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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Elise,est-ce que tu reconnais
La grisaille de ce quotidien qui s'éternise,
La fatigue qui achève tes parcelles de vie,
L'usine qui absorbe ton énergie vitale,
Dans l'odeur des voitures qui s'assemblent?

Elise, est-ce que tu assumes
cette passion défendue,
Avec Arezki l'Algérien ,
Que tu dois cacher,
protéger,
voiler de ton amour pur,
de ton amour fou,
pas raisonnable,
pas normal,
pas acceptable?

Elise,est-ce que tu es prête
À la brutalité des événements
Qui s'invitent en cette année 1957,
De ce racisme qui salit,
Qui blesse,
qui tue,
qui refuse,
qui dénigre,
qui avili,
qui humilie,
qui rejette,
qui oppresse,
qui interdit
à des êtres doux et délicats
de s'aimer…
Au-delà des frontières,
au-delà de la politique,
au-delà des guerres!

Elise, est-ce que tu l'aimes
pour un peu,
pour un pourquoi,
pour un combat de chaque jour,
pour un plongeon,
dans les eaux glacées ,
d'un temps
qui juge,
qui rejette,
qui pointe du doigts,
qui déraisonne,
qui se remplit de rejet,
d'indifférence,
de poursuite maléfique ?

Elise,est-ce que tu es prête à vivre
L‘amertume,
les blessures,
les espoirs déchus,
La peur au ventre,
la peur de le perdre,
la nostalgie poignante,
Les éclats de lumière
D'un amour qui s'irise
De nostalgie,

Que de courage à vivre ;
Ta vie
Elise,
Complètement,
entièrement,
avec aplomb,
avec sincérité,
avec honnêteté
d'une battante,
d'une rebelle qui affronte les
orages du temps
et qui reste fière et droite
au-delà des peurs,
au-delà des tords,
au-delà des mots…

Un livre qui m'avait bouleversé à 20 ans lorsque je l'ai lu …
Un livre qui reste encore dans ma mémoire sensitive tellement l'écriture de Claire Etcherelli est intense et vrai !!!
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Lorsqu'on sait que Claire Etcherelli appartient au mouvement dit de " littérature prolétarienne ", on peut être ou formidablement attiré par son grand roman qui connut un grand succès et fut gratifié du Prix Femina 1967... ou au contraire se dire... encore un tract gauchiste qui va nous embarquer dans l'éternelle antienne de la lutte des classes et autres sujets barbants !

Dans l'un et l'autre cas de figure, je dis gardez-vous de tout jugement hâtif et songez, par exemple, à - À la ligne : feuillets d'usine -, le formidable bouquin du regretté Joseph Ponthus, qui a, ne serait-ce que par son contexte, l'usine et le travail à la chaîne comme parenté avec - Élise ou la vraie vie -. L'un et l'autre prenant racine dans la réalité d'un quotidien très similaire.

Ce qui rend le roman de Claire Etcherelli si singulier et d'une certaine façon unique, c'est qu'il embrasse plusieurs thèmes à la fois : l'enfance orpheline, la pauvreté, la vie provinciale opposée au " parisianisme ", l'amour maternel et quasi castrateur d'une soeur aînée pour son frère, le mariage comme échappatoire à la claustration juvénile, l'adultère, la paternité déléguée, l'abandon, la condition et la vie ouvrière, " la fuite monotone et sans hâte du temps " sur une chaîne de montage dans une usine d'automobiles, l'engagement politique, le racisme et l'Amour impossible dans un contexte où le poids de l'Histoire est omniprésent.
C'est de la fiction, c'est de l'autofiction et c'est un témoignage.

