AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,69

sur 281 notes
5
22 avis
4
40 avis
3
18 avis
2
7 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Merci aux 68 premières fois qui me permettent de découvrir ce superbe roman d'Emmanuelle Favier, Le Courage qu'il faut aux rivières…

Ce roman porte en filigrane les codes traditionnels encore en vigueur dans certaines régions de l'Europe balkanique, Albanie et Kosovo surtout ; ces Kanun, liés aux traditions, sont une sorte de droit coutumier pour les tribus qui remonterait au XVème siècle.
Dans les Balkans, en Albanie notamment, les vierges jurées sont des femmes qui, socialement, deviennent des hommes ; tenues en haute estime, elles ont alors accès aux prérogatives masculines comme fumer, boire de l'alcool, mener les troupeaux, utiliser les fusils et négocier les conflits familiaux. En contrepartie, elles sont soumises à l'obligation de chasteté. Quand des familles n'ont pas assez d'hommes pour s'occuper des tâches qui leur sont normalement dévolues, des femmes peuvent alors assumer des fonctions masculines.
C'est toute la construction du genre qui est ainsi questionnée par Emmanuelle Favier ; pour reprendre une citation de Tahar Ben Jelloun citée en épigraphe de la troisième partie, « être femme est une infirmité naturelle […], être homme est une illusion et une violence […], être tout simplement est un défi ».
L'auteure nous livre dans son livre trois magnifiques portraits majeurs de femmes : la vierge jurée, la fille reniée et transformée, la fille née du viol de sa mère… Ces femmes vont en croiser d'autres, plus rapidement esquissées mais tout aussi superbement évoquées : prostituées, femme en mal d'enfant, épouses et mères… les destins vont se croiser, se séparer, se retrouver.
Faces à elles, le monde des hommes est bien sombre : ivrognes et chasseurs brutaux, pères autoritaires, proxénètes sans scrupules…, société masculine fortes de traditions et d'impunités. Quelques personnages cependant forcent l'admiration et le respect : un déménageur poète, un adolescent rêveur et aventureux, un chef de village ouvert à la culpabilité…

Dans ce roman, Emmanuelle Favier jongle donc entre archaïsme et monde contemporain, baladant le lecteur dans un entre-deux à la fois très concret et très poétique. L'écriture est belle, la langue est soutenue, le vocabulaire recherché… Ceux qui, comme moi, sont sensibles à « comment c'est écrit » seront comblés.
Le noeud thématique et métaphorique des rivières m'a touchée, ces « rivières qui pour former l'étendue [continuent] de braver la roche, le gel et la sècheresse », ces rivières dont les femmes partagent le courage, rivières allégoriques de sang et de lait mêlées… J'y ai lu un rappel du mythe d'Ophélie, fantasme féminin lié à la nature, à la virginité et à sa perte, victime sacrifiée et sanctifiée, femme au statut ambigu qui ne peut pas être mère… Je ne peux pas aller trop loin dans cette analyse pour ne pas risquer de divulguer trop avant dans la trame narrative mais il y a vraiment quelque chose à creuser dans la façon originale dont Emmanuelle Favier s'approprie et reprend ce mythe littéraire, dans une notion d'universalité et d'éternité, dans une temporalité floue, à la fois proche de nous et suffisamment imprécise pour faire autorité.

