrement passionnée, sincèrement aimante. Bravo !

Bon, ne nous leurrons pas, ça tourne aussi souvent autour du trou d'balle, ses histoires. le sexe, un marché comme un autre. Soit ça la travaille beaucoup (je ne connais pas son histoire et je ne juge aucunement ses choix thématiques), soit elle est perspicace quant au fait que le cul fait vendre et anime corps et esprits de ses contemporains. M'enfin, c'est fait avec brio, avec encore et toujours ce réalisme d'une chair désacralisée, que l'on s'approprie ou sous-loue selon les besoins du moment.

Je n'ai pas bien compris ce que venait fiche ici la biographie sexuelle d'Alfred de Musset. Ce n'est pas de la science-fiction, ce n'est pas une nouvelle, mais bon, cela m'a l'air solidement documenté, on apprend des choses croustillantes et, encore une fois, c'est brillamment écrit.

Puis arrive la faute de goût éditoriale, la godasse crado dans la gueule du lecteur enchanté. Bim ! “T'as kiffé, gamin ? Bah tiens, déguste un peu ça ! Ce serait con de t'endormir sur une bonne impression.”
Le dernier texte de ce recueil n'a toujours rien à voir avec de la SF. Je rappelle qu'il est vendu comme tel, hein, que je me le suis donc procuré avec l'espoir gourmand d'en prendre plein les mirettes, du génie littéraire.
Sauf qu'ici, Catherine Dufour déploie sa maîtrise linguistique au profit d'une nouvelle, si ce n'est horrifique, gore à souhait, mettant en scène un personnage maniaque et sociopathe incapable de prendre son pied autrement qu'en torturant et en collectionnant des morceaux d'humains, après avoir salement baisé (tiens, ça me rappelle quelque chose) et assassiné ses victimes. le pire résidant dans sa prétention de redresser les torts d'un paysage littéraire souvent misogyne en produisant une oeuvre misandre, parce que personne n'a osé le faire avant elle. Heu… pardon, mais la misandrie m'a échappé, dans ce truc. Il s'agit seulement du quotidien d'un individu déséquilibré pour lequel les hommes sont des distractions répugnantes ET tellement précieuses. L'homme en tant que genre n'est à mon sens jamais rabaissé ou dénigré, ici. Ni dans son corps ni dans sa moralité. Il n'y a que la vision subjective bipolaire de l'héroïne qui est présente.
Sans parler des descriptions détaillées et interminables de son intérieur, à grand renfort de marques woke 2.0 et d'anglicismes kikoolol. le contraste est voulu, oui… Non ? J'avoue que je ne comprends pas bien pourquoi elle sabote ainsi un si beau bouquin. C'était de l'autodérision antiféministe ? J'en doute. Je n'ai rien capté au propos ? Probable.

Bref, lisez Dufour, lisez ce recueil, mais écoutez-la quand elle vous prévient que rien ne vous oblige à lire la dernière nouvelle. le conseil est pertinent, si si.
Commenter  J’apprécie          62
Catherine Dufour met une nouvelle fois dans le mille avec ce recueil de nouvelles. Celles-ci, à l'exception des deux dernières qui sont présentées à part du reste, sont entièrement tournées vers la science-fiction. L'unité thématique m'a ainsi parue bien plus forte que dans L'accroissement mathématique du plaisir et c'est pourquoi le présent recueil a ma préférence.

On est directement plongé dans des univers âpres, dystopiques, où le capitalisme règne en maître dans un contexte d'emballement du réchauffement climatique. le style est aiguisé au vitriol, avec un humour cynique jamais gratuit, mais toujours résolument tourné vers la défense des plus vulnérables, notamment les réfugié·es et les travailleur·euses précaires. Les nouvelles qui m'ont le plus touchée sont probablement Sans retour et sans nous ainsi que la nouvelle éponyme. Aussi, Tate Moon m'a parue se démarquer des autres de par les sujets qu'elle aborde et j'aurais bien voulu la voir plus développée.

