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EAN : 9782253103462
448 pages
Le Livre de Poche (12/10/2022)
3.71/5   48 notes
Résumé :
Et si, après plus d’un siècle de vie, vous vous retrouviez dans un corps tout juste sorti de l’adolescence ?
Et si, en guise de petit boulot, le huitième cumulé depuis le début du mois, on vous proposait enfin un vrai job : mourir ?
Et si, finalement, votre meilleur ami était ce machin bizarre aux allures de R2-D2 laissé par votre coloc’ dans l’appartement ?
Et si vous n’étiez pas vous, mais le clone de vous ?
Et si Patrick Bateman était…... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Cyberpunkalypticodrolatique, ce recueil.

J'ai tout dit. Catherine nous plonge dans un futur si proche qu'il semble déjà ici, dans des ambiances d'environnement en colère et de technologies délivrées de leurs entraves éthiques. Vu depuis mon canapé, pas de doute : c'est dystopique. Je veux dire que je ne souhaiterais pas vivre dans ces univers.
Mais l'auteure est douée. Elle imagine bien que des gens qui sont nés dans ce bain de merde y sont complètement dans leur élément, nagent là-dedans comme des poissons même s'ils se font pêcher parfois. Ses héroïnes et héros sont dans leur époque comme nous dans la nôtre : au quotidien, on peut se marrer, être vénère, faire l'amour ou pester contre le proprio et les sales immigrés d'à côté qui nous prennent notre job. Une chose est sûre : c'est le retour du système D.
Ouais, enfin, souvent la fin des nouvelles ramène quand même au drame ; une façon pour Catherine Dufour de nous avertir de ce qui nous attend si on continue comme ça ; qu'elle a beau essayer de faire rire avec, ça risque plutôt de nous faire pleurer.

Mon top trois : l'émouvant documentaire sur l'étonnante appli d'un ado (Enemy Isinme), les nouvelles méthodos du commerce et ses risques (Fatwa) et les films multisensoriels qui provoquent des guilis dans le dos (Oreille amère).

Les avant-dernières nouvelles cessent d'être drôles (le monde inversé en comportement genré de Un temps chaud et lourd comme une paire de seins et La tête raclant la Lune), puis cessent même d'être de la SF (une bio « cul » d'Alfred de Musset qui vous fait hésiter à apprécier le bonhomme et un journal de serial killeuse misandre). J'avoue être resté sur le parfum des textes précédents. J'aime la façon qu'à Catherine Dufour de me faire marrer et réfléchir en même temps.
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En 2008, Catherine Dufour sortait « L'accroissement mathématique du plaisir », un recueil abondamment salué et qui compilait une vingtaine de nouvelles de science-fiction aussi bien que de fantastique. Douze ans et plusieurs romans plus tard (dont les très bons « Entends la nuit » et « Au bal des absents »), l'autrice revient avec « L'arithmétique terrible de la misère » qui regroupe à nouveau une vingtaine de textes relevant cette fois presque exclusivement de la SF. Bien qu'ayant particulièrement apprécié les derniers ouvrages de l'autrice, et en dépit des compliments dithyrambiques formulés par Alain Damasio dans sa préface, je ressors de cette lecture avec un sentiment très mitigé. Les thématiques évoquées par Catherine Dufour restent pourtant aussi pertinentes, et l'approche toujours originale. Qu'elle s'attaque au monde du travail (« Pâles mâles », à l'écologie (« La mer monte dans la gamelle du chat »), à notre politique migratoire (« L'arithmétique terrible de la misère ») ou encore à nos rapports avec les IA (« Bobbidi-Boo »), l'autrice choisi toujours de traiter le sujet sous un angle qui pousse à la réflexion et invite le lecteur à sortir de son schéma de pensée habituel. le ton mordant employé dans la quasi totalité des nouvelles, de même que l'humour noir et les réparties cinglantes qui ne cessent de fuser, participent évidemment eux aussi au succès des textes de l'autrice qui ne fait jamais dans la dentelle. Toutefois, et contrairement aux précédentes oeuvres que j'ai pu lire de Catherine Dufour, plusieurs aspects m'ont également gênée. Parmi eux, les débuts un peu chaotiques de certaines nouvelles dont on peine parfois à cerner le véritable sujet (« L'arithmétique terrible de la misère », « Sans retour et sans nous »…). J'ai également trouvé que l'autrice donnait souvent inutilement dans le trash et le crade, sans que cela ne serve véritablement le propos (« La tête raclant la Lune », « Coucou les filles »…). Enfin, certains textes se perdent trop souvent dans des digressions qui visent, au départ, à souligner ou exagérer le caractère ridicule de tel comportement ou pratique, mais qui finissent surtout par noyer le propos en même temps que le lecteur sous une avalanche de détails inintéressants concernant les produits vantés par des influenceurs, le maquillage ou la tenue vestimentaire des personnages, ou encore les marques « tendances » (une vidéo d'influenceur/influenceuse en mode, c'est déjà chiant à regarder, alors à lire dans les moindres détails, je ne vous explique pas !)

