L'Homme aux yeux gris, juif errant parti de Tolède pour échapper aux bûchers de l'Inquisition, mercenaire dans les Flandres, réfugié à Venise où le Titien réalise son portrait, jette enfin l'ancre à Malte avec son épouse Juana. Traversant l'Europe, qui n'est que guerres, bûchers, intrigues, gagnant des amitiés, en perdant d'autres, Archange Quemado dit le Brûlé souhaite faire fortune pour s'assurer une vieillesse paisible.
Mais cet homme a plus de vies qu'un chat. Devenu propriétaire d'une galère à Malte, combattant les Turcs, il connaît à la suite d'un drame un nouveau revers de fortune. Dépossédé de ses biens, de son honneur, le voici condamné à son tour à la galère et au calvaire de la chiourme.
Formidable suite romanesque, Retour à Milo plonge de nouveau ce survivant aux mille vies dans la violence du monde, dans les trahisons et les ruses pour sa survie. L'Europe n'est plus qu'un souvenir lointain, et lui l'Archange se retrouve en Inde, loin de Milo où il souhaitait ardemment s'établir.
L'auteur roumain Petru Dumitriu ne se départit ni de son souffle sans pareil, ni de sa grande culture dans ce second volet des dramatiques tribulations du Toledan aux yeux gris. Avec Retour à Milo il montre la cruauté universelle, la dureté d'un monde où la vie d'un homme ne vaut rien, quelques soient les cours, les régimes, les états. Les lignes consacrées au calvaire des prisonniers enchainés sur les bancs des galères dont le seul espoir réside dans leur rachat par les ordres religieux sont époustouflantes.
Mais quelque soit le lieu où le vent emporte l'Archange, la vie est une chienne et seule l'intelligence couplée à l'instinct de survie lui permet d'aller de l'avant. La trilogie se clôt avec Le beau voyage, que l'on a hâte de lire pour connaître le dénouement de cette geste apatride.
Quoiqu'il advienne, le roman demeure une parabole du juif errant car plus que L'Homme aux yeux gris, Retour à Milo est le triste récit de l'impossible retour:
« Ma Quibla semble être toujours dans un lieu où je n'ai pas été, et jamais là où je fus. »
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Et je lui contai la vieille histoire qui se chante chez nous dans les rues, par les mendiants aveugles: le roi don Pierre le Cruel et son frère bâtard Henri de Trastamare dans une tente à Montiel, se roulant par terre à qui étranglera l'autre; et le chef des soudards aventuriers, bretons, français, bourguignons et armagnacs, don Bertrand de Claquin, ou du Glaiquin, ou du Guaiclin, qui voyant son suzerain en mauvais point et à un doigt du trépas, maintient le roi par la jambe jusqu'à ce que l'infant l'ait égorgé. "Fi le vilain meurtre, messire Bertrand", lui disait-on par après à la cour de Bretagne. "Plus vilaine encore aurait été la déloyauté du vassal qui aurait laissé tuer son maître sous ses yeux. Plutôt que de faillir à mon seigneur, je veux être compère du fratricide."
A côté, les corps décapités des deux chevaliers de Malte et du père Antonio gisaient à plat ventre, déshonorés par les têtes posées à la naissance des jambes. Mais pourquoi m'en étonner, moi qui ai encore dans le nez l'odeur des bûchers brûlant aux Cigarrales de ma cité natale - en ce siècle qui vit le massacre des huguenots à Paris, et la prise du château de Wittenstein en Finlande, dont le gouverneur fut embroché sur une lance et rôti?
Il fallait faire mon devoir. Je ne voulais ni excès de volupté, ni puissance, ni richesse; rien que la paix, être libre et tranquille.
M. de Savoie venait d'épouser Madame, la perle de Valois. Le roi lui fit présent d'une galère qu'on équipait au port de Marseille. C'est là que Vaumorin fut conduit et mis à la cadène.
Un dernier tonnerre et les canonniers s'enfuirent vers les ailes. Les arquebusiers envoyés en enfants perdus revenaient en courant.
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