Élise est la soeur aînée de Lucien. Tous deux orphelins de père et de mère ont été confiés à la garde de leur grand-mère.Nous sommes au début des années 50 peu avant la fin de la Guerre d'Indochine, quelque part dans un quartier populaire de Bordeaux. Élise ne vit que pour son frère, lequel cherche à échapper à cette mère de substitution castratrice... Ils grandissent chichement dans une vie provinciale rythmée par l'ennui. Lucien a un mantra qu'il répète inlassablement à Élise : " bientôt nous connaîtrons la vraie vie..."
En attendant, peu d'études pour l'un et l'autre. Peu ou pas de travail si ce n'est quelques heures de surveillance dans un établissement scolaire pour Lucien... Celui-ci, joli garçon sans grands scrupules s'éprend d'une belle voisine, Marie-Louise, qu'il épouse et met enceinte. Deux gosses, l'une éprise de son jeune et beau mari, un autodidacte qui épluche les journaux compulsivement... l'autre un idéaliste épris d'une conscience et d'un idéal révolutionnaire que la rencontre de deux militants, Henri un intellectuel bourgeois acquis au socialisme et Anna une maîtresse révolutionnaire, vont pousser à franchir le pas : partir pour la capitale pour contribuer à y préparer " le grand soir ".
Élise renvoyée à une vie terne et solitaire s'occupe de la grand-mère qu'une glissade sur un trottoir givré a envoyée pour quelques mois à l'hôpital.
Un jour, une lettre de Lucien convainc Élise de rendre visite à son frère à Paris.
Commence alors pour elle " la vraie vie ".
D'hôtels minables en foyers, le manque d'argent va pousser la jeune femme à travailler... à l'usine, à la chaîne de montage des automobiles. Sa fonction : passer d'une voiture à l'autre pour vérifier que le processus de fabrication est correct... tableau de bord, boîte à gants,essuie-glaces, rétros, phares, clignotants sont inspectés à la chaîne en un temps chronométré etc etc
Le milieu est un milieu d'hommes. La grande majorité de ces hommes sont des Arabes... et nous sommes en pleine guerre d'Algérie... En même temps que la condition ouvrière, le travail à la chaîne, la vie en usine, Élise va découvrir le racisme de la France des années 50, avec ses rafles, ses " ratonnades ", la violence de la police française, celle du FLN... et le grand amour pour Arezki, un ouvrier algérien qui milite clandestinement pour l'indépendance de son pays...

Les 276 pages de ce roman se lisent la boule au ventre. le travail d'écriture et de restitution de Claire Etcherelli est remarquable de justesse, de finesse, d'acuité. de tous les thèmes qui s'imbriquent dans ce roman, pas un n'est négligé. Mais toutes les pages qui ont trait à l'usine, à la vie à l'usine, au travail à la chaîne, sont d'un réalisme confondant.

Qui ne sait pas ce qu'était le travail à la chaîne dans les usines Renault ou autres à la fin des années 50 dans notre beau pays, devrait lire cet ouvrage. À l'heure où l'on parle de retraite, de pénibilité, de salaires, de primes, de productivité, ce livre est un formidable témoin de ce que furent les " Trente Glorieuses " et de ce qu'ont vécu beaucoup de " Boomers ".
Qui parle de racisme dans un monde qui en est gangrené devrait lire ce livre pour mieux comprendre où, quand et comment il est né.
Qui parle de violences policières, de contrôles au faciès devrait lire ce roman.
Qui veut lire une très belle histoire d'amour vécue par un couple mixte devrait lire - Élise ou la vraie vie - !

C'est du romanesque, c'est de l'historique, c'est du sociologique... c'est du Ken Loach et du Upton Sinclair, celui de - La jungle -. Bref, ça bouscule, ça dérange !

" Celui que j'ai prêté à Lucien me manque terriblement. Dix mille francs. de quoi vivre toute une semaine. Nous sommes des pauvres dignes. de ceux qui cachent leur pauvreté comme une disgrâce honteuse. Cela doit rester entre nous."

" Je me suis trouvé dans la nécessité matérielle d'accepter un boulot pénible, mais combien exaltant. Je vais me mêler aux vrais combattants, partager la vie inhumaine des ouvriers d'usine. Au milieu des Bretons, des Algériens, des Polonais exilés ou des Espagnols, je vais trouver le contact avec la seule réalité en mouvement. Et quand j'aurai fini ma journée d'usine, je retrouverai mes papiers, mes papiers, car, ma vieille Élise, je témoignerai pour ceux qui ne peuvent le faire."

" Il y a cinq mois que je suis là, reprit Lucien. J'ai été à ton poste, à d'autres. Et j'ai compris le système. Que tu partes ou que tu restes, ce que je veux te dire te servira. Trois jours, un mois, peu importe. Ne sois pas humble. Ici, l'humanité est un aveu. Un peu d'insolence mettra les autres à l'aise. Les chefs sont des aboyeurs. Ne leur ôte pas ce plaisir. N'en fais pas trop. Fais-le comme un bon outil, tu n'es pas autre chose. Ne cherche jamais à comprendre ce que tu fais. Ne demande pas à quoi sert ceci ou cela. Tu n'es pas là pour comprendre, mais pour faire des gestes. Quand tu auras pris la cadence, tu deviendras une mécanique bien réglée qui ne verra pas plus loin que le bout de la chaîne. Tu seras classée bonne ouvrière et augmentée de trois francs de l'heure."