Parmi les meilleurs textes du recueil, on trouve notamment les plus courts. Parmi eux, « Glamourrisime ! 20 mai 2040 » reprend l'idée exploitée par Ken Liu dans « L'homme qui mit fin à l'histoire » et imagine un futur dans lequel il serait possible de revivre les sensations et expériences passées d'autres personnes. Contrairement à l'auteur, qui réfléchissait sur les implications psychologiques et historiques du phénomène à l'échelle de la société, Catherine Dufour, elle, axe sa réflexion sur sa récupération par le marketing et sur les milles et une ruses et appâts lancés par les publicitaires pour attirer le chaland. Il en résulte une nouvelle drôle, inventive, et malheureusement tout à fait réaliste. Ce sont les mêmes sentiments qui prédominent à la lecture de « WeSiP », nouvelle d'à peine cinq pages qui relate la mésaventure d'un « Life Time Value Officer » chez Amazon décidant d'exercer ses « talents » pour connaître quel sera le futur profil de son fils. Idem, enfin, avec « La mer monte dans la gamelle du chat » qui met en scène une société futuriste dans laquelle une famille voit sa facture énergétique grimper soudainement, ce qui va l'obliger à redoubler d'efforts (atelier de polinisation, prêt des appareils électroménagers aux voisins…). Parmi les textes les plus marquants du recueil, il convient également de citer « Pâles mâles », nouvelle dans laquelle l'autrice se penche sur le monde du travail du futur. Et cela fait froid dans le dos ! Plus de précarité et plus de flexibilité, voilà, en quelques mots, le programme, puisque l'héroïne est ici forcée de vendre sa force de travail à des employeurs différents chaque jour. Femme de ménage, testeuse de produit, potiche… : les boulots ne manquent pas mais tous sont sous-payés et le contrat n'excède pas les vingt-quatre heures. En dépit du ton résolument déterminé et plein d'humour du protagoniste, difficile de ne pas se sentir mal à l'aide à la vision de cette société dans laquelle plus rien ne protège les travailleurs et qui, malheureusement, ne paraît pas si improbable que cela. le recueil contient également un texte qui, à priori, s'insère assez mal dans l'ouvrage dans la mesure où il ne s'agit pas d'imaginaire mais d'une biographie humoristique (« La vie sexuelle d'Alfred M »). Biographie qui, paradoxalement, est sans doute la plus belle réussite de l'autrice (ce qui est quand même embêtant dans un ouvrage qui comprend 90 % de SF…). Drôle, instructif, incisif… : Catherine Dufour nous dépeint ici un Alfred de Musset tour à tour amoureux, malheureux, capricieux ou odieux, le tout avec une plume d'une habilité et d'une ironie folles. Voilà qui donne envie de découvrir sa « Vie sexuelle de Lorenzaccio ».

