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Citations sur Le Hameau (10)

(…) à nouveau, il regarda la nuit émerger des bas-fonds, monter à travers le maïs piqué, s’emparer du maïs, de la maison elle-même, enfin, montant toujours, devenir comme deux paumes ouvertes vers le ciel, lâchant vers l’ouest le dernier oiseau du soir. Au-dessous de lui, au-delà du maïs, les lucioles, emportées par le vent, venaient se jeter contre le mur des ténèbres. Plus loin, dans l’obscurité même, le coassement régulier des grenouilles semblait le pouls régulier, le battement du cœur sombre de la nuit, de sorte que lorsque enfin le moment invariable vint — aussi invariable d’un crépuscule à l’autre que le moment de l’après-midi où il s’éveillait — le battement de ce cœur sembla s’arrêter aussi, vidant le silence pour l’emplir de ce premier cri de tristesse, fort, irrépressible. Il étendit la main et prit son fusil.

(p. 336-337)
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Il se lève. Le fond de la vallée est plein de lucioles errantes. Il ne reste que l’orgueilleuse et solitaire étoile du soir, mais presque tout de suite les constellations se mettent en marche et commencent à tourner. Blonde aussi parmi les dernières lueurs du jour, la vache n’a plus de dimensions dans l’herbe blafarde, elle-même sans dimension. Mais elle est là, concrète au milieu de la terre abstraite. Il marche légèrement, en revenant, foulant légèrement cette voûte fragile inextricable du sommeil souterrain — Hélène, les évêques, les rois et les séraphins damnés. Quand il arrive à la vache, elle a déjà commencé à se coucher, d’abord l’avant-train, puis l’arrière-train, se baissant en deux mouvements distincts dans le flot écoulé du soir, retournant se nicher dans le nid du sommeil, le parfum de ses mamelles. Ils se couchent côte à côte.

(p. 274)
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Chassée enfin par la négresse ou pas sa mère, une moitié de son biscuit dans la main, et la figure pas encore lavée, elle semblait dans le somptueux déshabillé de ses cheveux dénoués et de ses vêtements négligés, pas toujours propres, qu'elle avait ramassés en hâte entre son lit et la table de la cuisine, avoir été arrachée à une couche d'amour illicite par un raid de police.
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Il avait quatorze ans quand il entra à l’école. Il n’était pas sauvage, mais seulement non dressé, pas tellement vif que possédé du violent désir, non pas de vivre, pas même de mouvement, mais de cette immobilité sans chaînes qu’on appelle la liberté. Il n’était pas contre l’étude, mais contre le confinement, l’enrégimentement qu’elle impliquait.

(p. 303)
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L’aurore est maintenant terminée. C’est le jour nu et cru. Le soleil est monté haut dans le ciel. L’air est encore plein du chant des oiseaux, mais leurs cris ne sont plus ces chœurs mystérieux, strophe et antistrophe, s’élevant verticalement des autels feuillus, mais vont parallèles à la terre, rayant l’air latéralement, accompagnement mouvementé et prosaïque de la prosaïque recherche de la nourriture.

(p. 269-270)
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Il fuyait non pas son passé, mais son avenir. Il lui fallut douze années pour apprendre qu’on ne peut échapper ni à l’un ni à l’autre.

(p. 310-311)
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Plus tard, il lui sembla que la première chose qu’il avait vue en entrant dans la salle de classe était cette tête penchée, modeste, naturellement brune, aux cheveux tirés. Plus tard encore, après avoir cru qu’il y avait échappé, il lui sembla qu’elle s’était toujours trouvée dans sa vie, même durant ces cinq années entre sa propre naissance et la sienne ; et ce n’est pas qu’elle eût essayé d’exister d’une certaine manière pendant ces cinq années, mais c’est que lui-même n’avait commencé à exister qu’à la naissance de cette fille, tous deux étant liés irrévocablement à partir de cette heure et pour toujours, non par l’amour, mais par une fidélité implacable et un refus invincible : d’un côté une volonté ferme, inébranlable de changer, améliorer et remodeler, de l’autre côté cette résistance furieuse.

(p. 304)
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À l’odeur, il retrouve le panier, l’enlève de la branche et le pose devant la vache. Elle fourre son museau dedans, mêlant le souffle de sa douce haleine à l’odeur douceâtre du fourrage, au point que les deux se confondent avec celle du lait qu’il est urgent de traire, et qui coule sur ses doigts, ses mains, ses poignets, chaud, indivisible comme le sang divin de la vie éternelle même, qui se renouvelle de lui-même. Puis il laisse l’invisible panier là où il peut le retrouver à l’aurore et s’en va vers la source. Maintenant, il peut voir clair de nouveau. De nouveau sa tête brouille, puis rétablit, quand il la brise en buvant, sa propre image renversée, noyée et estompée. C’est le puits des jours, l’ouverture calme et insatiable de la terre. Tranquille paradoxe, elle tient en suspens le précipité de l’aurore, de midi et du coucher du soleil, hier, aujourd’hui et demain — les semences d’étoiles et leurs hiéroglyphes, l’orgueilleuse rose blanche qui meurt et la gradation invincible et rapide qui se termine, ralentie, dans l’extase royale de midi.

(p. 273)
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Il y avait une Eula, qui fournissait du sang et de la nourriture aux fesses, aux jambes, à la poitrine, et il y avait l’autre Eula qui ne faisait que les habiter, qui allait où ils allaient, parce que c’était moins fatigant de les suivre, qui se sentait à l’aise là, mais qui ne voulait pas se mêler de ce qu’ils faisaient, comme vous habitez une maison que vous n’avez pas fait bâtir, mais où le mobilier est en place et le loyer payé.

(p. 150)
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Il remarque alors le retour de ce qu’il a découvert pour la première fois trois jours auparavant : que l’aurore, la lumière, ne vient pas du ciel sur la terre mais est produite par la terre elle-même, comme si elle soupirait. Sous la voûte tissée par les racines aveugles des herbes et des arbres, dans les ténèbres aveugles des dépôts vaseux et des riches détritus du temps, dans le royaume des vers anonymes et toujours en appétit et dans l’inextricable enchevêtrement des os connus — ceux d’Hélène de Troie et des nymphes, des évêques mitrés ronflant, des sauveurs, des victimes et des rois — l’aurore s’éveille, s’infiltre vers la surface, se fraie un passage à travers d’innombrables canaux rampants (…) puis, s’aventurant plus haut, rampe le long des troncs aux écorces ridées, le long des branches, d’où, soudain, plus forte, de feuille en feuille, et se dispersant avec une soudaine rapidité, mélodieuse de toutes les gorges ailées et rutilantes, elle éclate dans l’air et emplit le néant terrestre de la nuit d’un coup de tonnerre couleur jonquille.

(p. 266-267)
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