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Citations sur L'événement (159)

Le temps a cessé d'être une suite insensible de jours, à remplir de cours et d'exposés, de stations dans les cafés et à la bibliothèque, menant aux examens et aux vacances d'été, à l'avenir. Il est devenu une chose informe qui avançait à l'intérieur de moi et qu'il fallait détruire à tout prix.
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Les choses me sont arrivées pour que j’en rende compte. Et le véritable but de ma vie est peut-être seulement celui-ci : que mon corps, mes sensations et mes pensées deviennent de l’écriture, c’est-à-dire quelque chose d’intelligible et de général, mon existence complètement dissoute dans la tête et la vie des autres
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Il y avait les autres filles, avec leurs ventres vides, et moi.
(...)
Ce n’était pas la peine de nommer ce que j’avais décidé de faire disparaitre.
(…) ce qui poussait en moi c’était, d’une certaine manière, l’échec social.
(...)
Et, comme d’habitude, il était impossible de déterminer si l’avortement était interdit parce que c’était mal, ou si c’était mal parce que c’était interdit. On jugeait par rapport à la loi, on ne jugeait pas la loi.
(...)
Ni lui ni moi n’avions prononcé le mot avortement une seule fois. C’était une chose qui n’avait pas de place dans le langage.
(...)
Si je laisse faire le temps, en juillet prochain, on sortira un enfant de moi.
(…)« je ne suis pas le plombier ! ». Et cette phrase qui lui avait peut-être inspirée un sketch de Fernand Raynaud qui faisait alors rire toute la France, continue de hiérarchiser le monde en moi, de séparer comme à coups de trique, les médecins des ouvriers et des femmes qui avortent, les dominants des dominés.)
(...)
Je sais aujourd’hui qu’il me fallait cette épreuve et ce sacrifice pour désirer avoir des enfants. Pour accepter cette violence de la reproduction dans mon corps et devenir à mon tour lieu de passage des générations.
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Des milliers de filles ont monté un escalier, frappé à une porte derrière laquelle il y avait une femme dont elles ne savaient rien, à qui elles allaient abandonner leur sexe et leur ventre. Faire passer le malheur.
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Si beaucoup de romans évoquaient un avortement, ils ne fournissaient pas de détails sur la façon dont cela s'était exactement passé. Entre le moment où la fille se découvrait enceinte et celui où elle ne l'était plus, il y avait une ellipse.
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Pour penser ma situation, je n’employais aucun des termes qui la désignent, ni « j’attends un enfant », ni « enceinte », « encore moins « grossesse », voisin de « grotesque ». Ils contenaient l’acceptation d’un futur qui n’aurait pas lieu.
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"L'enlacement et la gesticulation des corps nus me paraissaient une danse de mort."
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J'ai fini de mettre en mots ce qui m'apparaît comme une expérience
humaine totale, de la vie et de la mort, du temps, de la morale et de
l'interdit, de la loi, une expérience vécue d'un bout à l'autre au travers du
corps.

J'ai effacé la seule culpabilité que j'aie jamais éprouvée à propos de cet
événement, qu'il me soit arrivé et que je n'en aie rien fait. Comme un don
reçu et gaspillé. Car par-delà toutes les raisons sociales et psychologiques que je peux trouver à ce que j'ai vécu, il en est une dont je suis sûre plus que tout : les choses me sont arrivées pour que j'en rende compte. Et le
véritable but de ma vie est peut-être seulement celui-ci : que mon corps,
mes sensations et mes pensées deviennent de l'écriture, c'est-à-dire quelque chose d'intelligible et de général, mon existence complètement dissoute dans la tête et la vie des autres.
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Elle fait partie de celles qui, tantôt effrayante, tantôt réconfortantes, plus ou moins anonymes, m'ont conduite vers l'épreuve, accompagnée comme une viatique jusqu'à ce que j'y passe à mon tour.
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Je veux m’immerger à nouveau dans cette période de ma vie, savoir ce qui a été trouvé là. Cette exploration s’inscrira dans la trame d’un récit, seul capable de rendre un événement qui n’a été que du temps au-dedans et au-dehors de moi. Un agenda et un journal intime tenus pendant ces mois m’apporteront les repères et les preuves nécessaires à l’établissement des faits. Je m’efforcerai par-dessus tout de descendre dans chaque image, jusqu’à ce que j’aie la sensation physique de la « rejoindre », et que quelques mots surgissent, dont je puisse dire, « c’est ça ». D’entendre à nouveau chacune de ces phrases, indélébiles en moi, dont le sens devait être alors si intenable, ou à l’inverse si consolant, que les penser aujourd’hui me submerge de dégoût ou de douceur.
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