Somme toute, c'est un sans-faute. Bon, je rejoins toutefois les avis selon lesquels la préface d'Alain Damasio n'était pas tant nécessaire.
Commenter  J’apprécie          170
L'arithmétique terrible de la misère est un recueil de nouvelles, situées dans un avenir dystopique pas si lointain. le monde semble divisé en deux camps : les très riches qui vivent dans leurs bulles en réalité augmentée et/ou virtuelle, et les pauvres qui doivent se débrouiller avec deux bouts de ficelle pour survivre au milieu de la pollution et des radiations. Pas très gai donc, comme le reconnaît un des riches de la première nouvelle : « Sans VR, la réalité, c'est vite sordide. »

Les premières nouvelles sont presque optimistes. Certes, on sent une violence sourde qui peut se déclencher à n'importe quel moment, mais on suit des individus qui commencent à se révolter contre le « chacun pour soi » qui a suivi l'effondrement de l'État et de sa solidarité imparfaite, mais obligatoire. Et ces révoltés obtiennent des petites victoires, dont on peut espérer qu'elles feront boule de neige.

Le second volet des nouvelles est nettement plus sombre. C'est le désespoir qui règne pour le lecteur, face à un monde d'une cruauté insurmontable, dans lequel on tue et on torture pour le plaisir, ou simplement pour passer le temps. Dans les dernières nouvelles, la violence change également de genre : ce sont les femmes qui tuent et violent, dans des accès de violence brutale, des hommes démunis et surtout préoccupés par le care.

Bilan compliqué pour moi : un peu de mal à rentrer dans les récits, car le monde n'est pas stable et les règles changent souvent. Je n'ai pas bien compris non plus le rôle des fausses publicités entre les histoires, et j'ai fini par les passer purement et simplement.

Certaines nouvelles ont été de vrais coups de poing (« Pâles mâles » notamment, pour moi la plus réussie, qui montre toute la violence de cet univers sans scènes explicites), d'autres sont touchantes à leur manière (« Enemy isinme »). Sur le moment, je n'ai pas forcément apprécié de me faire salement bousculer par un livre alors que je n'avais rien demandé ; après réflexion, je me dis que j'ai quand même de la chance de n'être bousculé qu'en livre, et lui suis reconnaissait de me l'avoir rappelé.
Commenter  J’apprécie          121
Extrait de ma chronique :

"Comme Kiyoshi Kurosawa le fait au cinéma, Catherine Dufour regarde évoluer ses personnages à une certaine distance, dans des moments apparemment creux, mais qui font ressortir d'autant les rares instants où quelque chose d'humain pointe enfin le bout de son nez sous la carapace sociale ; de simples gestes déclenchent alors "une émotion lumineuse et rouge" (dixit Alain Damasio) qui est l'exact inverse du mélodrame hollywoodien, quoiqu'elle se traduise souvent par des larmes ("Sans retour et sans nous", "Pâles mâles", "Enemy Isinme", "En noir et blanc et en silence" ; ces deux dernières nouvelles sont sans doute les plus belles du recueil, la deuxième réussissant même le pari d'être aussi efficace qu'un roman de Kazuo Ishiguro sur le même sujet).


Ces difficultés à communiquer sont rendues d'autant plus criantes par la pléthore de gadgets technologiques qui entourent les personnages sans leur être d'aucune aide, et qui reviennent d'une nouvelle à l'autre, comme pour marquer l'appartenance à un univers commun : la xtcidéo ("Oreille amère", "Sensations en sous-sol"), le hoverboard ("WeSip", "Bobbidi-Boo"), les bots ("Sans retour et sans nous", "Bobbidi-Boo") – sans oublier l'indémodable (et humoristique) pinceau à un poil, qui pourrait servir d'emblème à tous ("Oreille amère", "La mer monte dans la gamelle du chat", "Pâles mâles")."
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
Commenter  J’apprécie          00
Cyberpunkalypticodrolatique, ce recueil.

