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EAN : 9782070128679
208 pages
Gallimard (18/03/2010)
4.15/5   171 notes
Résumé :
« Le 16 mars 2005, les archives concernant "L’affaire de l’esclave Furcy" étaient mises aux enchères, à l’hôtel Drouot. Elles relataient le plus long procès jamais intenté par un esclave à son maître, trente ans avant l’abolition de 1848. Cette centaine de documents – des lettres manuscrites, des comptes rendus d’audience, des plaidoiries – illustrait une période cruciale de l’Histoire.

Les archives révélaient un récit extraordinaire : celui de Furcy,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (33) Voir plus Ajouter une critique
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Le 16 mars 2005, des archives concernant l'affaire de l'esclave Furcy furent mises aux enchères à l'hôtel Drouot à Paris.
Elles relataient le plus long procès jamais intenté par un esclave à son maître , trente ans avant l'abolition de l'esclavage en 1848.

L'auteur a travaillé, enquêté, à partir de lettres manuscrites , plaidoiries , comptes rendus d'audience et même en se rendant sur place aux Archives Départementales de la Réunion.

Mais l'histoire de l'esclavage disait l'universitaire Hubert-Gerbeau«  est une histoire sans archives » ...d'où le parti pris de l'auteur de dénoncer ce silence , cette absence de textes et de témoignages lors de son récit - documentaire.
Pourtant nous dit- il à propos de Furcy «  : J'ai aimé ses silences, qui ont été sa force et sa chaîne » ,...
Cette enquête juridique et littéraire se lit comme un roman.
Le style est sobre, la documentation minutieuse , le travail intense afin de retrouver la moindre trace de Furcy.
Née en 1759 à Chandernagor en Inde , Magdalena a été emmenée et a vécu comme esclave à Lorient en Bretagne, puis sur l'île Bourbon, ( aujourd'hui île de la Réunion ) .
À sa mort , en 1817, son fils Furcy , 31 ans esclave découvre les documents laissés par sa mère affranchie, 26 années plus tôt.
Il est né en 1786 à Bourbon.
Normalement , désormais , cela faisait de lui un homme libre.......
Un jour d'octobre 1817, Furcy décida de se rendre au tribunal d'instance de Saint- Denis pour exiger sa liberté .
Las! Lorsqu'il se présenta devant la justice pour rétablir ses droits, son maître et ses puissants alliés usèrent de toute leur influence pour contrer et dénaturer ce qu'ils considéraient comme un affront et surtout éviter un précédent pour la suite......
L'auteur , à la manière d'un conteur chronique avec minutie les pièces de ce puzzle, finement, avec intelligence et pudeur : désir fort , impérieux de se mettre dans l'esprit de l'époque, retrouver les traces, comprendre les démarches douloureuses de Furcy.
Il a passé des centaines d'heures à fouiller , à examiner des textes à l'écriture illisible datant de près de deux siècles, à lire des archives lacunaires qui ne contenaient que deux ou trois lignes concernant Furcy....

Un combat interminable, , procès qui a duré ——-vingt - sept ans ——, s'est terminé cinq ans avant l'abolition ——des dossiers volumineux, des rebondissements multiples , une grande cause défendue avec ardeur par un procureur courageux près à dépasser son époque et penser bien au delà , à contre courant , Gilbert Boucher, «  un Juste » battu en brèche par des personnages comme Joseph Lory ou Desbassayns qui défendaient leurs intérêts , qui l'ont maltraité et emprisonné ....

L' auteur met en exergue avec raison le contexte économique et historique , la diversité ethnique de la population de l'île Bourbon, l'extrême complexité des rapports sociaux, la reconstitution, et les réglementations complexes .

Un récit brillant , attachant , captivant , enrichissant même si la lecture est relativement fastidieuse à cause des méandres de la logique judiciaire .

Le 23 décembre 1843 Furcy «  est déclaré né en état de liberté » ...
Ajoutons que l'auteur Insiste pour dire qu'il n'a pas trouvé de témoignages directs , rien ou presque rien, que des silences, trop de silences ,..et des poètes anonymes...
«  L'histoire de l'esclavage est une histoire sans archives » ....comme je l'écrivais plus haut » .
On pense à ces mots de Jorge- Semprun prononcés à propos de la littérature de déportation «  Sans la fiction, le souvenir périt » .
Ou encore à Patrick Modiano dans Dora Bruder où il part à la recherche d'une jeune juive disparue en 1941: «  Il faut beaucoup de temps pour que resurgisse à la lumière quelque chose qui a été effacé » ....
Furcy a choisi d'aller au bout de sa démarche car il était conscient que son cas dépassait sa personne....
À lire pour réfléchir ....


