"Faire l'éloge de la limite, ce n'est pas refuser les innovations techniques, c'est en interroger le sens pour les réorienter au service du bien commun".
Il me semble que ces quelques mots résument assez bien ce traité d'une petite centaine de pages. Vibrant plaidoyer pour la défense de l'homme et de sa dignité, Nos limites se situe à l'opposé des logiques utilitaristes et productivistes qui régissent notre société. Le vrai progrès de l'humanité ne peut pas dépendre uniquement de celui de la science ou de l'économie. C'est une réflexion cohérente qu'il nous faut mener, prenant en compte les différentes composantes de la nature humaine : psychologique, intellectuelle, sociologique, spirituelle, corporelle, environnementale, relationnelle... C'est à ce prix, et à ce prix seulement, que l'homme gardera sa liberté. L'écologie intégrale est cette manière d'appréhender et de réfléchir l'homme dans son environnement, en cohérence avec TOUT ce qu'il est.
On trouve dans ce texte - fort bien rédigé par ailleurs, ce qui ne gâche rien - des idées communes à celles exposées dans Laudato Si du Pape François, qui nous rappelait qu' " il n'y a pas d'écologie sans anthropologie adéquate".
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Mais ce sempiternel désir d'ailleurs et de nouveau ne peut aboutir qu'à la désillusion : on ne se débarrasse pas si facilement de sa carcasse, mortelle, imparfaite, incomplète. On ne peut qu'apprendre à l'aimer parce que notre incarnation est la condition du don : on donne la vie, on partage le pain, on fabrique un objet.
Comme l'antispécisme qui brouille les frontières du vivant en confondant l'homme et l'animal, le transhumanisme estompe les distinctions entre le réel et le virtuel, entre l'humain et la machine. Au nom du "Progrès" autoproclamé, faudra-t-il assister impuissant à la modification irréversible de notre condition humaine, au triomphe des androïdes indifférenciés ? Le "fantasme de l'homme auto-construit" (Olivier Rey) mène en réalité moins au "cyborg" qu'au néant, puisqu'à force de nier la finitude humaine, on risque de nier l'humain lui-même.
Notre époque semble travaillée en profondeur par le problème de démesure et de la différence : à partir de quels critères définir le même et l'autre et que faire de cette distinction ? Ainsi se voient bousculées, bien au-delà des frontières géographiques, les grandes frontières ontologiques : entre la vie et le néant, entre l'inaliénable et le négociable, entre l'amas de cellules et la personne, entre l'homme et la femme, entre l'enfant et l'adulte, entre l'humain et l'animal, entre l'humain et la machine.
Il s'agit de penser non pas en terme de croissance, mais en terme de foyer, c'est-à-dire d'équilibre interne. […] Le foyer doit donc maintenir sa cohérence et son unité pour acquérir une certaine indépendance par rapport à l'extérieur. Qu'on le pense à l'échelle de la famille, du village ou de la nation, le foyer est central sans être exclusif, circonscrit sans être fermé. Il vise la taille idéale, convenable, la bonne échelle, en fonction de ses échanges avec l'extérieur.
Promouvoir la limite, ce n'est pas brimer la créativité individuelle, c'est la rendre consistance en lui donnant un sens et un socle, c'est lui permettre de s'épanouir sans s'évanouir dans des pulsions aussi décevantes qu'éphémères.