J'ai tout dit. Catherine nous plonge dans un futur si proche qu'il semble déjà ici, dans des ambiances d'environnement en colère et de technologies délivrées de leurs entraves éthiques. Vu depuis mon canapé, pas de doute : c'est dystopique. Je veux dire que je ne souhaiterais pas vivre dans ces univers.
Mais l'auteure est douée. Elle imagine bien que des gens qui sont nés dans ce bain de merde y sont complètement dans leur élément, nagent là-dedans comme des poissons même s'ils se font pêcher parfois. Ses héroïnes et héros sont dans leur époque comme nous dans la nôtre : au quotidien, on peut se marrer, être vénère, faire l'amour ou pester contre le proprio et les sales immigrés d'à côté qui nous prennent notre job. Une chose est sûre : c'est le retour du système D.
Ouais, enfin, souvent la fin des nouvelles ramène quand même au drame ; une façon pour Catherine Dufour de nous avertir de ce qui nous attend si on continue comme ça ; qu'elle a beau essayer de faire rire avec, ça risque plutôt de nous faire pleurer.

Mon top trois : l'émouvant documentaire sur l'étonnante appli d'un ado (Enemy Isinme), les nouvelles méthodos du commerce et ses risques (Fatwa) et les films multisensoriels qui provoquent des guilis dans le dos (Oreille amère).

Les avant-dernières nouvelles cessent d'être drôles (le monde inversé en comportement genré de Un temps chaud et lourd comme une paire de seins et La tête raclant la Lune), puis cessent même d'être de la SF (une bio « cul » d'Alfred de Musset qui vous fait hésiter à apprécier le bonhomme et un journal de serial killeuse misandre). J'avoue être resté sur le parfum des textes précédents. J'aime la façon qu'à Catherine Dufour de me faire marrer et réfléchir en même temps.
Commenter  J’apprécie          407
Nouvelle par nouvelle :
- Glamourissime ! 20 mai 2040 : A cette époque le design de concernera plus l'ameublement de nos maisons ou l'urbanisation de nos villes ou encore la coupe de nos vêtements, non, le design se mêlera à la science pour se mettre à créer de la sensation sur mesure pour se glisser dans la peau d'une star ou avoir l'adrénaline d'un sport extrême, rien que ça.

• L'Arithmétique de la misère : Bootz est vlogueur de mode et cherche à captiver son audimat. Chaque jour est un casse-tête pour faire la bonne photo, la bonne accroche. Un jour qu'il se balade aux puces pour trouver du vintage, de l'authentique, il rencontre Nadir qui lui présente Saint-Ouen et Pantin avec sa population de migrants climatiques et son marché sauvage, les situations administratives ubuesques de la France.

• Oreille amère : Ah, l'Asmr, quel monde merveilleux de l'ouïe, ça me rappelle qu'il y a bien longtemps que je n'en ai pas écouté tiens. Dans cette nouvelle, un gredin du nom de Stac crée une chaîne autour de la composition de bouquets de fleurs réalisée par von Lomon grâce à une technologie de pointe, un milieu assez sombre va y prendre part avec le dealer à la petite semaine.

• Une fatwa de mousse de tramway : Gabriel Seiter bosse dans l'industrie, il est commercial et vend du matériel pour centrale nucléaire entre autre. Il en a marre de se faire avoir par son entreprise qui ne respecte pas les versements de prime quand il cartonne dans ses ventes. Il finit d'ailleurs par prendre une commande par-dessus la jambe comme son collègue lui avait conseillé et les conséquences vont lui flanquer la gerbe, bienvenue dans le cynisme du profit à tout prix.

• WeSiP : Cards est statisticien chez le géant Amazon, il évalue nos consommations et ce que ça dit de nous. le problème c'est que cette obsession se tourne vers sa famille et qu'il prédit carrément l'avenir de son ado Stan selon ses habitudes de consommation, la vie privée n'existe plus avec internet et les données personnelles.

