« Romance est là qui nous regarde interdite
L'heure de l'aube n'est pas encore prête »
Toujours chercher le point d'entrée, la clé qui mène au coeur du texte, au secret de son existence. Mais cette clé existe-t-elle seulement ? N'y en aurait-il pas plusieurs ? Peut-être même une pour chacun.e, chacun.e sa chacune ? Vice versa ? Ou plus vertigineux encore, chacun.e sa chacune vice versa et selon le moment …Un vrai dédale, je m'y perds. Heureusement le chien de sable qui promène l'homme joue son rôle de repère cartésien, dans « cet espace vectoriel de sensations inexplorés », dans ce monde démembré désossé désenchanté mais ô combien incarné.
Morgane jouet de la muse sur cette île de Méditerranée où s'échouent rêves noirs et bouteilles vides. Morgane en proie à la ville pieuvre, Gorgone gloutonne dévorant sang jaune et sève épaisse. Morgane Icare qui défie et le soleil et le charnier de la statue gigantesque Freedom. Freedom, vivre libre, vivre vite « pour rejoindre des corps / cadavres debout / pinsons démembrés / sifflant les absolus alcools ».
A lire, à relire et relire. Poésie revêche. Toujours à voix haute pour faire chanter les mots, danser les images et oublier les cadavres en devenir. Poésie brouhaha. Et toujours « sur le trottoir d'en face/le chien/ le même/ en laisse promène /l'humain/ le même ». Poésie futile.
Morgane Romance «raison et douce démence / avive les voeux/ serait-il possible qu'elle ait vu de ses yeux/ tous les soleils ? »
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Comme il n’y a pas de bon moment, il n’y a pas de bon sens
Tous les chemins mènent à vendredi nuit
Vos caps sont vains
Et votre réalité n’existe plus
Vos déhanchements de volaille morte
Mettent l’île en appétit
Même la lune
Lui appartient
Et les armes rendues
Seule compte l’énergie brute, brunâtre
Que vous jetterez dans l’âtre
Caisse commune
Car la fin commence : c’est vendredi toujours
Et l’on répond tous à l’appel
De la tourbe qui s’en va repeindre le réel
De la reliure insidieuse, couture ébrieuse
Entre crépuscule et petit jour
C’est l’appel frénétique de Paceville
Paceville, lieu de la détresse docile
Je viens chercher ma part de mirage
Dans la foule en liesse qui grossit, grisée
Tu t’infiltres dans les âmes en soupirail
[…]
L’effervescence cogne contre ton vent trompeur
Brise de terre qui balaie la chair humaine, qui dans un murmure pénétrant
Par le nez, par la bouche, par les pores, porte la chair au large
Large le cœur, la bouche béante des night-clubs, les néons sanguinolents
Le sang appelle le sang.
[…]
Paceville, à minuit j’ouvrirai ton corps comme un fruit trop mûr et le flot des vers de notre temps en jaillira sans ponctuation.
Paceville
J’en pars j’y reviens
Comme un putain de voyage au centre de moi-même
Bad trip bègue qui aime assez les jambages
Pour ce que j’en sais
Et c’est encore la ruée vers l’ordinaire
On dine de grains de poussière
Ça fait fureur
Sur l’ile grivoise
Où l’on s’éternise
Sans décision prise
Paceville
Pan de l’ile en suspend le jour
Paon de l’ile
Tes néons rouges gonflent le cou
Tes bagouses enflent sur tes doigts
Ta main gigantesque est comme un trou
Noir du chagrin des hommes
Tu grossis de leur misère
Tu désaccordes leur enfer
Tu l’habilles
Ils l’oublient
Psychotique illusion
Tu frappes de front les infortunés
Tous les fourbes sont déjà là
À cet instant je suis
La somme de toutes leurs solitudes
Je fuis par le sol
Où la mienne m’ancre
En crise encore
Je veux dire déjà
Il y a des puits d’alcool goguenards
Entassés là
Ils ne pensent qu’à saler la tequila
Les tristes le sont-ils déjà ?
Le soleil
Ultime illusion
De la vie croupissante
Imprime son ombre souriante
Sur Paceville
Immobile
Pourquoi m’attendrait-on ?
Je rêve de
Prendre la mer
Comme un sol sans fin