A mon sens, ce roman devrait faire partie du programme obligatoire. Je n'aime pas le concept d'obligation en ce qui concerne la culture. Pourtant, quand je vois le tournant que prend le monde, je me dis qu'on a raté quelque chose. On a peut-être mal enseigné
L Histoire. On a peut-être pris pour acquis que « plus jamais ça », et qu'il était impossible que des jours comme ceux de 1933-1945 remontent à la surface. On s'est trompé. On ne devrait jamais rien prendre pour acquis. Je sais qu'ici même, sur Babelio, de nombreux lecteurs et lectrices ne partageront pas mon point de vue, seraient prompts à me jeter que nos démocraties ne valent pas un clou et que les régimes autoritaires ont des qualités, et que ce « on » ne désigne que d'insupportables bobos dans mon genre.
Le 3ème Reich, comme tout régime autoritaire, récompense ses nervis, pille les ressources (matérielles et biologiques) et assure sa survie par une terreur froide et implacable. Il récompense les médiocres et les psychopathes, éteint toute forme de pensée, de réflexion et de remise en question par une brutalité barbare. Sous des apparats de droit, ces régimes cultivent en réalité le non-droit.
Lorsqu'on pense au Troisième Reich, viennent d'abord en tête les images de la guerre, la campagne de France, l'opération Barbarossa, le 6 juin, le drapeau soviet flottant sur le Reichstag. Pourtant, avant cela, il y a d'abord eu la main mise sur tout un peuple, la mise sous silence des contestations, l'achat de la paix sociale par les camps, les exécutions de masse, les récompenses distribuées aux plus lâches et aux plus ignobles. Il est trop facile, rétrospectivement, de juger un peuple. Trop facile de les imaginer tous coupables ou à l'inverse, tous victimes. Une majorité d'Allemands se sont pourtant fourvoyés. Cela ne s'est pas fait par magie ou parce que ces gens étaient idiots. Il y eut une concordance d'évènements et surtout un long travail de sape idéologique.
Il est difficile d'imaginer comment une bande de psychopathes a pu régner de cette manière et mener un pays de plus de 60 millions d'habitants au seuil de la destruction totale.
Pourtant, c'est arrivé.
Ce roman a le mérite précieux de nous raconter comment cela arrive. Comment tout un peuple peut se retrouver sous l'emprise de ses dirigeants, et comment le moindre geste, même le plus anodin, peut vous mener à la torture puis à la mort. Indispensable et précieux.