• La Mer monte dans la gamelle du chat : La nouvelle qui t'informe qu'écologiquement, les gosses c'est pas ça 🤓 mais pour savoir le pourquoi du titre, je vous laisse découvrir, c'est rigolo 😄

• Tate Moon : Dominique surnommée Dfg est une vieille artiste de 90 ans qui visite sa dernière oeuvre en date dans un musée sur la Lune. C'est une visite dans ses souvenirs au crépuscule de sa vie dans un monde où il parait insensé de ne pas souhaiter prolonger sa vie grâce à la technologie.

• Sans retour et sans nous : 2 jeunes adultes font leur vie dans le cocon familial, élevés ensemble par deux mères qui ont fait des enfants pour s'occuper en attendant leur départ sans retour pour Mars. Un petit robot va soutenir la soeur genderfluid à se sortir de sa dépression.

• Bobbidi-Boo : Mac végète dans sa vie malgré ses expériences olfactives et gustatives aux 4 coins du monde. Son ami Qvatre psychosociologue partage la connexion de Mac pour ses recherches qui vont révolutionner les connaissances sur la pédocriminalité.

• Sensations en sous-sol : En 2327, petit-Pékin est un lieu d'expérimentations pour toujours plus de sensations. On peut se mettre toutes sortes d'implants et changer de physique très facilement, on peut même se faire des greffes insolites sexuelles.

• Pâles mâles : Imagine un monde où viser le CDD est vu comme un luxe car l'emploi standard ne donne pas plus de 24h de visibilité pour payer ton loyer et tes factures, toujours en train de candidater et de se former avec FlexEmploi, nos deux héros nous dépeignent un monde du travail plus pervers que jamais.

• Enemy Isinme : En 2036, on fabrique sa propre puce implantable sous peau à l'école. Les élèves ont le choix du thème et de la conception, Louis Tellegen choisit les faits divers, il crée un monde de fantômes et découvre quelque chose.

• En noir et blanc et en silence : La science avance inexorablement et prend le pas sur la Nature et la Mort même, après des greffes de ceci et de cela pourra-t-on un jour arriver à la greffe ultime dans des corps d'emprunt ?

• Un temps chaud et lourd comme une paire de seins : Ulalee Giampietto, 44 ans, est lieutenant de la Brigade criminelle à Seattle. Elle nous raconte son histoire, sa progression dans la hiérarchie et la façon dont elle a géré un cold case. L'histoire est un prisme inversé de notre société sur la violence des femmes.

• le Tête raclant la lune : Toujours la lieutenante Ulalee comme protagoniste, cette fois pour des histoires d'hommes sexuellement mordus par un crotale. L'histoire commence comme une mise en abîme de la précédente, avec de nouveau la genèse d'Ulalee, puis on passe à l'enquête criminelle, toujours ce changement de paradigmes, la violence des femmes et les noirs riches, l'ADN trafiqué.

• La vie sexuelle d'Alfred de M. : Musset fait partie de ses nombreux auteurs qu'on étudie à l'école mais c'est sous un nouveau jour qu'il nous est présenté ici, on va s'attarder sur le côté festif et sous la ceinture de ce cher Musset, un beauf comme il y en a tant 🤓

• Coucou les filles ! : Catherine Dufour se désole de toute la littérature misogyne qu'on trouve à la pelle mais la pauvreté de son pendant misandre, elle a espéré longtemps que quelqu'un s'y colle mais à part un ou deux textes, rien, nada. Elle s'y est donc adonnée sans joie pour mettre sa pierre à l'édifice. Alors, est-ce misandre ? Je n'ai pas trouvé personnellement, c'est une psychopathe notre héroïne, ça oui, mais elle nous donne de bonnes envies de se remettre aux loisirs créatifs ^^

En bref :

