Citations sur Puissance de la douceur (80)
Désirer vient avec :
fulgurance, manque, soif, attente, vertige, peau, caresses, chute, suspens.
Douceur.
La douceur est une énigme. Incluse dans un double mouvement d'accueil et de don, elle apparaît à la lisière des passages que naissance et mort signent. Parce qu'elle a ses degrés d'intensité, parce qu'elle a une force symbolique et un pouvoir de transformation sur les êtres et les choses, elle est une puissance. En écoutant ceux qui viennent me confier leur détresse, je l'ai entendue traverser chaque expérience vécue. En méditant son rapport au monde, il apparaît que son intelligence porte la vie, la sauve et l'accroît.
La douceur allège la peau, disparaît dans la texture même des choses, de la lumière, du toucher, de l'eau. Elle règne en nous par de minuscules brisures de temps, donne de l'espace, enlève leur poids aux ombres.
Si la douceur était un geste, elle serait caresse.
"La caresse transcende le sensible". Emmanuel Levinas
La douceur ne fixe aucun endroit du corps, elle est venue depuis la naissance là où l'on respire, elle accompagne les rêves et rejoint leur révolte secrète, elle ne se révèle jamais qu'après coup, dans la sensation qu'elle laisse au sommeil.
Il y a la douceur de la mère envers son enfant, la caresse de l'amant, celle de l'animal, il y a la douceur d'une atmosphère et celle d'un état d'esprit. La subtilité vient du précieux de chacune de ces occasions. Ce qui est ressenti diffuse une qualité qu'il est difficile de cerner sur le moment mais qui nimbe le réel. La bonne distance qu'invente la douceur permet à chacun d'exister dans son propre espace ; elle est le contraire de l'effraction.
Soudain apparaît un petit renard. Il vient boire l'eau turquoise dans la lumière du matin. L'animal se dirige vers l'autre bord et disparaît. Avec les eucalyptus vient une odeur de feuille froissée et de mandarine. Il y a dans la furtivité de l'animal sauvage le chatoiement d'une douceur jamais interpellée.
Et comme souvent avec la douceur, c'est un double don qui apparaît: celui qui l'offre et celui le reçoit sont tous deux rassemblés.
Il fallait cinq mille couches de laque pour faire un meuble à la cour royale de Pékin. Il est dit, dans les textes, que le toucher devait avoir la douceur de la pluie et la finesse d'un cheveu d'enfant.
Douceur de la soie, du verre poli, de l'argent filé, de la panne de velours, de la peau qui s'en revêt, de l'œil qui les contemple.
(...) toute l'enfance est "traumatique" non dans un sens dramatique, mais du fait d'atteindre en nous des territoires psychiques d'abord par la perception et la sensibilité. Et qu'être entièrement là, sans reste, est rare et devient plus rare au cours de la vie, au fur et à mesure que notre moi dispersé, fragmenté, prend la relève, que l'absence à nous-même devient la règle.