" Arezki, lorsqu'il me rejoignit à Stalingrad, déclara que nous n'irions plus aux Ternes, ça n'était pas un bon quartier...
- On va... au Trocadéro.
Nous avons été au Trocadéro. Nous y sommes même revenus le surlendemain. Nous nous sommes promenés dans les jardins où la brume givrante dressait autour de nous des murs protecteurs. Nous avons été à l'Opéra et fait plusieurs fois le tour de l'édifice. Nous avons traversé les ponts.
Nous nous sommes perdus dans les rues du quartier Saint-Paul. Nous avons remonté les boulevards autour de l'axe Saint-Augustin. Partis de Vaugirard, nous nous sommes retrouvés à la porte d'Auteuil. La rue de Rivoli, nous l'avons parcourue dans les deux sens. Et le boulevard Voltaire, et le boulevard du Temple, et les ruelles derrière le Palais-Royal. Et la Trinité, et la rue Lafayette. Nous ne revenions jamais dans le même quartier. Quelque fait banal, un rassemblement, l'ombre d'un car de police, un flâneur qui nous suivait, et la promenade tournait court. Il fallait nous quitter."

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Wouahou ! C'est dur, mais c'est juste !
En effet, ce livre sent le vécu ; l'auteure, Claire Etcherelli a vécu le parcours d'Elise !
1957. Elise et son frère Lucien sont orphelins et vivent chez la grand-mère pauvre, en province. J'ai une impression de "L' amie prodigieuse", le film. Elise fait la "petite mère" protectrice. Lucien veut accéder à ce qu'il appelle "la vraie vie". Il part à Paris rejoindre son ami Henri, qui est privilégié, mais qui, sorte de bobo, s'intéresse au cas des prolétaires et des Algériens. Lucien est embauché dans une usine de voitures et travaille à la chaîne. Elise le rejoint et travaille aussi à la chaîne dans la même usine : c'est ce que Lucien appelle " la vraie vie". "Tu parles ! "rétorque Elise. Elle est contrôleuse et saute d'une voiture à l'autre, en compagnie de Mohamed qui fixe des rembourrages et Arezki qui visse les rétroviseurs. Une histoire amoureuse s'ébauche, mais il faut faire attention aux descentes de police.
.
J'avais mis au début 3 étoiles pour la dureté et " l'inconfort" du roman, mais je pense que c'est une oeuvre capitale sur la tolérance au même titre que le "Traité sur la Tolérance" De Voltaire ;
c'est en plus un témoignage vécu, puisque l'auteure a travaillé à la chaîne, chez Citroën ;
c'est aussi un témoignage sur les nombreuses ratonades policières d'Algériens fuyant la guerre à Paris ; en effet, la guerre Algérie-France ( 1954-1962 ) a fait 250.000 morts du côté algérien, et 25.000 du côté français.
.
Une oeuvre pour ne jamais oublier, et tirer, si les hommes en sont capables, les leçons du passé.
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« Vie manquée. Mort dérisoire. »

Elise attend la « vraie vie », loin de son petit monde étriqué. « Comme elle était douce, celle d'avant, la vie un peu floue, loin de la vérité sordide. Elle était simple, animale, riche en imaginations. Je disais ''un jour...'' et cela me suffisait. »

Elise raconte.

Elle quitte sa province et se retrouve à Paris avec son frère qu'elle aurait suivi au bout du monde, quoi qu'il fasse. Elle travaille à la chaine pour contrôler l'assemblage de voitures. « Mortel réveil, porte De Choisy. Une odeur d'usine avant même d'y pénétrer. Trois minutes de vestiaire et des heures de chaîne. »

Dans cette usine où son frère l'a fait embaucher comme lui, elle découvre le monde ouvrier, les contremaîtres qui surveillent les cadences, le bruit et la puanteur de l'essence et des peintures de carrosseries, les pieds meurtris et la fatigue du soir qui vous plombe, une fois rentrer dans ce foyer où il n'est même plus possible de trouver la force pour se laver.