Glamourissime ouvre le bal de ce recueil et on retrouvera des publicités qui parsèment le recueil ici et là. La majorité des nouvelles sont de la SF mais quelques-une sont contemporaines, beaucoup interrogent ou font flipper sur notre avenir, certaines sont faciles à entrevoir dans notre quotidien comme la fameuse collecte des données personnelles par Amazon et consorts, d'autres sont un peu plus éloignés de nous et on ne peut qu'espérer que cela restera du fantasme pervers et pas la triste réalité mais….c'est mal barré. Et on rigole un peu quand même hein, y a de l'espoir ou du moins un bon esprit d'autodérision pour alléger cette humanité autodestructrice.
Lien : https://lemondedelhyandra.co..
Commenter  J’apprécie          50
Catherine Dufour est une autrice du monde de l'imaginaire dont j'entends parler depuis des années. Ayant en général du mal avec les auteurs qualifiés d'humoristiques, comme Terry Pratchett, le maitre en la matière, je pensais que ses titres n'étaient pas fait pour moi et je n'avais jamais osé franchir le pas. Mais après l'avoir entendue parler à la radio où elle m'a totalement séduite, j'ai eu envie de tenter l'expérience.

Pour commencer, me voilà donc à me lancer dans un recueil de 17 nouvelles dont la plupart ont été publiées avant la sortie de cette ouvrage, soit entre 2008 et 2019, sur différents supports que ce soit sur internet, dans des anthologies ou dans des journaux comme Libération et Le Monde Diplomatique. Seule l'une d'elle est totalement inédite, la dernière.

La majeure partie de ce recueil appartient au genre de la science-fiction. Avec sa plume drôle, piquante, grinçante et ciselée, qui s'adapte toujours aux discours tenus et au contexte de ses nouvelles, Catherine Dufour passe de l'anticipation, au cyberpunk puis à la dystopie avec une facilité rare. Elle va même jusqu'à casser les codes pour proposer en fin de volume, des nouvelles qui n'ont rien à voir avec le genre : l'une étant une biographie caustique et l'autre une étrange tranche de vie. le point commun de tous ces textes : la dénonciation avec un humour sans pareille des pires horreurs de notre vie avec une crudité rare. C'est vraiment une autrice qui ose et avec qui ça passe ou ça casse.

Pour ma part, je vais être honnête, je n'ai pas aimé tous ces textes. Certains m'ont enchantée, d'autres m'ont laissée sur le bas côté, voire profondément dérangée. Je n'ai pas toujours aimé le ton très cru de l'autrice. Par contre, j'ai trouvé les idées vraiment excellentes. Telles qu'elle le disait dans l'interview que j'ai écouté d'elle, elle aime faire se côtoyer des éléments qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre pour les confronter et en faire naître une histoire qui forcément va remuer. Et effectivement ça marche très bien !

Cependant le format court de la nouvelle, ici il y a quand même des textes vraiment extrêmement brefs, bien plus que dans le recueil que j'ai lu précédemment de Ted Chiang où l'auteur avant quand même quelques histoires d'une centaines de pages, a vraiment été un frein. le format est vraiment très bref et ce n'est pas celui que je préfère. La preuve, mon texte préféré est certainement le plus long du recueil. du coup, je n'ai qu'une envie maintenant, lire un de ces romans pour pouvoir enfin avoir le plaisir de voir sa plume se déployer.

--------------------------------

Parlons un peu du contenu.

Le recueil commence par un drôle de texte qui reprend la technologie mise en scène dans L'homme qui mit fin à l'histoire de Ken Liu, une nouvelle que j'avais adorée, pour la transformer en dérive marketing. Un excellent pastiche qui se poursuit sur l'ensemble du volume sous forme d'intermèdes publicitaires drôlatiques totalement délirants. J'ai en particulier beaucoup aimé ceux des pages 85 et 141.

