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EAN : 9782246744610
240 pages
Grasset (04/05/2011)
3.67/5   9 notes
Résumé :

Alang, Gujarat, sur la côte ouest de l'Inde, non loin du Pakistan : c'est le plus gros chantier d'épaves du monde. Un Français s'égare, une journaliste américaine enquête, un jeune Indien musulman désosse la carcasse du paquebot France...Deux hommes et une femme à la recherche de leur destin, dans un pays où le Moyen-Age entre en collision avec la mondialisation, où le dénuement côtoie ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
«Un corbeau pioche d'un bec avide et ensanglanté dans les entrailles d'un rat écrasé. La gueule ouverte du rongeur mort est figée sur un rictus hideux. Ses tripes ont le même rouge que les crachats de bétel qui constellent le sol de ciment lustré par l'usure des pas »...

La brutalité de ces premières phrases donne le ton…il nous faut oublier l'Inde touristique et ses clichés Bollywoodiens, et entrer dans le sous-continent indien par la porte de service, celle que même les adeptes du guide du routard ou autres bobos voyageurs n'empruntent jamais, celle qui nous fera découvrir l'envers du décor des palais des maharadjahs, qui nous entraînera, à un jet de pierre des grands hôtels et des palaces, vers les « slums », ces bidonvilles aux habitations de cartons, morceaux de tôle et bouts de bois, vers les montagnes d'ordures « constituées de rebuts et habitées par des rejetés », ou vers les usines chimiques « dont les rejets font de la mousse noire sur l'eau jaune ».

Mais suivons donc les trois protagonistes de cette histoire contemporaine dans cette Inde de la modernité…
Louis Husson tout d'abord ; scénariste français, la quarantaine, accablé par la mort prématurée de sa compagne Elise, il s'est laissé entraîner par des amis dans ce voyage en Inde, censé faciliter son travail de deuil…Mais taraudé par la douleur de l'absence et une sollicitude amicale qu'il ne supporte plus, il a fui sans plus de cérémonie et sa cavale solitaire l'a mené jusqu'au Gujarat, sur la côte ouest de l'Inde, non loin du Pakistan.

Iqbal Masjid ensuite ; ce jeune garçon musulman de 17 ans a vu toute sa famille massacrée lors des « évènements » d'Ahmedabad en 2002, une flambée de violence et de barbarie attisée par les nationalistes hindous, une tuerie mémorable faisant état de 2300 morts dont le jeune orphelin n'arrive toujours pas depuis à chasser les atroces images. Iqbal est jeune, seul, miséreux, une cible de choix pour les djihadistes qui l'enrôlent dans leur cercle de haine et de violence. Au nom d'Allah, le jeune garçon attend dans le Gujarat la mission qui mettra un terme à sa vie et à celle de beaucoup d'autres…

Ela Murno enfin ; cette belle journaliste américaine d'origine indienne n'a qu'une idée en tête, obtenir l'autorisation d'entrer dans la zone interdite des chantiers de démolition navale d'Alang afin d'écrire un reportage sur les conditions de travail archaïques des employés. Dans ce site bien gardé interdit au public, on désosse, dans les émanations de solvants, les feux des chalumeaux et les poussières d'amiante, les bateaux, paquebots et autres porte-avions qui ont fait la splendeur des grands pays occidentaux. C'est dans cet immense cimetière à bateaux que le paquebot « France » au passé si glorieux a fini par échouer, finissant de rouiller à l'abri des regards...

Le français, le jeune indien musulman, l'américaine...chacun d'eux est à la croisée des chemins, au moment charnière de la vie où les questions affluent, où les choix s'imposent, où la quête de sens devient essentielle.
Le hasard va unir ces trois destinées dans le grand fracas d'un pays en perpétuel mouvement, dans la fureur et le bruit des armes, dans la violence d'un système qui oscillent entre archaïsme et modernité.