«  Mulâtre , marron , quarteronne , quarteron ...... tous ces termes avaient été créés pour désigner des ... animaux ... »
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Formidable plaidoyer contre l'esclavage, ce livre se lit rapidement, tant Mohammed Aïssaoui sait nous captiver par cette « affaire ». C'est l'affaire d'un esclave nommé Furcy qui va demander sa liberté auprès d'un tribunal au tout début du XIXe siècle sur l'île de la Réunion. Comme partout ailleurs dans les colonies, les gros propriétaires terriens se servaient de la main d'oeuvre gratuite que représentait les esclaves. Une première abolition sous la révolution française avait vite été abrogée par Napoléon et la seconde ne sera promulguée qu'en 1848 à la Réunion. L'histoire se passe entre les deux dates. L'auteur nous emmène chez les propriétaires de canne à sucre qui feront tout pour lutter contre l'affranchissement de cet esclave, pourtant né libre. C'est sur ce fond historique riche en changements que cette intrigue va se dérouler. A lire.
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Il y a une vertu indéniable à extirper des tréfonds de l'histoire des individus à la trajectoire hors du commun, qui plus est quand il s'agit d'esclavage, cette tragédie non documentée. A ce titre, la reconstruction du parcours de Furcy, retenu comme esclave sur l'île de la Réunion alors même que sa mère avait obtenu sa liberté quand il avait trois ans, et qui en 1817 engage une démarche judiciaire pour que lui soit reconnue son statut d'homme libre, est passionnante et édifiante, et ce d'autant plus que la route fut longue puisqu'il n'obtint gain de cause qu'en 1843.
De même, la passion indéniable de l'auteur pour son sujet et l'engagement personnel dont il témoigne dans ce livre est extrêmement touchant.

Après, j'ai eu un problème avec cet objet littéraire qu'il est difficile de qualifier, tant il s'engage dans de nombreuses voies sans en explorer pleinement aucune : pas assez documenté pour être un essai historique, pas assez scénarisé et densifié pour être un roman, pas assez de mise en perspective introspective pour être une autofiction. Comme si l'auteur n'avait pas osé s'éloigner trop loin du sentier balisé tracé par l'épais dossier des archives du procès qui lui a servi de point de départ.

Tant pis donc pour la fresque historique figurant une quasi guerre de sécession à la française que nous ne lirons pas ici, après tout le roman est court et suffisamment factuel pour aller droit au but. Il est dommage pourtant que le malheureux Furcy n'ait pas gagné sous la plume de Mohammed Assaoui la consistance d'un personnage plus incarné, ce qui n'aurait pu que renforcer la puissance du récit.
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Née en 1759 à Chandernagor, en Inde, Magdalena a été emmenée et a vécu comme esclave à Lorient (Bretagne) puis sur l'île Bourbon (actuelle île de la Réunion).
A sa mort en 1817, son fils Furcy, alors âgé de 31 ans et qui a toujours été esclave, découvre dans les papiers laissés par sa mère que celle-ci avait été affranchie 26 années plus tôt. Ceci fait normalement de Furcy un homme libre. Quand il se présente devant la justice pour faire valoir ses droits, son 'maître' et ses puissants alliés usent de leur influence pour contrer ce qu'ils considèrent comme un affront et éviter un précédent qui selon eux serait fâcheux pour leurs situations.

L'auteur nous raconte ce conflit, en mettant brillamment en perspective son contexte économique et historique. Il y intègre des considérations sur sa démarche d'écrivain, qui s'intègrent parfaitement dans l'exposé. le récit ne manque que de quelques rappels de dates, que j'ai finalement retrouvées en fin d'ouvrage.