D'autres textes du sommaire, bien que moins percutants, n'en demeurent pas moins intéressants. Parmi eux « L'arithmétique terrible de la misère », nouvelle qui donne son nom au recueil et met en scène un vlogueur de mode et sa rencontre avec un artiste de rue qui va lui faire découvrir son quartier et ses problématiques. Parmi elle, l'assaut de réfugiés climatiques, entassés dans des ghettos dont les élites locales ne s'occupent qu'à des fins électorales et dont les différents services de la ville ou de l'état se refilent sans arrêt la gestion. La nouvelle condense à la perfection tout ce que j'ai aimé et ce qui m'a déplu dans ce recueil : les problématiques sociétales sont traitées sans fard ni hypocrisie, en revanche le récit est parasité par des interruptions ou digressions qui gâchent un peu le propos. J'ai eu le même sentiment en lisant « Sans retour et sans nous », nouvelle mettant en scène la rencontre mouvementée entre un/une geek et un robot pour le moins particulier. Là encore, le coeur du récit est intéressant mais celui-ci aurait mérité d'être épuré de bons nombres de passages superflus qui mentionnent plusieurs sujets qui ne seront jamais exploités par la suite. Outre la politique migratoire française et les réfugiés climatiques, l'autrice aborde un certain nombre d'autres problématiques d'actualité. « Un temps chaud et lourd comme une paire de seins », nouvelle déjà présente dans le recueil précédent, est notamment très percutante car elle repose sur une inversion des comportements généralement dévolus aux femmes et aux hommes. Ici, c'est donc la violence féminine qui est un problème, et les hommes qui en sont généralement les victimes. Un changement de perspective qui ne se fait pas sans mal et qui, là encore, invite à la réflexion. de même, « Une fatwa de mousse de tramway » fait échos à des questionnements d'actualité concernant le futur du nucléaire et les dangers qu'il peut présenter. L'ouvrage étant presque exclusivement composé de nouvelles de SF, l'autrice ne manque évidemment pas de s'attarder sur certaines thématiques parmi les plus populaires, qu'il s'agisse de la relation entre hommes et IA (« Bobbidi-Boo ») ou encore le clonage et le transfert de corps (« En noir et blanc et en silence »). Autant de nouvelles intéressantes par leur thématique mais pas aussi saisissantes que ce que l'autrice avait pu écrire jusqu'ici.

Et puis, il y a les textes qui m'ont laissée indifférente, voire m'ont carrément rebutée. Dans la première catégorie, je citerai notamment « Oreille amère », nouvelle bien trop molle qui narre la rencontre entre un dénicheur de talent sensoriel et un thanathohortipracteur fan de zazen (si si...). Même chose pour « Tate Moon » qui relate la déambulation d'une vieille artiste dans le musée lunaire qu'elle a contribué à créer. Trois textes m'ont quant à eux totalement laissée sur le bord de la route, parmi lesquels « Sensations en sous-sol », nouvelle qui se passe dans le même univers que « Outrages et rébellions » et qui m'a laissée le même sentiment que le roman : trop perché et trop « provoc ». On retrouve le côté inutilement trash dans « La tête raclant la Lune », texte faisant directement suite à « Un temps chaud et lourd comme une paire de seins » et mettant donc en scène le même univers et la même protagoniste. Or, si le propos et le choix de l'inversion des normes sociales entre homme et femme étaient intéressants et fonctionnaient à merveille dans la première nouvelle, l'autrice se perd ici dans des détails sordides, sans rien apporter de plus à la réflexion. le summum du glauque est cela dit atteint avec la dernière nouvelle du recueil (ce qui nous fait refermer l'ouvrage sur une drôle de sensation). La nouvelle est d'ailleurs précédée d'une préface de l'autrice sous forme d'avertissement : ce texte joue volontairement et ostensiblement sur la misandrie et est né du constat réalisé par l'autrice que, s'il existe quantité de fictions misogynes (dont « American psycho », dont la trame sert de fil directeur au récit), il n'existe à ce jour aucune oeuvre ouvertement hostile à la gente masculine. du moins jusqu'à présent, car c'est ce que tente d'incarner « Coucou les filles », un texte qui, aux propres dires de l'autrice, ne présente que peu d'intérêt mais devait tout de même exister. Voilà qui pose le tableau, et malheureusement je ne peux que souscrire à cet avis. le texte alterne en effet entre scènes de tortures très détaillées, gores et trash, et passages tout aussi insoutenables mais cette fois en raison de l'ennui qu'ils provoquent (le personnage se livre à un inventaire exhaustif de sa déco, de son maquillage, de sa penderie, des petits objets qu'elle réalise avec les parties du corps qu'elle a prélevé sur ses victimes…). C'est très pénible à lire et, effectivement, on a du mal à voir l'intérêt…

Lecture en demi-teinte pour ce second recueil signé Catherine Dufour qui se montre toujours aussi caustique et s'attaque à des sujets d'actualité qu'il est intéressant de voir aborder par le prisme de la SF. Certaines nouvelles m'ont cependant donnée l'impression d'être un peu brouillonnes, tandis que d'autres m'ont carrément fait passé un sale moment de lecture. Je ne saurais en revanche trop vous conseiller de vous plonger sans tarder dans le dernier roman de l'autrice (« Au bal des absents », paru lui aussi en cette rentrée) qui, à l'inverse, aura été un vrai bonheur à lire du début à la fin.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Bon, autant vous le dire tout de suite : j'ai pas tout compris. Je me suis même sacrément gratté la tête sur les premières nouvelles...
Est-ce que pour autant je regrette d'avoir tenté ma chance sur ce livre lors de la dernière Masse Critique "mauvais genres" ? Est-ce que cette arithmétique terrible de la misère était un mauvais calcul ?
Pas du tout !

