Je ne connaissais par
Frédéric H. Fajardie avant d'ouvrir «
Le conseil des troubles ». Auteur d'une trentaine de romans de littérature blanche et noire et de fresques historiques à succès,
Frédéric H. Fajardie s'est signalé ici par un ouvrage qui ne peut laisser indifférent : on aime ou on n'aime pas, et sans demi-mesures ! Je dirai pour ma part que «
Le conseil des troubles » m' moyennement captivé, l'ouvrage se laissant lire mais sans passion. Les spécialistes s'accordent d'ailleurs à reconnaître que «
Le conseil des troubles » n'est le meilleur roman de
Frédéric H. Fajardie.
Avec «
Le conseil des troubles », je pensais découvrir les dessous d'une organisation secrète, mêlée à des faits méconnus, une organisation cherchant obstinément à mettre en place un nouvel ordre du monde, à se lier et à intriguer dans ce but avec les puissants de ce monde. Je m'attendais à une plongée dans les entrailles, dans les coulisses, dans les rouages de la bête, d'une pieuvre tentaculaire ayant des ramifications souterraines et planétaires. Je formais l'hypothèse que j'apprendrais comment les équilibres géostratégiques pouvaient être mis à mal par ce type d'organisation, même au 18ème siècle. Eh bien non, malgré un potentiel certain, je n'ai lu que de rares allusions à ce « Conseil des troubles », une fois toutes les 50 ou 80 pages, et je suis resté sur ma faim, pour ne pas dire déçu (d'aucuns ont parlé d'entourloupe!). Et pourtant (page 169),
Louis XIV voulait en finir avec «
Le conseil des troubles ». Alors, il y avait bien un filon que
Frédéric H. Fajardie n'aurait pas réussi à exploiter ?
Déçu, j'ai donc parcouru l'ouvrage et constaté qu'il s'agissait d'un long conte historique. J'ai rencontré des hommes et des femmes de toutes conditions et de toutes nationalités alors même que régnait
Louis XIV, un règne sans partage où le génie du Roi a brillé dans des domaines parfois inattendus. Vous pensez pouvoir découvrir dans ce livre les dessous du pouvoir de
Louis XIV, identifier et repérer des anecdotes rares et croustillantes ? Vous serez probablement déçus car il s'est écrit de nombreux ouvrages plus savants et fort documentés sur le siècle de
Louis XIV et sur le Roi-Soleil. Certes, «
Le conseil des troubles » regorge de détails minutieux sur ce point, mais le lecteur ne pourra aisément séparer le vrai du faux, le réel de la fiction. Nous sommes, avec
Frédéric H. Fajardie, plongés dans un roman historique et non pas dans une étude académique.
«
Le conseil des troubles » est en fait l'histoire romancée de Tancrède de Montigny, ultime descendant du peuple de l'Atlantide (eh oui, pas moins) et héritier d'un savoir fortement jalousé, la connaissance du lieu où se dissimule le fabuleux trésor des Templiers. Tancrède est duc mais pauvre ; il commande un régiment de dragons, impitoyables mais très humains ; il est pourchassé et attaqué par nombre de tueurs, d'espions et de pousse-rapière de tous poils mais il est doté d'un 6ème et d'un 7ème sens qui le rendent invincible et qui lui permettent mille fois d'échapper à la mort ! Autant dire qu'on n'y croit pas beaucoup. Si on ajoute à tout cela le fait que la narration est décousue, fastidieuse (le lecteur est aux prises avec une tranche de la vie de Tancrède qui va de ses exploits guerriers jusqu'à son retrait de la vie militaire et son mariage avec la splendide Marion de Neuville) et qu'on se noie dans une succession de situations enchevêtrées (chaque chapitre est l'occasion de dépeindre les aventures d'un des nombreux personnages de cette fresque), parfois incroyables et sans intérêt majeur …
Bon, le scénario est un peu faible, l'écriture et le style manquent de recherche et pèchent par leur excès de simplicité, il n'y a pas de réelle addictivité (on se sent obligé de poursuivre sa lecture avec une envie régulière, celle de poser le livre qui compte 477 pages), le suspense est moyen (certains diront que tout est téléphoné et cousu de fil blanc !), l'action est inégalement présente, tantôt molle (d'aucuns diraient que ça lambine !) et tantôt frénétique, les personnages sont trop tranchés (bons et incroyablement bons ou méchants et incroyablement féroces et sadiques), le délire et le fantastique sont omniprésents jusqu'à déranger le lecteur et … que dire de l'horreur (page 119, quand von Ploetzen fait égorger des enfants afin de prendre un bain de sang frais), toute gratuite, qui jalonne l'ouvrage ?
Alors, faut-il jeter l'ouvrage aux orties ? Non point.
Frédéric H. Fajardie, avec ce souci du détail et de la précision qui le caractérise, nous fait toucher du doigt les costumes, les moeurs, les lieux, le parler, les stratégies militaires, les habitudes alimentaires, les us et coutumes du siècle de
Louis XIV en se mettant à portée de « l'homme de la rue » : il s'agit d'une pédagogie populaire et appréciable. En outre, «
Le conseil des troubles » pourra contenter ici et là nombre de lecteurs, soit par sa poésie (page 365 « l'amour est une serrure de sable qu'on ouvre avec une clef d'écume », par son suspense (lisez le chapitre 5 lorsque le frère Antonio rencontre trois soldats envoyés par Victor Amédée II), par l'usage de la dérision et de l'humour (page 34 « Pardonne-leur Seigneur, ils ne savaient pas à qui ils s'attaquaient »), par la peinture des sentiments (page 115 « sa prunelle semblait égarée, telle qu'on l'imagine pour les yeux d'une biche affolée »), par le côté truculent de certains personnages (voyez page 252 la façon dont le Vicomte Plessis-Quenouille est enrôlé), par le ridicule de certaines situations (voyez page 283 comment en plein brouillard et de nuit Tancrède arrive à lire sur les lèvres d'ennemis placés à 50 mètres de lui) et par les touches d'érotisme qui émaille l'ouvrage (page 378 « Nue, elle allait de long en large en se déhanchant en montrant ses formes généreuses sous le jour le plus avantageux »).
Frédéric H. Fajardie avait la nostalgie du code de l'honneur de l'ancienne chevalerie et de sa légendaire fierté. Il avait la nostalgie du dévouement, pour ne pas dire de l'aveuglement, dont pouvaient faire preuve les hommes envers leur chef comme envers leur Roi. Il avait la nostalgie d'une époque révolue : n'a-t-il pas dit « La nostalgie est un élément consubstantiel à ma nature » ? Son ouvrage, «
Le conseil des troubles », en porte la marque évidente.