Un livre agréable à lire et instructif, qui met bien en évidence la diversité ethnique de la population de l'île Bourbon et la complexité des rapports sociaux qui en résulte, tout en évitant la caricature.
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Une grande cause, un procureur courageux, un procès interminable, jusqu'à ce que justice soit enfin rendue! Tous les ingrédients d'une « affaire ». Et pourtant, celle-ci est restée enfouie dans les grimoires jusqu'à une vente publique à Drouot en 2005. Une centaine de documents poussiéreux achetés par l'État pour 2100 euros, qui révèle l'histoire de l'esclave Furcy de l'île Bourbon (La Réunion), qui demande sa liberté au tribunal de Saint Denis. Il est né libre, d'une mère libérée. Celle-ci, indienne de Chandernagor, achetée à neuf ans, a accompagné ses maîtres à Lorient. Or, selon l'ancien adage, « nul n'est esclave en France », même sous l'Ancien Régime. Son retour à la Réunion sur la plantation ne pouvait la priver, ainsi que son fils, de leur nouvel état. Joseph Lory, le nouveau maître auquel ils ont été légués ne l'entend pas ainsi. Il considère la démarche juridique de Furcy comme subversive. D'autant que son esclave a trouvé un allié inattendu en la personne du procureur général Gilbert Boucher et de son jeune substitut Sully Brunet.

Joseph Lory est un homme d'influence, soutenu par le plus riche propriétaire sucrier de l'île (Desbassayns de Richemont, commissaire ordonnateur général de la Réunion) fils de la célèbre et redoutée Madame Desbassayns. Un combat juridique s'engage qui est celui du maintien de l'esclavage dans une île dont l'économie en dépend. Et l'histoire est exemplaire d'un fonctionnement judiciaire (mesures de rétorsion contre le plaignant, pressions sur les magistrats, manoeuvres dilatoires qui feront durer la procédure vingt sept années).

L'ouvrage que Mohammed Aïssaoui, journaliste au Figaro Littéraire, consacre à cette histoire est passionnante. Sa démarche est celle d'un chroniqueur minutieux qui reconstitue, autant que faire se peut, les pièces d'un puzzle. Car on ne sait que peu de chose de Furcy. L'histoire de l'esclavage est une histoire sans archives et les siennes sont lacunaires. le récit ne cache pas ses limites.
Il ne faut pas chercher non plus de grâce littéraire à cette enquête, conduite de bonne foi et avec modestie. En revanche il y a là une fine investigation historico-journalistique, en forme de lecture commentée des pièces d'un dossier judiciaire passionnant. Et combien révélateur ! La société coloniale s'y dessine en creux, fidèle à elle-même, dans la défense cynique de ses intérêts.
Le pouvoir politique apparaît dans sa continuité, ennuyé par les requêtes des riches familles coloniales, auxquelles il finit tout de même toujours par céder.

Les historiens aimeraient sans doute que le livre soit accompagné d'un appareil critique, avec en annexe les archives citées. On s'interroge sur les conditions de la poursuite de la procédure menée par Furcy, après que Boucher ait quitté l'île. Restent en suspens bien d'autres questions. Mais le récit est attachant, édifiant et captivant. Il faut remercier Mohammed Aïssaoui de l'avoir reconstitué avec ferveur. le livre a reçu le prix du roman historique 2010 dans le cadre des "rendez-vous de l'Histoire" à BLOIS, et prix Renaudot de l'essai 2010.
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
début du chapitre 1 :