Pour moi, ce roman est un coup de coeur, un de ces livres qui me font dire « merci » quand je le referme.
Merci Emmanuelle Favier.
Commenter  J’apprécie          323
S'inspirant des 'Vierges jurées' de l'Albanie profonde, Emmanuelle Favier construit habilement et dans une très belle écriture la rencontre pleine de tendresse de deux jeunes filles ayant subi ou désiré endosser le statut d'homme. Mais, dans un pays oú demeurent les codes d'honneur et les dettes de sang, les pires chatiments menacent celles qui rompent leurs voeux de chasteté.
Commenter  J’apprécie          260
Un très beau premier roman à l'atmosphère singulière, envoûtante, et à la plume magnifique, à la fois précise et poétique.
L'histoire est celle de femmes fortes aux prises avec leur destin, leur identité, et la culture dans laquelle elles ont grandi.
Le récit entremêle les points de vue et les périodes avec habileté, tout s'enchaînant harmonieusement.
L'environnement naturel balkanique est superbement décrit, fait de montagnes enneigées et lacs et rivières aux eaux limpides.
L'épilogue est réussi avec notamment une scène symbolique forte en émotions.
Le titre est superbe, tout comme l'image de couverture, et bien choisi.
L'écriture est tantôt sèche tantôt lyrique, et donne de la puissance au récit.
Ce livre est une vraie réussite pour un réel talent et un grand plaisir de lecture.
Commenter  J’apprécie          170
C'est le titre qui m'a d'abord attirée : Le courage qu'il faut aux rivières, un début de texte qui porte en soi une invitation au voyage. Et c'est bien d'un voyage littéraire dont il s'agit.
Au gré d'une écriture finement ciselée et d'un rythme souple qui me ravissaient, j'ai découvert un univers de la condition féminine bien peu abordé. Celui de femmes d'un pays d'Europe qui, pour diverses raisons, abandonnent sous serment leur féminité et à cette condition, obtiennent de vivre "comme un homme" et de jouir de leurs privilèges.
Mais ce n'est là qu'une facette du livre. Ce qui se brode sur ce thème, c'est aussi l'espace, le temps, la confrontation d'univers ancestraux et modernes, la représentation des modèles patriarcaux. Dans cette trame, se tissent les fils du droit coutumier ; les obligations de mariage ; le désir furieux d'engendrer un fils et malgré une apparente confusion des genres acceptée par la tradition, les amours interdites. Car ce qui se joue là, c'est bien la perpétuation d'une organisation familiale et sociale bâtie sur la prédominance du statut masculin, affaibli mais encore prégnant. Au coeur des traditions séculaires d'un pays en transformation, la vendetta ravage les familles et borne l'avenir des individus soumis.
J'ai retrouvé dans ce livre étrange et beau l'émoi littéraire que je ressens à explorer un lieu, un temps ; à découvrir ou redécouvrir des mots rares de ma langue maternelle, vecteurs qui précisent l'action, le ressenti, l'émotion.
Un livre que je recommande, tant pour le sujet inédit que pour la découverte d'un prometteur premier roman et de son auteure.
Lien : http://webdoc.france24.com/d..
Commenter  J’apprécie          160
Cette histoire semble surgir du fond des âges, d'une société primitive, à peine parvenue à un degré minimal de civilisation.
Pourtant, nous sommes au XXième siècle, dans le Nord-Est de l'Albanie. Mais cela, nous l'apprendrons seulement en lisant les lignes d'Emmanuelle Favier à la fin de son tout premier roman. En découvrant la quête qu'elle aura dû mener au sujet de cette tradition extraordinaire des « vierges jurées » d'Albanie, ou le destin si particulier de ces femmes qui, pour des raisons familiales, sociales, sentimentales parfois, ont renoncé à leur condition de femme et endossé des vêtements d'homme lors d' un serment accompagné d'un rituel où se mêlent le sang (symbole de virilité) et le lait (de féminité) : elles ne transmettront pas ce lait si faible qui coule dans leurs veines, cette faiblesse inhérente à la condition de femme.
Pourquoi ? Parce qu'elles ont la charge de jouer le rôle du garçon dans une famille où il n'y a que des filles et épargner la honte à leurs parents ; parce qu'aucune fille ne pouvant recevoir et transmettre le patrimoine, ce sera à ce faux-garçon de le faire ; parce que, parfois, c'est la seule échappatoire à un mariage arrangé odieux. Parce que nous sommes dans une société patriarcale où il ne fait pas forcément bon d'être une femme. Également parce que les hommes finissent par faire défaut dans cette société où on lave dans le sang la moindre offense. Alors, aux « vierges jurées » de les remplacer pour maintenir l'équilibre social ! Tel est le droit coutumier dans cette région.