► D'abord parce qu'il est parfois bon se faire bousculer, de lire quelque chose de neuf, d'inédit, d'iconoclaste. En la matière, difficile de faire plus original que ce recueil de 17 nouvelles piquantes et décalées, bourrées de néologismes surprenants et entrecoupées d'annonces publicitaires bizarroïdes et futuristes (coupures pubs dont la finalité, c'est vrai, m'a un peu échappé...)

► Ensuite parce que la prose sèche, nerveuse et inventive de Catherine Dufour vaut franchement le détour. Rien d'étonnant, finalement, à ce que son recueil soit préfacé par l'excellent Alain Damasio qui bien sûr sait de quoi il parle quand il évoque un style "d'herbe drue, qui pousse, qui hache les plaques d'asphalte lisses, qui rabat la syntaxe en quatre plis nets", un style "qui charcle et qui strie" (vous ne connaissez pas Damasio ? Lisez "La horde du contrevent", vous comprendrez !)

► Enfin parce qu'il y a du fond derrière toute cette savante esbroufe stylistique.
Il y a des cris d'alerte efficaces et glaçants hurlés à la face de notre société décadente.
Il y a des textes acerbes, épicés, politiques et engagés. Pour Damasio - encore lui - il est même "rare de lire de la littérature aussi inventive de gôche qui soit foutrement aussi réaliste, aussi malaxe-couilles et broute-cerveau - au point qu'on croirait lire l'époque peinte au couteau et vue par un écrivain de droite".
Bref, il y a des mots forts qui parlent de nous, de maintenant et de juste après, des dangers qui nous guettent (désastres climatiques à venir et impacts migratoires, dérives des manipulations génétiques, surveillance numérique de masse, péril nucléaire, etc...) et des pièges à éviter (s'il est encore temps ?).

D'une plume acide et concise, laconique à l'extrême, Catherine Dufour nous expose par flashs des futurs qui font froid dans le dos.
Des histoires courtes et dystopiques, qui ont toutes quelque chose à dire pourvu qu'on sache les décoder (ce qui, je l'avoue humblement, ne fut pas toujours mon cas).
Dommage que la plupart des nouvelles soient si brèves (les meilleures sont à mon goût les plus étoffées), et que l'ensemble du recueil soit si déstructuré... Il se termine même par deux textes qui sortent carrément du champ de la science-fiction (le premier sur la vie sexuelle d'Alfred de Musset, le second sur une serial-killeuse plutôt imaginative et sur les sévices en tous genres qu'elle inflige à ses victimes masculines), tous deux assez réussis mais dont on se demande bien ce qu'ils font là...

Si elle s'est avérée pour moi un peu inégale et trop "expérimentale", cette arithmétique terrible de la misère mérite quand même qu'on s'y attarde - ne serait-ce que pour la qualité de sa préface !
Il y aurait sûrement beaucoup de choses à en dire, pour peu que l'on soit plus familier que moi avec l'univers de Catherine Dufour et de son collectif Zanzibar*, ou avec la ligne éditoriale de la maison le Belial' que je remercie au passage pour l'envoi de ce livre.
Sans forcément tout comprendre, j'y ai quand même trouvé du sens.
Et ça c'est fort.


- - - - - - -
* www.zanzibar.com : "collectif d'auteurs de science-fiction visant à se réapproprier le futur, le 'désincarcérer' ".
Comprenne qui pourra.
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2 nouvelles non SF + 1 nouvelle éclatée - 16 nouvelles pas inédites / X nouvelles barrées * Verve dufourienne au carré = le dernier recueil de Catherine Dufour

Et voilà, ce qui devait arrivait arriva : à force de se partager les tréteaux au salon du livre de Paris, de se faire des barbecues, ou de trainer ses guêtres du côté de Zanzibar, des rapprochements se font et le volté Damasio se met à préfacer les recueils du Bélial... Est ce un bien ? est ce un mal ? chacun décidera en fonction de ses atomes crochus avec le monsieur. Pour moi, il ne dit pas que des conneries, comme sa préface sur ce recueil, mais il en dit un peu tout de même, pour notre bon plaisir et celui des réseaux sociaux :

Tel est ce recueil : un contre-poison à l'infobésité.
L'avers du divertir : subvertir.