Le soleil clément ajoutait à la douceur du monde. Furcy aimait tout particulièrement ces instants paisibles et libres, quand la forêt appelait au silence. Pas un bruit… Juste, au loin, la musique d’une rivière. Le calme fut rompu par le pépiement effrayé d’une nuée d’oiseaux qui s’envolèrent d’un trait. Puis il entendit le hurlement de chiens qui se rapprochaient.
L’homme noir courait à perdre haleine, ses yeux grands ouverts disaient la terreur. Le torse nu, il transpirait comme s’il pleuvait sur lui. Son pantalon de toile bleue était déchiré jusqu’aux cuisses. Il boitait. Dans son regard, on lisait la certitude qu’il n’arriverait pas à s’échapper, la peur de la mort. Son souffle s’épuisait à chaque pas. Il pouvait tenir encore un peu, un tout petit peu, jusqu’à la Rivière-des-Pluies qu’il connaissait par coeur, et qui pouvait le guider vers la montagne Cimandef, puis à Cilaos, le refuge des esclaves en fuite. Avec les pluies diluviennes de la semaine passée, il suffirait de se laisser dériver en restant bien au milieu de la rivière, et environ cinq kilomètres plus bas, s’arrêter sans forcer, près d’un rocher qui faisait contre-courant — d’autres l’avaient déjà fait, ce devait être l’affaire d’une heure, tout au plus, avant d’arriver au pied de la montagne.
À une vingtaine de mètres derrière lui, deux énormes chiens, la bave aux lèvres, le poursuivaient. Pour leur donner plus de hargne, on les avait affamés. Ces bêtes étaient suivies de loin par trois hommes : deux blancs coiffés d’un chapeau de paille qui portaient un fusil — des chasseurs de chèvres sauvages et d’esclaves — et un noir, tête nue. Ils semblaient assurés d’arriver à leur fin.
Il restait moins de cinq mètres à courir pour pouvoir plonger dans la rivière. C’était encore trop. Au moment où l’esclave allait mettre un pied dans l’eau, il trébucha. Un chien sauta sur lui et mordit sa cuisse droite, tétanisant tous les muscles de son corps. Le deuxième chien le prit à la gorge alors qu’il se débattait. On entendit un cri lourd.
Au loin, les deux blancs sourirent. Ils ralentirent le pas, comme pour apprécier davantage le malheur de leur proie et laisser les chiens terminer leur besogne. Le noir qui les accompagnait baissa la tête.
Furcy, aussi, avait entendu le cri. Il se trouvait de l’autre côté de la Rivière-des-Pluies. Dissimulé derrière un pied de litchi, il avait tout vu. Il restait figé. Depuis sa cachette, il avait remarqué une fleur de lis tatouée sur chaque épaule du fuyard allongé, ses oreilles et son jarret étaient coupés. Ces deux mutilations signifiaient qu’il avait déjà tenté de fuir à deux reprises. Quand les deux hommes arrivèrent près de l’esclave agonisant, ils marquèrent un temps, se regardèrent, puis le prirent chacun d’un côté. Ils le jetèrent dans la rivière. Et s’essuyèrent les mains. Le corps moribond flottait comme un bout de bois au gré du courant qui était fort ce jour-là.
« C’est l’ordre de M. Lory, dit le premier, un marron qui ne peut plus travailler constitue une charge trop lourde. Et la troisième fois, c’est la condamnation à mort. De toute façon, Lory l’aurait battu à mort, tu le connais. » L’autre acquiesça en clignant simplement des yeux.
Le premier chasseur sortit un carnet de sa besace, avec un crayon qu’il mouilla de ses lèvres, il inscrivit : « Capturé / mort / à la Rivière-des-Pluies / le nègre marron Samuel appartenant à M. Desbassayns et loué au sieur Joseph Lory, habitant de Saint-Denis / 30 francs à recevoir / 4 août 1817. » Il referma son carnet, satisfait. Puis, il donna quatre sous au noir en récompense du renseignement qu’il avait fourni pour repérer Samuel.
Dans la tête de Furcy, le cri continuait de résonner.