Rédacteur en chef au « Canard enchaîné », Erik Emptaz enchevêtre avec habileté les fils de ces trois vies pour nous dévoiler la part d'ombre de l'Inde contemporaine, pays de contrastes, de fractures et d'oppositions.
A l'heure de la mondialisation, le grand état émergeant, avance par secousses, par chocs et par antagonismes, grande roue qui tourne avec autant d'avidité qu'elle en met à broyer les âmes des plus déshérités.
Avec la même maîtrise du journaliste et de l'écrivain, Erik Emptaz saisit sur le vif « l'instant précis où, en une infime fraction de seconde, s'opère le passage de la paix au fracas, où de la douceur immobile surgit la dévastation et la rapidité avec laquelle, dans ce pays où la sérénité n'exclut jamais la violence, tout se remet en place, comme si rien ne s'était passé. »
Son roman est à l'image de cette Inde hors d'âge, plein de bruits explosifs, d'odeurs nauséeuses, de couleurs irradiées.
Amour, deuil, mort, terrorisme ou espoir, l'on se prend à espérer que les corbeaux qui planent dans le ciel de la baie d'Alang ne soient pas des oiseaux de mauvais augures…
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Ouf... Je referme ce livre, le coeur battant la chamade. Quelles émotions variées et intenses tout au long de cette lecture ! Et quel suspense !
Les descriptions imagées, odorantes et colorées de la vie quotidienne en Inde m'ont replongée instantanément au coeur de ce pays que j'ai eu la chance de découvrir pendant 18 mois, au coeur de ce slum de Devarjeevanahalli dans lequel j'ai habité et où j'ai trouvé des amis. L'Inde, on aime ou on déteste. Moi j'ai aimé ! Passionnément !

Et puis, j'ai aimé ce roman parce qu'au coeur de l'horreur de la pollution, de la pauvreté extrême et du fanatisme terrifiant, l'amour prend forme, se ressent, se vit, se transmet avec intensité et folie.
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Eric Empaz est journaliste pourtant il ne nous livre pas une enquête mais un roman passionnant qui nous en apprend autant sur les conséquences de nos actes qu'un article économique. Trois personnages vont se croiser à Alang, sur un des plus grand chantier du monde de carcasses de bateau à démanteler, un homme en deuil de son épouse, une américaine qui enquête, un jeune musulman dont la famille a été massacrée dans une guerre inter-ethnique. Chacun a sa raison de vivre ou de mourir et ces raisons vont nous conduire jusqu'aux massacres de Bombay. Pour autant, le livre n'est pas noir, il laisse la part belle à la possibilité du bonheur et rien que pour cela il faut le lire.
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A l'appui de 3 personnages, E. Emptaz nous plonge dans l'Inde "non-bollywoodienne".

Peinture très réaliste d'une Inde, qui mondialisation aidant, se trouve à bousculer l'occident, mais qui n'en demeure pas moins accrochée à ses us et coutumes et à ses travers.

Livre à lire pour remettre les idées en place.
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critiques presse (2)
LeMonde
09 juillet 2011
Ce roman, qui parle d'amour, de deuil, de terrorisme, de solitude, ou encore de l'ex-paquebot France désossé à Alang, est à la fois un livre sur la mondialisation et l'impossibilité d'ignorer, désormais, des puissances comme l'Inde, et un texte réussi sur le désordre d'où naît la vie même.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LePoint
30 juin 2011
Bien loin des maharadjas et des néobabas, l'auteur nous guide dans une Inde antitouristique.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
A propos, n'allez pas croire que Bombay Hotel, BH comme abrègent les gens qui s'y entassent, est un hôtel de Bombay ! C'est un slum, un long bidonville, un agrégat de cartons, de vieilles plaques de tôle et de bouts de bois de récupération, que seuls viennent égayer les couleurs plus vives du linge qui sèche, ou les sacs en plastique qui volent. Ce nom de Bombay Hotel n'est qu'une plaisanterie des résidents pour baptiser l'endroit où vit Iqbal à Ahmedabad, la capitale du Gujarat. "Bombay" à cause de la surpopulation, et des plus pauvres qui dorment par terre, comme une bonne partie des habitants de la mégapole du même nom. "Hôtel" parce que les grands hôtels de la ville, ceux où une seule nuit coûte six mois de salaire d'un habitant du slum, sont à un crachat de paan (bétel). C'est aussi que, même pour avoir juste de quoi s'allonger dans ce bidonville délétère, il faut payer cher.
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Alors que le car s'ébranle dans un vrombissement qui donne tout son sens à l'invention du moteur à explosion, le ciel est déjà rose sur les collines. Louis regarde les sièges d'un rouge éclatant, l'intérieur du bus peint en bleu électrique, les saris aux tons vifs des voyageuses et les yeux brillants qui illuminent les visages aux peaux foncées. Si la photo de ce qu'il voit paraissait dans le National Geographic, il la trouverait étincelante. Pourquoi cet air accablé alors qu'il y figure ? A cet instant précis, c'est justement d'être dans cette image qui le contrarie. D'être la touche de blanc dans le décor chamarré de cette boîte à moteur, dont il perçoit dans sa colonne vertébrale et ses tympans chaque claquement de soupape ou de culbuteur. Parce que, en laissant s'entrechoquer ses pensées au gré de la caillasse chaotique et poussiéreuse des routes en réfection du Rajasthan, il pense à cette expression qu'il trouve exécrable : "Il va falloir te reconstruire !
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