C'est aussi le lieu où des ouvriers ne croient plus vraiment à la révolte et où le règne du chacun pour soi grandit à mesure que la chaîne avance un cran plus vite, malgré les manifestations. L'usine des grandes villes, le lieu où les ''arabes'' sont utilisés comme une main d'oeuvre peu onéreuse et peu rebelle car sans fiche de paye, la rafle de 22H dans les rues de Paris, se paye chère pour les « crouillats ».

Elise rencontre.

Arezki travaille dans cette usine et tout va changer dans la vie d'Elise. « Mutilée par ma vie rabougrie, par ma passion fraternelle et les horizons bornés, ma sensualité bien vivante, et qui n'avait trouvé pour s'exprimer que ces contemplations nocturnes et les joies mystiques du renoncement, éclata à la chaleur de cette amitié secrète. »

« La paix, c'était avant. Maintenant, l'orage tant désiré descendait en moi. »

Elise respire.

Des thés chauds partagés dans des bistrots parisiens aux promenades dans tous les quartiers de Paris, Elise et Arezki se touchent, se frôlent, s'apprivoisent. Reste l'embarras si bien décrit par Elise, la gêne qu'elle ressent : être avec un homme, algérien. Et l'incompréhension face à la prudence de cet homme qui sait le prix d'être né ''étranger'' et qu'elle découvrira avec lui, quand des policiers viennent fouiller l'immeuble, la chambre où ils s'étaient retrouvés, seuls au moins une fois.

Elise reste ?

La vraie vie est parfois plus difficile qu'on ne le pense...
« Et moi, ce soir, je me sens et je sens l'existence de cette ville, au-delà d'Arezki mais à travers lui, polie par l'ombre qui s'ouvre devant nous. »

Elise ou la vraie vie, un roman inoubliable. Une écriture magnifique. Claire Etcherelli a une sensibilité qui me touche infiniment et une acuité dans ses propos très fine. Une vision du monde que je trouve très juste et fidèle, où personne n'est blanc ou noir. L'auteur possède une compréhension aigüe des relations interpersonnelles et des relations au sein de la société de cette époque. Elle donne la parole à une Elise très honnête, y compris envers elle-même. Il y a tant de thèmes intéressants dans ce roman. C'est un instantané de la société française pendant la guerre d'Algérie doublé d'un magnifique roman d'amour.

Oui les paroles d'Elise sont profession de foi. Il n'y a pas un mot, pas une ligne, pas une pensée qui ne me fasse pas réfléchir. Et la dernière phrase que je trouve si belle : « Je me retire en moi mais je n'y mourrai pas. »

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Elise vit en Province avec une grand-mère qui l'a élevée et un frère qu'elle vénère, Lucien. Lorsque Lucien, qui a tout abandonné pour aller militer à Paris pour que commence "la vraie vie", l'invite à le rejoindre, elle n'hésite pas longtemps. Il lui trouve un emploi dans une usine de voiture, où elle est chargée de contrôler les pièces qui défilent sur le chaîne de montage. Avec elle travaille avec beaucoup d'Algériens: là-bas, la guerre fait rage, tue, et le racisme est omniprésent en France. Parmi les Algériens de l'usine, Arezki.
La claque! J'ai terminé ce livre ce matin entre deux cours en salle des professeurs, hier il m'a fait rallumer la lumière tellement j'avais du mal à le lâcher. Il y avait longtemps qu'un livre ne m'avait pas fait cet effet-là. Et pourtant, j'avais toujours trouvé son titre complètement nunuche.
[...] La vie à l'usine, épuisante, le travail où les relations humaines n'entrent pas en ligne de compte, sont décrits avec justesse mais aussi avec retenue, pudeur, sans grands éclats. La langue est simple et directe. le racisme d'une France qui vit très mal la guerre d'Algérie, les rafles policières, le danger permanent sont si prenants que le topos de l'histoire d'amour impossible qui vient se greffer là-dessus ne semble même pas réchauffé. Pas un "je t'aime" ne sera échangé, mais la tension de l'un vers l'autre est palpable, seule oasis dans une vie sans issue.
[...]
Politique, sentiment, société, famille, il y a tout dans ce roman. J'en reste encore abasourdie.
Retrouvez ma critique et toutes les autres sur mon blog!
Lien : http://mabouquinerie.canalbl..
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Je suis entièrement d'accord avec la critique de "Elise ou la vraie vie", faite par Mélusine1701 . C'est un livre magnifique sur l'amour, la condition ouvrière, le racisme, les luttes sociales et anti-colonialistes. Il n'est pas nécessaire d'être "de gauche" pour apprécier l'authenticité de cette histoire, à la fois lumineuse et sombre.
J'aimerais que la jeune génération puisse découvrir ce genre de lecture, même si le roman a pour époque (lointaine) le milieu du XXème siècle.
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écriture belle, juste et limpide. le travail à la chaine décrit minutieusement, la banalité du racisme , époque trouble et l'amour dans tout cela, qui ne discrimine pas.
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Publié en 1967, ce roman obtient le Prix Fémina puis donne lieu, deux ans plus tard, à la réalisation d'un film éponyme par Michel Drach, le rôle d'Élise étant tenu par sa compagne, l'actrice Marie-José Nat. Livre et film rencontrent un vrai succès, nous sommes tout près encore de ce que les médias de l'époque s'obstineront à appeler les « événements d'Algérie », combien de temps faudra-t-il pour qu'on ose enfin parler de « guerre » et même de « sale guerre » ?

