Comment traverser le dimanche sans penser au vide, sans songer au temps qui se conclut, sans frémir à l'idée de retrouvailles et de séparations, sans être pris par la proximité de la solitude, sans appréhender l'étrange lumière du soir, sans devoir endurer cette absence du bonheur attendu et sans entendre trotter le désenchantement, sans risquer au fond de mesurer la part d'échec qui nous échoit ?
Entre le " vivement dimanche " et le " c'est pas tous les jours dimanche " répété à l'envie par tout un chacun, on sent bien que le manque vient s'immiscer plus particulièrement ce jour-là, on sent bien la difficulté à justement satisfaire cette envie et l'épuisement à vouloir tromper le trouble. le dimanche serait-il un jour de condensation du malaise et la mise en oeuvre inconsciente de sa liquidation ou simplement le signe d'une inéluctable ambivalence ? Une chose est sûre, il nous faut bien faire avec.
Les mots parlent bien sûr et à n'en pas douter l'écriture agit comme une sorte de protection rapprochée dans notre appréhension du monde. Pour son premier recueil de nouvelles
Magali Duru nous projette du côté de la face obscure de ce jour tourbillonnaire et si, au fil des récits, elle le tamise de vers endimanchés, d'apostrophes taillées au cordeau ou de chants prémonitoires, elle en fait avant tout le théâtre de toutes les confrontations, le lieu d'exposition d'une vérité crue où la chair et la pensée sont à vifs.
Les beaux dimanches ou comment tuer le temps, ce temps qui ne passe pas ou si mal, ce temps que l'on voudrait éliminer pour ne plus avoir affaire à l'altérité, ce temps de l'autre en soi et en face de soi, cette inexorable durée qui nous fait sentir l'angoisse de la perte. Car dans ce livre où la mort, réelle ou supposée, est si souvent présente,
Magali Duru ne nous la fait pas seulement palper du côté macabre, elle l'aborde dans sa version roman intime, là où se joue notre rapport à la folie.
Pour autant elle prend soin du lecteur qu'elle imagine pris par l'ambiguïté de cette relation et c'est avec un beau doigté, rigoureux et subtil qu'elle vient rappeler que la mort fait partie de la vie ; et quand bien même le décès ne serait pas tout à fait naturel, elle s'attache à ce que les survivants ne renoncent pas à vivre au prétexte qu'ils auraient été touchés de très près par le malheur. Aujourd'hui je suis un écureuil en cage mais un écureuil heureux… dit-elle. Alors, le dimanche comme un jour de commencement ? Libre et détendu ? On pense au film aigre-doux de Gérard Frot Coutaz " Beau temps mais orageux en fin de journée " et on ressent comme un pincement au coeur.