Voici donc le dernier Dufour, parfaitement éco responsable : seule une nouvelle inédite, le reste ayant été publié ici ou là. Mais à moins de vouer un culte à la dame, la majorité vous seront inconnues.
Les nouvelles sont entrecoupées par de petites saynètes - Glamourissime ! - qui m'ont laissé assez circonspects, une sorte de pub du futur...
Quand au coeur du recueil, on retrouve l'autrice telle que j'en ai une représentation, farfelu, fondé intelligent foutraque. Il y a aussi surtout de l'outrage et de la rébellion. Bref, la verve habituelle de l'autrice.

Avec ce titre, je pensais avoir des textes assez sombres mais non, je n'ai pas trop eu l'envie de me suicider après lecture, même plutôt l'inverse, l'envie de sortir, gueuler contre toutes les conneries, inventer un nouveau monde, de nouveaux espoirs. Mais une certaine noirceur se fait jour de temps en temps, comme avec Pâles mâles ou Enemy Isinme ou encore La tête raclant la lune.
La Vie sexuelle d'Alfred de M. est un peu à part (et signalé comme tel), il s'agit d'une biographie De Musset, à la mode Dufour. N'en ayant rien à faire de ce poète, j'ai passé outre.
La nouvelle inédite Coucou les filles, hors SF aussi, plutôt dans le genre gore-home-staging-beauty, un mélange, audacieux, entre trucs de fille et torture extrême. Un seul conseil pour les lecteurs masculins, mettez une coque pour vous protéger, vos attributs vont être mis sérieusement mis à mal. C'est assez particulier, à tel point que je l'ai lu en diagonale.

Ce qui ressort de ma lecture, c'est la facilité de l'autrice à nous pondre un univers en quelques lignes, sans qu'on s'en aperçoive, au détour d'une phrase, d'un élément sans conséquence. Cela rend les histoires hyper réalistes, palpables.
Au final, un sentiment un peu mi-figue mi-raisin, je m'attendais à être un peu plus secoué, avec des textes un peu plus féroce sur la misère du monde.
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Catherine Dufour est une nouvelliste semble t'il rare. Elle préfère, Bifrost n°70 page 22 dixit, le long cours du roman. Sa dernière incursion, en recueil dédié, sur les terres exigeantes de la forme courte datait de 2008 avec « Accroissement Mathématique du Plaisir ». Elle y revient, 12 ans plus tard, avec un second opus sous le titre générique tout aussi alambiqué (et tristement évocateur) de : « L'Arithmétique terrible de la misère ».


17 nouvelles de SF (ou presque) ; une illustration de couverture signée Caza (déjà rien que çà, sa présence ; lui qui a eu une si belle part justifiée dans l'iconographie du roman SF et que l'on ne voit hélas plus autant) ; un bandeau rouge surprenant signé Alain Damasio : « Tel est ce recueil : un contre-poison à l'infobésité. L'avers du divertir : subvertir » ; le même en préface (inattendu pour le moins), une 4 de couverture qui promet : « … une SF radicale, à l'os, à en faire mal parfois, souvent à en rire … ».


Intriguant donc, et alléchant (j'avais adoré Dufour en prof de maths. Paré pour les leçons d'arithmétique, je suis).


Exercice difficile que celui de la chronique d'un recueil, j'y aurai souhaité le pitch de chaque nouvelle. Là, dix-sept ; la somme ferait longueur. On oublie donc. de plus, y rajouter un ressenti pour chaque ferait embrouillamini au rythme de celles qui ont plu, déplu, laissé mitigé. Heureusement, le recueil propose un biais d'attaque, celui de son homogénéité, qui permet ainsi un ressenti global.