Le thème est âpre et riche à la fois : Élise s'ennuie à Bordeaux, elle veut « monter » à Paris comme on disait alors et réalise son désir via l'embauche, au nez et à la barbe de candidats algériens, dans une usine, à la chaîne, debout des heures durant dans le bruit et la promiscuité. Elle a été recommandée par Lucien, son frère, parti avant elle et qui manque sans cesse d'argent. Il milite, apprend l'anglais, découvre les civilisations orientales, veut s'immerger dans le monde ouvrier : tout une époque ! L'auteur dépeint avec précision la vie à l'usine, les amitiés, la méfiance, l'exploitation des ouvriers, maghrébins et ou français, la solidarité.
Élise va nouer une amitié tendre avec un ouvrier algérien Arezki et, avec lui, découvrir la dure condition des immigrés algériens en France. L'heure est à la lutte pour l'indépendance en Algérie, le FLN pratique la terreur, les attentas se multiplient, la police sévit, brutalise, tue aussi. La Seine a charrié des corps parmi lesquels, peut-être celui d'Arezki, disparu. Lucien aussi disparaît. Époque de troubles où les Parisiens ont peur, ne savent pas forcément qui croire, s'attendant à tous moments à ce qu'une explosion ne secoue leur quartier.

J'ai vécu cette époque et me rappelle bien les défilés sur le boulevard proche de chez mes parents, leur peur que notre voisin, Français d'Algérie commerçant, ne soit plastiqué et nous avec, qui vivions juste au-dessus de sa boutique. Je me rappelle ces Algériens venus s'installer en France pour y travailler et dont on se moquait à cause leur accent, de leur « couffin » pour les courses, ces sourires contraints qui ne demandaient qu'à s'ouvrir pour nous, ces insultes racistes commençant en général par « sale ». Et aussi ces nouvelles camarades de classe qui arrivaient en plein milieu de l'année, chassées avec leur parents d'une Algérie qu'elles prenaient pour leur pays. Trop de larmes, trop d'offenses, trop de rancoeurs et d'incompréhension dont on n'a toujours pas fini de payer le prix.
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souvenir lointain et scolaire - histoire d'amour entre une française et un algérien
le prof nous avait dit de faire un résumé- j'y ai passé une bonne partie de la nuit,
le prof m'a dit de faire un résumé du résumé
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J'ai lu ce livre il y a de nombreuses années, lorsque j'étais jeune. Je me souviens de la description du travail à la chaîne dans une usine d'automobiles, de l'épuisement d'Elise après ces premières journées. de l'ambiance tendue entre ouvriers français et algériens, de l'amour naissant entre Elise et Arezki, de la suspicion des tiers à l'égard de leur relation - lorsqu'Arezki dit à un camarade algérien qu'Elise est avec eux, celui-ci lui répond : "elle est avec toi" -, de leurs promenades dans Paris, de la passion d'Arezki, autodidacte, pour la géographie, d'Elise divisant sa vie en jours fastes et gris selon qu'ils sont ou non agrémentés d'une promenade avec Arezki, du contrôle de police subi alors que tous deux se retrouvent pour la première fois seuls dans la chambre d'Arezki - qui a acheté pour Elise un couvre-lit sentant le neuf - de l'humiliation éprouvée, le policier contraignant Arezki à se déshabiller complètement, du geste de consolation d'Elise qui embrasse les mains de son ami.

Une oeuvre poignante et qui m'a marquée.
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