Les nouvelles, elles, sont une suite de dénonciations des problèmes de notre époque et des dérives auxquelles cela pourrait aboutir, un peu comme chez notre ami K. Dick que j'aime bien invoquer dans ces cas-là. L'autrice évoque ainsi la question des migrants dans "L'arithmétique de la misère" ; le terrible futur d'un monde du travail déshumanisé dans "Oreille amère", "Une fatwa de mousse de tramway" ou "Pâles mâles" ; les algorithmes des GAFA avec "WeSip" ; l'écologie dans "La mer monte dans la gamelle du chat" ; les musées de "Tate Moon" ; les I.A et autres gadgets avec "Sans retour et sans nous"et "Bobbidi-Boo"  ; le tourisme sexuel de "Sensations en sous-sol" ; l'eugénisme, le clonage et la vie éternelle avec "Enemy Isinme" et "En noir et blanc et en silence" ; et enfin les violences sexistes dans "Un temps chaud et lourd comme une paire de seins" et "La tête raclant la lune".

Le but de l'autrice : amener le lecteur à une prise de conscience rapide et radicale pour que cela change. Elle utilise d'ailleurs à plusieurs reprises ses personnages comme des vecteurs de cette tendance puisqu'ils deviennent eux-mêmes acteurs de changements. Elle tente ainsi de nous faire comprendre que le futur dont elle fait le portrait au vitriol pourrait être le nôtre et que l'on pourrait être à la place de ces personnages. C'est notamment particulièrement frappant dans les nouvelles sur le monde du travail ou celles touchant à l'intime. Ce furent mes préférées.

Elle a vraiment une plume moderne. J'ai ainsi beaucoup aimé ses dénonciations de notre accoutumance aux publicités, aux plaisirs faciles, à la technologie comme vecteur d'une forme de bonheur. Cela lui permet de parler de famille mais aussi et surtout de féminisme vs masculinité toxique et de diversité avec un discours très ouvert sur les différentes sexualités et les genres auxquels on souhaite ou non appartenir, et elle le fait avec force pour essayer de nous interpeler. Ces nouvelles où elle inverse les positions/rôles des hommes et des femmes sont particulièrement frappantes.

--------------------------------

Reste ensuite une fin de volume un peu différente avec d'un côté une nouvelle qui est la biographie d'un célèbre écrivain et de l'autre un texte étrange qui s'approche du tranche de vie autobiographique ou du journal intime. J'ai adoré le premier, j'ai eu énormément de mal avec le second...

Dans le premier, l'autrice propose une biographie plus que caustique d'Alfred de Musset, exercice qu'elle avait déjà pratiqué avec Ada Lovelace. J'ai adoré. C'est drôle piquant et documenté, on n'est pas juste dans de l'amusement pur jus comme on pourrait le croire. Cependant c'est totalement orienté et parfaitement assumé. Elle propose une image détestable de ce homme, mais une image cruellement réaliste au vu de ses écrits et de ceux de ses contemporains. N'aimant pas du tout les premiers, j'ai pris un grand plaisir à lire ce texte vraiment plein de malice et totalement honnête en même temps. Catherine Dufour ne fait qu'y dénoncer un masculiniste toxique et bien trop larmoyant. Excellent ! Il faut vraiment que je lise sa biographie d'Ada Lovelace maintenant.

Le dernier texte, le seul à être inédit ici, est bien plus étrange. Il oscille en permanence entre l'anecdotique et le malaisant, sorte d'entre deux entre sexe et meurtre avec plein de fluides. Il a de plus un format assez particulier auquel on adhère ou pas. Je n'ai pas adhéré.

--------------------------------

Je conclurai par cette citation : "J'essaie de prendre des leçons, je lis Ellis, Cioran, Houellebecq et les cours de la Bourse, je regarde la pub mais décidément, je n'arrive pas à m'habituer à ce monde."
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          92
L'arithmétique terrible de la misère est un recueil de 17 nouvelles écrites par Catherine Dufour.

17 nouvelles donc. Parmi celles-ci, 15 sont pure SF, et deux en appendices qui donne un curieux choix éditoriales, même si elles sont excellentes.