Chaque nouvelle est anticipation très réaliste, à très court terme, d'un monde à venir, le nôtre ; celui qui nous attend, sans coup férir, à quelques encablures à peine, à l'horizon de très peu d'années pour les unes, d'une poignée de décennies pour les autres. On y dissèque nos futurs sans avenirs, nos lendemains qui grincent, le pire à venir dans le plus banal de nos faits et gestes quotidiens. Dufour enfile une ribambelle de cauchemars sociétaux, petits ou grands, sur le fil d'une prose dérangeante, lucide et froide, habillée d'un humour caustique qui fait grincer des dents. Les thèmes à la moulinette, presque au hachoir, déboulent. Tout y passe : l'écologie en faillite (Brunner) ; les phénomènes migratoires (le même, toujours) ; le nucléaire larvé ; la rédemption d'un influenceur mode du Web ; l'art (à la Ballard de Vermillion Sands), la robotique fofolle (en Asimov speedé) ; la politique qui ment, trompe et démissionne tout en gardant le pouvoir …. L'auteure nous met les deux doigts dans la prise, la main dans le mécanisme qui broie, histoire de nous réveiller, de nous dire « Faites gaffe.. ! ». Ce n'est pas gai, je sais ; mais Dufour n'est pas là pour nous offrir des chamallows moelleux mais les dragées poivrées d'un Halloween qui ne sera plus de carnaval mais de triste réalité quotidienne. Elle nous aura prévenue …


Les dix-sept nouvelles en enfilade construisent, l'une quasi indissociable de l'autre, un chapelet de textes décrivant peu à peu un monde hypothétique unique, concret et crédible. Je l'ai vécu, pour ma part, malgré l'humour grinçant sous-jacent, comme un cauchemar offert pour prix de notre laxisme, de notre incapacité à ouvrir les yeux, à affronter une réalité quotidienne qui nous attend comme aux aguets, tapie dans les recoins sombres des quelques années à venir. le message est passé, Catherine .. !


La nouvelle, à mon sens, est une flèche rapide en coeur de cible, dégraissée de l'accessoire, une idée unique qui file file file et se fiche droite et tendue, frémissante, percutante et vive, au plus près de son objectif. Catherine Dufour parait souvent en trop plein d'idées, d'objectifs, de choses à dire, à dénoncer, à asséner, décidée qu'elle est à nous convaincre et prévenir à tout prix. Chaque nouvelle regorge de thèmes à foison comme brassés dans un maelstrom d'idées jetées à la « grattaille ». le trop à écrire déborde à jets continus, pousse les murs, se cherche une vie propre au même titre que l'idée principale, celle centrée sur la ligne de mire, celle qui suffirait. La piste de l'idée forte se perd et le lecteur patine un temps à trouver celle maitresse, celle qui fait qu'on en est arrivé là, au point de tension extrême, à la mise en abime qui scotche et dont on se souvient des années durant. le débord pourrait être matière première aux flèches d'autres nouvelles, voire support à des romans entiers ... Mais, au final, est-ce un défaut d'ainsi en donner trop quand les effets cumulés du tout crédibilisent le propos principal, donne le relief du vrai à ce qui n'est après tout que virtuel et potentiel, offre un maillon central riche de tous ceux qui l'entourent, restitue la variété complexe d'un monde plausible ? Quand la SF proposée ne sonne pas le creux mais renvoie la matité d'un monde bien rempli, que demander de plus ? L'imbrication d'une nouvelle dans l'autre, le fil de chaque histoire s'entremêlant aux autres en effet pelote, apportent un effet de fix-up, renforce l'unité de l'ensemble, rend le tout homogène. En guise d'intermèdes ingénieux apparaissent des ilots publicitaires étranges (l'effet est le même que celui rencontré dans Ubik de Dick en en-têtes de chaque chapitre).


Je conçois que l'ensemble puisse diviser, les pour, les contre, les mitigés, coincés entre le dithyrambique et le rejet. Pour ma part, Dufour ma chopé via son atypisme, son engagement, son(ses) combat(s), ses causes à défendre. J'aime bien les gens qui ne vont pas dans le sens du courant et affichent leur singularité, imposent leurs différences.


La prose de Dufour crisse et racle (Damasio entrevoit l'os), comme griffant longuement à la craie l'ardoise du tableau noir. Elle a une force corrosive et brutale (« Coucou les filles » par exemple, l'ultime nouvelle (hors SF) où l'on trouve, jusqu'au boutisme, jetée en pâture la terrible et (trop) suffocante part d'ombre d'un représentant de l'espèce humaine). Elle a l'humour du désespoir qui rue encore avant de laisser faire. Au-delà de la SF elle devrait (a du, doit) aisément et efficacement tailler dans le Fantastique, j'en suis curieux. Pour crédibiliser son monde elle use d'une abondance de petites trouvailles, récurrentes d'un texte à l'autre, de néologismes, acronymes, mots valise ingénieux qui se font, pour le lecteur, mini-jeux à décrypter.


