Les informations de France ne rappelaient pas ce qui était pour moi une évidence : forcément narcissique et doté d’un ego surdimensionné. Le choix de sa maîtresse ne relevait pas du hasard et dévoilait une certaine fascination pour les médias, qu’il devait considérer comme un moyen et une fin. Bon, je pouvais le comprendre, en même temps, elle est plutôt canon Laurence Lamarre. En prime, elle n’a pas l’air d’une dinde. Et puis, il suffisait de regarder la femme du ministre pour comprendre. Une beauté froide qui n’est pas due qu’à sa blondeur. Les photos trop parfaites du couple ne parvenaient pas à masquer qu’elle devait être du genre à faire geler en enfer. Au dessin de sa bouche presque boudeuse, je la devinais toujours prête à la remarque désobligeante, voire cassante.
En parlant de Bretagne, on dirait le phare d’Ouessant là-haut. Une vraie cible ambulante si elle colle sa truffe à la fenêtre. Il faudra que je lui en touche un mot à l’occasion. Elle me répondra que je me fais trop d’idées et que des années de pratique m’ont rendue parano. Elle aura raison mais moi aussi. C’est que je n’ai pas envie de perdre ma pourvoyeuse d’adrénaline. Avec ma légère allergie à l’autorité, je pense que j’aurais du mal à supporter recevoir des ordres de n’importe qui d’autre. Le truc qui a sonné le glas de ma brève carrière militaire. C’est plus fort que moi, j’ai du mal avec les cons.
Les deux guerres du Golfe avaient démontré s’il le fallait l’utilité de ne pas intégrer systématiquement les dernières technologies, notamment en matière de contre-mesures électroniques. Le petit détail qui fait la différence entre la vie et la mort dans les airs. Lorsqu’on se souvenait que l’Irak avait été jusqu’à déplacer des chasseurs en territoire iranien, la précaution n’était pas inutile : le régime iranien avait confisqué les appareils avant de les intégrer à sa force aérienne…
Nous avions des choses à régler, dans le plus grand secret. Je n’ai jamais eu qu’une confiance mitigée dans les journalistes. La plupart de ceux que j’ai rencontrés étaient disposés à vendre leur mère pour un scoop. Lamarre ne semblait pas faire partie de cette catégorie mais on n’est jamais sûr de rien et mon instinct me disait de me méfier de cette fille. Un tout petit peu. Rien à voir avec le ministre à qui je n’aurais même pas confié la météo du lendemain.
En observant France, je me fis la réflexion qu’elle avait prévu et orchestré cette alchimie, dès le départ. Une sacrée roublarde, avec de la suite dans les idées !
Cependant, nous faire travailler séparément constituait un risque. Elle était trop subtile pour l’ignorer. Entre un Atlan encore un peu vert et moi, contrainte à bien me tenir dans un uniforme, les anicroches potentielles étaient multiples.