Les faits de ce genre étaient fréquents à l’île Bourbon. J’aurais pu vous décrire la scène où un esclave fut brûlé vif par sa maîtresse furieuse parce qu’il avait raté la cuisson d’une pâtisserie. Et raconter l’histoire de ce propriétaire qui, apprenant que son épouse avait couché avec son domestique noir, fit creuser un trou et laissa mourir l’amant — alors que tout le monde connaissait cette femme dont on disait que le démon avait saisi son bas-ventre. Il n’était pas rare, non plus, de voir des esclaves si maltraités qu’ils en devenaient handicapés. D’autres avaient moins de chance, ils mouraient à force de tortures, puis on les enterrait dans le petit bois comme on enterre une bête — sur les registres, on les déclarait en fuite. Certains préféraient se suicider pour en finir plus rapidement avec un sort funeste…
Ainsi allait la vie quotidienne dans les habitations bourbonnaises en ce début du XIXe siècle.
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Pour [Gilbert Boucher], l'esclavage était un redoutable système, sans doute le plus rentable qui ait jamais existé. Boucher avait des pensées amères : "On a habillé l'esclavage du vernis de la morale, de la religion. Ah, Dieu ! qu'est-ce qu'on a pu faire en ton nom ! On l'a même justifié par des considérations physiques, naturelles... En réalité, il n'est question que d'argent, de commerce. La religion, comme la morale - fluctuante -, n'était que le moyen de faire admettre des atrocités", se disait-il.
Et la couleur de la peau ? D'abord, le mot noir était avant tout synonyme d'esclave. Ensuite, à l'île Bourbon, il existait tellement de nuances de couleur de peau qu'il était bien difficile de s'y retrouver. On avait bien essayé d'établir des catégories : blanc, métis, noir ou rouge. C'était tellement compliqué que l'administration coloniale avait abdiqué face à toute tentative de classification. (...) Boucher se rappelait qu'à son arrivée sur l'île Bourbon, il avait été frappé par cet extraordinaire mélange de population. On y croisait des gens de toutes sortes, des noirs aux traits d'Asiatiques, des blancs aux formes négroïdes, des Indiens, des blonds à la peau brune, et toutes les couleurs et toutes les formes de cheveux... Il existait tant de teintes de peau, y compris au sein d'une même famille, qu'il était bien difficile de classer telle femme ou tel homme dans telle catégorie.
Enfin, tout était bien moins monochrome qu'on veut bien le croire. Bien sûr, il y avait des noirs esclaves. Mais des noirs possédaient aussi des esclaves, et nombre d'entre eux étaient farouchement opposés à toute idée d'abolition. Des noirs chassaient, jusqu'à les tuer, d'autres noirs. Des noirs asservissaient des métis... Et il arrivait souvent que, dès qu'un esclave devenait affranchi, il ambitionnait de posséder des esclaves, lui aussi. Des blancs aidaient des noirs, et vice-versa... (...) dans l'Afrique de l'Ouest des hommes - noirs, notamment des rois auto-proclamés, des princes de village ou des chefs de tribu - s'étaient considérablement enrichis en vendant une partie de leur peuple. Ils n'étaient pas les moins atroces quand il s'agissait de maltraiter et de torturer. Des musulmans, aussi, avaient exercé les pires exactions. (p. 161-162)
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« Il y avait aussi une vingtaine de petits propriétaires, ils formaient un groupe à part, plus haut dans la rue. A ce que l’on affirmait, ils avaient encore plus peur que les riches exploitants qui possédaient une centaine d’esclaves. Pour eux, perdre leur main-d’œuvre bon marché – ils ne la considéraient pas comme gratuite car les noirs étaient « hébergés et nourris » -, c’était la faillite à coup sûr. Le pire, pour ces petits propriétaires, était de devenir aussi pauvres que les esclaves. Et certains l’étaient déjà.
Des esclaves aussi protestaient contre Furcy ! Ils refusaient une liberté qui les aurait envoyés mendier dans les rues. « Nous sommes bien avec nos maîtres », criaient quelques-uns d’entre eux. »
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Il suffisait d'observer le système économique, et tout s'éclairait. Cette idée ne quittait pas l'esprit de Gilbert Boucher. Si l'on regardait de plus près, pensait-il, tout était organisé pour maintenir le système en place : l'homme considéré comme une marchandise ; l'interdiction pour les esclaves de posséder et donc de s'enrichir ; l'interdiction de s'instruire ; l'interdiction de porter plainte... Tout était diaboliquement ingénieux. D'ailleurs, quand cela pouvait arranger les esclavagistes, on mettait de côté certaines considérations. Les relations sexuelles entre blancs et noirs, par exemple, pour ne pas dire les viols, étaient monnaie courante. On s'en accommodait.
Tous les rouages politiques, administratifs, judiciaires tendaient vers ce seul but : entretenir la machine esclavagiste pour nourrir l'économie. Des industries entières avaient prospéré grâce à ce système. Autrement, ce n'aurait pas été aussi efficace. L'abolition faisait peur, non pour des raisons idéologiques ou philosophiques, mais pour des raisons économiques.
La loi établissait qu'un homme était une marchandise. Et, forcément, en luttant contre cela, on entrait dans l'illégalité.
C'est pour ces raisons que l'affaire de l'esclave Furcy ébranlait toute une organisation parce qu'elle prenait la voie des tribunaux, elle attaquait au coeur du fonctionnement, avec le "risque" que 16 000 esclaves exigent leur liberté. C'est pour cela aussi que Boucher s'était juré de ne jamais perdre de vue cette histoire, quel que soit le lieu où il se trouverait.
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Les faits de ce genre étaient fréquents à l’île Bourbon. J’aurais pu vous décrire la scène où un esclave fut brûlé vif par sa maîtresse furieuse parce qu’il avait raté la cuisson d’une pâtisserie. Et raconter l’histoire de ce propriétaire qui, apprenant que son épouse avait couché avec son domestique noir, fit creuser un trou et laissa mourir l’amant — alors que tout le monde connaissait cette femme dont on disait que le démon avait saisi son bas-ventre. Il n’était pas rare, non plus, de voir des esclaves si maltraités qu’ils en devenaient handicapés. D’autres avaient moins de chance, ils mouraient à force de tortures, puis on les enterrait dans le petit bois comme on enterre une bête — sur les registres, on les déclarait en fuite. Certains préféraient se suicider pour en finir plus rapidement avec un sort funeste…
Ainsi allait la vie quotidienne dans les habitations bourbonnaises en ce début du XIXe siècle.
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