Pedro et Marques, magasiniers dans un supermarché du sud de Porto Alegre, vivotent de leurs salaires misérables et de leurs combines au sein de leur lieu de travail. Mais ils veulent plus : Pedro, dans un idéal de grand lecteur qui baigne dans la littérature classique, politique, de Marx notamment, obsédé par la lutte des classes et les inégalités sociales ; Marques, dans une nécessité plus pragmatique de pouvoir nourrir un deuxième enfant à venir.
Et c'est Pedro, suivi par son collègue et ami, ainsi que par des membres de leurs familles, qui insufflera, forcément, l'idée d'un business dans le haschich pour combler la demande présente dans leur quartier, alors que les gros trafiquants ont délaissé la drogue douce pour vendre à plus grande échelle, et pour plus de profit, cocaïne, héroïne, crack, méthamphétamine.
Ce qui devait leur permettre de vivre plus dignement, plus sereinement, en complément de leurs salaires de magasiniers, va les mener, sans grande surprise, vers la démesure, l'appât du gain, au détriment de la mécanique bien huilée de leur business qui ne devait être qu'éphémère.
Roman protéiforme, qui a tant du roman noir que du roman social, en passant par le roman d'apprentissage dans la violence et dans le sang, supermarché nous dépeint avec une certaine acuité, dans une acmé tragique, pessimiste, mais allant finalement de soi, la situation des favelas brésiliennes, et les choix qui s'offrent à ses habitants, entre survie dans la légalité, et opulence, mais risque, dans l'illégalité.
Les personnages, bien campés, assez attachants, surtout Pedro et Marques, ont quelque chose du picaresque dans leurs faits, gestes et dialogues, ce qui vient donner un peu de légèreté à toute la gravité ambiante du sujet, sans pour autant oublier de nous proposer un regard mordant et engagé sur la situation sociale actuelle d'une bonne partie de la population brésilienne. C'est sans compter, aussi, sur la plume spontanée, particulièrement vivante, de
José Falero, qui fait souvent mouche pour nous emmener avec lui dans cet univers.
Une découverte, en somme, que j'ai franchement appréciée.