Annie Ernaux passe-t-elle encore les portes ?
J'en doute, le melon de la dame s'approchant plutôt d'une pastèque siamoise gonflée aux hormones brésiliennes. Appeler livre ou roman cette petite chose ridicule de 27 pages.
À la fin de la chose, 3 pages entièrement blanches, Gallimard ne sachant visiblement pas quoi inventer pour donner volume et ampleur à un texte aussi pauvre et donner l'illusion au lecteur pigeon qu'il n'achète pas que du vide. Heureusement, je l'ai emprunté à la médiathèque ! Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le souci de l'écologie qui étouffe Gallimard.
S'il n'y avait que ça, car tout compte fait, c'étaient peut-être les 3 pages blanches les moins pénibles à lire… Les 27 autres m'ont constamment hérissé le poil.
Prix Nobel, vraiment ?
J'ai visiblement un gros problème avec ce prix,
Modiano me faisant peu ou prou le même effet.
Il est certain qu'
Annie Ernaux arrive à faire passer un maximum d'idées et d'images en très peu de lignes. J'ai lu dans une chronique babéliote le terme « d'écriture au couteau » et je la trouve parfaitement appropriée.
Si je n'ai rien à dire sur la forme, le fond m'a beaucoup dérangé. Ce texte aurait pu s'appeler « le mépris », c'est le seul mot qui me vient à l'esprit après ma première lecture et me semble tout résumer.
Quel mépris : mon Dieu, que cette dame a une très haute opinion d'elle-même, ça transpire à toutes les pages. Tout au long de ma lecture je n'ai pu que ressentir un profond malaise à imaginer le fameux jeune homme lire ce texte. Alors qu'il vouait visiblement une admiration béate à cette femme, espérait un enfant avec elle, quelle claque, quelle gifle ! Se rendre compte que l'on a été à ce point berné, manipulé ! Où est l'amour là-dedans, j'ai eu beau chercher dans ces 27 pages, je n'ai rien trouvé !
« Il y a trente ans je me serais détournée de lui. Je ne voulais pas alors retrouver dans un garçon les signes de mon origine populaire, tout ce que je trouvais « plouc » et que je savais avoir été en moi. (p.20) »
Elle ne s'intéresse à ce garçon que pour le fumet de sa basse extraction sociale, qui la ramène à sa propre enfance, à sa jeunesse, un temps révolu dans lequel elle était libre et jouissait sans entraves.
« avec A., j'avais l'impression de rejouer des scènes et des gestes qui avaient déjà eu lieu, la pièce de ma jeunesse. » (p.23)
Quelle condescendance : « Je m'autorisais des réparties brutales dont je ne sais si elles étaient liées à sa dépendance économique ou à son jeune âge. » (p .24)
« Il disait « stop » ou « c'est bon » à
la place de « merci » quand je le servais à table. » (p.19)
Faut-il expliquer à
Annie Ernaux que c'est peut-être lié au fait qu'il a déjà dit merci, mais que comme elle ne l'écoute pas, elle le ressert quand même ? Parce que sa qualité première à Annie, ça ne semble quand même pas être l'écoute …
Quelle modestie : « J'aimais me penser comme celle qui pouvait changer sa vie » (p.24)
Quel humour : « Lâche-moi la grappe, cette injonction vulgaire qui l'offusquait, je ne l'avais jamais adressée à personne avant lui. (p.24) ». Là je dois avouer que je ne m'en suis pas encore remise, j'en suis encore tout offusquée ! La façon de s'exprimer de 95% des Français doit être un summum de vulgarité pour Dame Ernaux. Dans quel monde vit-elle, et surtout en quelle année ? Enfin, c'est sans nul doute le seul passage du livre qui m'a donné le sourire…
Cependant, je serais tentée de dire que son attitude condescendante est pour moi infiniment plus vulgaire que n'importe quelle expression. La vulgarité est parfois plus dans les actes que dans les mots.
Quelle manipulatrice : Lorsque A. (il n'a même droit à son prénom, lui ou un autre, semble être un individu parfaitement interchangeable et transparent) exprime le souhait d'avoir un enfant avec elle, elle sait très bien qu'elle ne répondra pas à sa demande. Elle n'en retient que la flatterie de son ego et le sentiment de nouvelle jeunesse que cela lui procure : « Il voulait un enfant de moi. Ce désir me troublait et me faisait ressentir comme une injustice profonde d'être en pleine forme physique et de ne plus pouvoir concevoir. Je m'émerveillais que, grâce à la science, il puisse être désormais réalisé après la ménopause, avec l'ovocyte d'une autre femme. Mais je n'avais nulle envie d'entreprendre la démarche en ce sens que mon gynécologue m'avait proposée. Je jouais simplement avec l'idée d'une nouvelle maternité dont, après la naissance de mon deuxième enfant, je n'avais plus jamais voulu. » (p.34)
Donc,
Annie Ernaux se joue de A., il est une petite poupée qu'elle prend plaisir à déshabiller pour assouvir ses envies, tout le reste n'est que mascarade et fiction (j'y viens justement).
Quel cynisme : l'auteure ne semble finalement avoir fréquenté A. que pour pouvoir écrire sur sa relation, que pour ce qu'elle pourra en extraire comme substantifique moelle pour alimenter son texte. C'est la mante religieuse prédatrice qui dévore ses amants, toutes mandibules dehors.
« La principale raison que j'avais de vouloir continuer cette histoire, c'est que celle-ci, d'une certaine manière, avait déjà eu lieu, que j'en étais le personnage de fiction. » (p.25)
Quand elle parle d'un moment avec A. qui lui rappelle un moment fort de sa vie passée, elle écrit : « Ce serait juste un souvenir second » (p.36). C'est sympa comme position je trouve, d'être le souvenir second, celui qui sera très vite oublié, et s'effacera au profit d'un autre plus fort, plus vivant, et présente le seul intérêt de le raviver.
Une fois le dernier petit morceau de victime dégusté, la mante vous fixe de ses yeux globuleux, en quête du prochain festin. Et si c'était vous ?
Quel malaise : ce livre n'est donc a priori qu'un pur exercice de style pour Madame Ernaux qui vit une relation pour écrire le roman de sa vie. Stop ! (oui oui je sais, je suis vulgaire).
Premier texte d'Annie Ernaux pour moi, je doute fort qu'il y en ait un second !
Tout compte fait, quel soulagement que ça ne fasse que 27 pages …