Au final, mon compte j'ai trouvé, vous l'aurez compris. Vers Catherine Dufour je reviendrai, au gré de ses romans : « le Goût de l'immortalité » et « Outrage et Rebellion » que je possède en PAL.


Merci à l'auteure, le Belial, Masse Critique et Babelio.
Lien : https://laconvergenceparalle..
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
La totalité des trottoirs étroits était occupée par des draps clairs sur lesquels des femmes accroupies avaient étalé des piles rongées par l'acide, des casque à une oreillette, des roues de petites voitures et des bouchons de bouteille d'eau. Ces étals hétéroclites faisaient le tour des arbres, bloquaient les entrées des immeubles, grimpaient les escaliers extérieurs, recouvraient l'herbe du square et le goudron du boulodrome, se glissaient sous les tuyas, cernaient les terrasses des cafés, se hissaient sur les vélibs et même, sur une cage à poules.
("L'arithmétique de la misère")
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Cards était un jeune homme pâle à l'esprit précis. Il travaillait chez Amazon. Son titre ronflant - Life Time Value Officer - dissimulait un quotidien assez répétitif de statisticien, plus précisément de data scientist voué à la gestion des écarts significatifs à la moyenne de données massives. Ou plutôt à la gestion de la gestion de ces marges par des I.A. Dix heures par jour, Cards triait des chiffres afin de cartographier les anomalies des pulsions consuméristes des internautes. Car les ventes de films, de musiques, de hottes aspirantes et de smartphones ne représentaient que la partie émergée de l'or amazonien. Sous les glaces du pôle Nord, dans de grandes salles blanches, les serveurs brassaient des quantités phénoménales de téraoctets. Des vies entières y étaient émiettées - nom, âge, adresse, recherches, achats, renoncements et listes d'envie, mais aussi prix au mètre carré de l'habitat principal, fréquence et durée des connexions, type et prix du matériel utilisé et de l'abonnement au réseau, rapidité de frappe et nombre de fautes d'orthographe. Elles étaient ensuite compactées et vendues, comme des lingots, à des brokers en données personnelles. Ceux-ci les coupaient avec d'autres données - celles des banques, assureurs, cartes de fidélité, médecins, écoles, messageries et loueurs de voitures, sans oublier le fisc, la domotique et la géolocalisation. Puis ils spéculaient sur cette étrange poudre numérique, qui connaissaient ses bulles et des krachs au même titre que le nickel, le pétrole, le Dow Jones et le droit à polluer.
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Mac apprit que les tribunaux étaient tous pleins de la même histoire : des malfrats ramassaient des cheveux chez un coiffeur pour en saupoudrer leurs scènes de crime. Ça avait permis à bon nombre d'entre eux de passer à travers les ennuis. Mais l'astuce était éventée, parce qu'un cheveu coupé se distingue facilement d'un cheveu arraché. Certains délinquants ignares l'employaient encore – on appelait ça "saler une scène". On trouvait même, sur le net, des salières emplies de cheveux et de poils.
("Bobbidi-Boo")
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A petit-pékin, il faut être sous nanocontrôle. Et le nanocontrôle, ça consiste quand même à accepter qu'un consortium pharmaceutique sache ce que tu fais à chaque seconde. Ça lâche une ligne de données qui va l'informer que tu es en train de dormir, ou de bander - ou que tu viens de te cogner le doigt de pied contre une poutrelle et que tu as le taux de cortisol en aigrette. Une ligne qui est capable, en retour, de mettre ton cœur en fibrillation.
Je n'étais pas à l'aise avec ça.
("Sensations en sous-sol")
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"Bonjour, monsieur. Vous êtes connecté à votre messagerie Xister. Vous avez vingt-trois mails dont six urgents, sept prioritaires et...
— Lecture."
Seiter se lança dans le tri de ses messages. Deux minutes plus tard, il grommelait :
"Antispam.
— Antispam écoute, répondit le logiciel dans son oreillette.
— Spam définition : marquer comme spam tout message expédié par trouite@xister.biz.
— Spam définition refusée. L'adresse indiquée est une adresse interne.
— Gnignigni.
— Je n'ai pas compris votre commande.
("Une fatwa de mousse de tramway")
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Videos de Catherine Dufour (26) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Catherine Dufour
Lecture de Catherine Dufour : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
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