Si je devais résumer ce recueil en 3 mots, je dirais : prise de conscience.
Prise de conscience pour le lecteur évidemment car Dufour s'attaque à des problèmes bien de notre temps en nous mettant un peu en face de le derive de notre société: le monde du travail et son uberisation, l'écologie, les algorithmes des GAFA, les AI et autres gadgets, les migrants (qui donne sont titre a ce recueil), les violences sexistes, et l'eugénisme

'arithmétique terrible de la misère est une lecture compliquée, complexe, parce que cet état du monde est décris dans un maelstrom d'intimité, de vulgarité (les pages Glamourissime, qui scandent les nouvelles), et l'obscène même (l'insupportable Coucou les filles).

Si certaines nouvelles paraissent assez anecdotiques voire ratées, elles participent toutefois à un panel assez inquiétant de notre humanité
Catherine Dufour procède par flash quasi documentaires, une écriture comme autant de coups de scalpel et de métamorphoses, du plus poétique au plus brutal, faisant oeuvre de combat et non de moraliste, clairement et obstinément politique.

La lecture complète du recueil devient une expérience du monde, dont on ressort à la fois épuisé, vaguement perdu et un peu écoeuré.

Une étoile en moins pour la preface de Damasio (il est décidément partout !), qui est franchement bien dispensable
Commenter  J’apprécie          40
Surprise surprise, encore un coup de coeur. Catherine Dufour est une autrice dont j'apprécie énormément la plume acérée, impertinente, drôle et souvent tranchante, et ce recueil de nouvelles ne fait pas exception à la règle.
.
J'ai toutefois ouvert ce recueil sur un bémol : la première nouvelle, qui a donné son titre au recueil, m'a beaucoup trop rappelé l'écriture des Furtifs (de Damasio), sur lequel je me suis cassé les dents. J'avais l'impression de ne pas retrouver l'autrice mais de lire une ville à la Damasio, avec les inventions à la Damasio, les néologismes en moins.
.
Néanmoins, les autres nouvelles m'ont carrément emportée. Toutes mettent en scène les chiffres, graphismes, tableaux, mesures... avec lesquels le capitalisme galopant décortique les individus pour en presser ses bénéfices. Beaucoup sont glaçantes, saupoudrées des facéties impertinentes (mais pertinentes) de l'autrice, qui tacle comme souvent assez sec, mais juste, et qui en plus arrive à nous faire rire malgré tout.
.
La nouvelle Pâle Mâle, que j'avais déjà lue dans Demain le travail m'a autant secouée que la première fois, sur la notion de travailleur pauvre (et paf, un petit tacle à L Académie Française au passage ça fait pas de mal). Mais surtout, je crois que celle qui m'a le plus parlé tellement j'ai trouvé le ton juste, c'est Un temps chaud et lourd comme une paire de seins. le titre est aussi dérangeant que son contenu : un nouvelle policière dans laquelle l'autrice inverse la notion de dominant-dominé - celle du patriarcat. Et on a beau être préparé, il est toujours intéressant de constater comme des situations, descriptions, événements passent comme une lettre à la poste quand une femme les subit (même si on est contre, le monde "tourne comme ça"), et comme cela devient dérangeant lorsque l'on met un homme à la place. Un homme agressé sexuellement, décrit de manière à ce que l'on comprenne comme il était attirant. C'est très fin et en même temps particulièrement acerbe. L'autrice n'en fait pas trop mais réussi à bien mettre le malaise.
.
Summum du malaise atteint dans sa dernière nouvelle, Coucou les filles. A lire si vous avez le coeur bien accroché, perso le mien, je l'avais au bord des lèvres. La nouvelle est assez insoutenable, néanmoins le disclaimer qui explique le pourquoi de cette nouvelle est particulièrement intéressant.
.
En bref, coup de coeur, encore, pour les écrits de cette autrice, qui mérite vraiment le détour si la SF côté social vous intéresse. Je la trouve toujours pertinente et j'adore la façon qu'elle a de présenter des choses noires, sans pour autant vous plomber le moral.
.
Chronique réalisée dans le cadre du MassCritique Mauvais Genres.
Commenter  J’apprécie          60




Lecteurs (151) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4947 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}