La musique est-elle à un tournant brusque? Quand elle l’aura franchi, verra-t-on s’ouvrir devant elle des voies inconnues, inquiétantes, et qui, s'éloignant à jamais des routes anciennes, les feront bientôt oublier? On pourrait le croire. La soudaineté, la violence des coups portés à une technique sonore que l’on avait pris l’habitude de supposer inébranlable; le goût si vite propagé des intervalles durs, devenus, dans un usage consenti, les substituts ou les égaux des anciennes consonances ; le mépris avoué des constructions prévues qui avaient satisfait les anciens maîtres et dont la logique guidait l’auditeur; le crépitement rythmique, qui fait au bruit une place dans la symphonie ; la préférence donnée à des oeuvres musicales où les lignes sont brisées, où les touches de couleurs sont éparpillées et disjointes, tout cela . semble annoncer que, pour l'art antérieur, les temps sont révolus.
L histoire de César Franck, sans être une réponse directe à une telle question, pourra être un témoignage des fluctuations auxquelles sont exposées la langue et, comme on dirait à l’Université, l’éloquence musicales. Peut-être permettra-t-elle d’entrevoir, dans l’avenir, des recommencements que l’on juge aujourd’hui extravagants ou impossibles.