C'est une histoire triste.
L'histoire d'un homme dépressif qui part à la recherche d'un ami d'enfance élevé avec lui dans une ferme.
Ils étaient tous les deux des enfants abandonnés.
C'est bien écrit même si les dialogues ne sont pas signalés mais inclus dans les texte, ce qui n'est pas toujours très clair.
La fin semble inachevée.
Une lecture un peu déprimante qui confirme qu'on ne sort jamais indemne d'un abandon.
Surtout si les conditions d'adoption sont mauvaises, ce qui est le cas ici.
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[Incipit.]
Un jour, je ne pouvais plus. Peut-être que c'était là depuis longtemps et que je ne m'en étais pas rendu compte. Enchaîné aux circonstances, aux événements, à la suite des jours, et voilà qu'on se retrouve un matin à ne plus savoir quoi faire, à ne plus pouvoir continuer. Vingt-cinq années avaient passé, la succession des jours les uns après les autres. Et un jour je ne pouvais plus. Quand ou comment ça a commencé, je ne sais pas si c'est le plus important. J'étais devenu vulnérable, moi qui avais réussi à ne pas être touché. Tout devenait possible, même le pire. Je suis sorti de la cellule de Selim, la succession des couloirs, que je connaissais si bien, à une éraflure dans le mur près, et je me suis dit, avec une détermination qui m'a étonné moi-même, que je ne reviendrais plus ici, que c'était la dernière fois. Je ne pouvais plus, ou quelque chose en moi ne pouvait plus.
Si vous êtes malade, c'est que vous ne pouvez plus supporter les faux-semblants et le mensonge et c'est plutôt sain, il faut le voir comme ça. Le psy avait l'air sûr de ce qu'il avançait. Ça lui arrive de parler. Quand je vais chez lui, je reste de longs moments à ne plus pouvoir ouvrir la bouche. Plus d'une fois, j'ai failli pleurer. Si on m'avait dit qu'un jour les larmes me viendraient aussi facilement aux yeux, je n'y aurais pas cru. Il faudrait que je note tout ce qui m'échappe, tout ce que je n'arrive pas à dire quand je suis chez le psy. Souvent, ça me vient après, très clairement, dans ma tête, je lui parle, je lui explique. Je voudrais lui crier parfois. Je pourrais peut-être lui lire, ce serait plus facile.
En tout cas, il faut que vous y alliez à l'école, c'est pas qu'elle soit parfaite, loin de là, mais c'est votre seule chance d'échapper à une vie d'abrutissement. Etre capable de lire, d'écrire, de penser, c'est le début de la liberté...(p. 57)
J'aurais aimé, un jour, pouvoir écrire des histoires, avec cette impression que jamais cette langue, la langue des écrivains, belle et bien construite, ne m'appartiendrait, que cela n'avait jamais été là mienne et qu' à tenter de m'y glisser, j'aurais toujours cet air ridicule de celui qui a emprunté un habit de fête trop grand pour lui. (p.83)
J'ai eu l'impression pendant longtemps que c'était fini, que j'avais trouvé le moyen de continuer à vivre et de faire comme si plus rien ne me touchait (...) Là cette dépression, c'était peut-être un signe, il fallait qu'à un moment j'accepte d'être atteint, de penser que je pouvais souffrir et que ça pouvait être une chose importante...p.123
Je suis ce qu'on appelle un enfant de la Population française. Le terme qu'on employait à l'époque. On disait aussi un "populart". Un pupille de l'état ( à ne pas confondre, et on me l'avait rappelé plus d'une fois, avec un pupille de la nation qui, lui, a mérité de la patrie). je me suis longtemps demandé si j'étais orphelin. Peut-être que cela aurait été mieux. Avec les morts, on peut toujours s'inventer de belles histoires. On peut toujours broder. (p.19)
En tout cas, il faut que vous y alliez à l'école, c'est pas qu'elle soit parfaite, loin de là, mais c'est votre seule chance d'échapper à une vie d'abrutissement. Etre capable de lire, d'écrir, de penser, c'est le début de la liberté...(p. 57)
J'aurais aimé, un jour, pouvoir écrire des histoires, avec cette impression que jamais cette langue, la langue des écrivains, belle et bien construite, ne m'appartiendrait, que cela n'avait jamais été là mienne et quà tenter de m'y glisser, j'aurais toujours cet air ridicule de celui qui a emprunté un habit de fête trop grand pour lui. (p.83)
- Si on a été vrais un petit moment dans notre vie, il doit bien en rester quelque chose, un petit quelque chose, tu ne crois pas ?
Lecture de Muriel Pic : une création originale sur la lecture, les gestes et les traces de lecture.
Muriel Pic nous confie un montage vidéo autour du texte qu'elle devait lire le 19 mai à la BIS. (Cette séance en public n'a pas pu avoir lieu en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus.)
Le Livre en question est une série de créations littéraires originales inspirées par les collections de la BIS. Ce cycle est proposé par la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) en partenariat avec la BIS. Quelques mois avant la restitution, l'auteur·trice est invité·e à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé.
Saison 4 / 2020 : Linda Lê, Arno Bertina, Muriel Pic, Jean-Marie Gleize, Jean-Christophe Bailly. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne", saison 1 : Pierre Bergounioux, Marianne Alphant, Arlette Farge et Eugène Durif paru en septembre 2018. Saison 2 : Jacques Rebotier, Marie Cosnay, Claudine Galea et Fanny Taillandier, septembre 2019. Saison 3 Hubert Haddad, Line Amselem, Christian Prigent, Mona Ozouf, Laure Murat, septembre 2020.
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