Les deux personnages principaux de ce roman sont donc deux femmes : Manushe la « vierge jurée », et Adrian, jeune homme étranger un jour survenu au village qui l'accueille dans le respect de la tradition : tout étranger est un hôte sacré auquel tout un chacun doit montrer la plus grande considération.
Et nous allons découvrir les secrets qui se cachent dans la vie d'Adrian et cette relation sensuelle et intime qui va se nouer entre les deux personnages. le roman foisonne de notations sensorielles, d'observations précises et poétiques à la fois des paysages somptueux qu'offrent les Balkans, d'évocations à la manière d'un peintre paysagiste qui entourent cet amour de beauté, de douceur et d'un charme sensuel infini. Rien de mièvre pourtant dans cette histoire contée en une langue travaillée et fluide à la fois.
Ce livre est une petite merveille de sensibilité, de justesse du regard sur un sujet - celui du genre - à la fois dans l'air du temps et périlleux. Emmanuelle Favier, blogueuse et critique littéraire sur Médiapart par ailleurs, nous offre là quelques heures de pure grâce.
Un très beau premier roman, lu dans le cadre des 68 1ères fois.
Commenter  J’apprécie          132
Alors que Virginia, d'Emmanuelle Favier, m'avait complètement charmée, il me fallait découvrir son premier roman.
Et j'ai retrouvé l'écriture poétique et aérienne d'Emmanuelle.
Quel bonheur, quel pied.
J'en veux encore.
La plume de l'autrice me manque déjà terriblement. Mais je suis heureuse de savoir qu'elle est jeune, qu'elle continuera d'écrire de tels diamants littéraires encore longtemps.
Elle a eu l'audace, comme le précise Télérama, d'aborder le sujet de ces femmes vierges jurées d'Albanie, devenues hommes, pour atteindre leur liberté.
L'histoire est cruelle et pourtant de toute beauté.
Les genres se mélangent, les corps s'interrogent. Et les mots ont mis en transe ma sensibilité de lectrice.
Merci, Emmanuelle...
Commenter  J’apprécie          110
Il est des livres qui vous étonnent, vous fascinent, vous emportent. Il est des livres singuliers, entre rêve et réalité, entre musique et poésie, entre passé et présent, nature et urbanité. Il est des livres pour lesquels une chronique me semble superflue, des livres qui me feraient seulement crier "waouh !", ne pas chercher d'arguments, ne pas donner d'explications, seulement dire : j'ai aimé. "Le courage qu'il faut aux rivières", premier roman d'Emmanuelle Favier est, pour ce qui me concerne, de ceux-là.

Et un 5 étoiles de plus !

Je me suis totalement laissée glisser dans l'histoire de Manushe. Elle vit dans un petit village des Balkans et fait partie de ces albanaises qui, pour différentes raisons, ont fait une croix sur leur vie de femmes et acquis les droits des hommes. On les appelle les "vierges jurées". Mais l'arrivée d'Adrian, étranger mystérieux, va changer les choses.

Ce roman avait tout pour me plaire : des personnages envoutants, une écriture flamboyante au rythme ondoyant tel le ressac d'une mer tranquille, une narration proche de celle d'un conte qui mêle les lieux, les genres, les gens, les choses. le déroulement en est nerveux, sinueux qui raconte avec fièvre le destin de femmes et d'hommes avec originalité. Les mots se mélangent qui passent d'une simplicité rare à une excentricité peu commune. L'auteur donne à son texte une force incroyable, aux forêts et rivières une beauté ésotérique, aux protagonistes une grandeur d'âme insolite.
Je n'ai pas lâché cet ouvrage dont la trame s'accélère petit à petit. J'ai été peu à peu entraînée vers le fond, le fond de la rivière, le fond des forêts, le fond de l'histoire de ces femmes qui cherchent leur identité, le fond de leur vie de leurs amours "Les gestes de l'homme étaient sans impatience. Ils étaient ceux d'un artisan, à la fois doux et maîtrisés. Sous lui, elle ne sentit d'abord que le froid, et l'obscurité, et l'absence de paroles. Puis autre chose vint qui l'ouvrit totalement. Toute la forêt s'était retranchée dans sa chair, condensé de terre brute où se répandaient le monde et ses fureurs. Jetant un cri dans l'humus, elle éteignit le mode et ses dernières clartés." le fond des temps.
J'ai tant aimé les ombres, les couleurs sombres parfois effleurées de lumière, tant aimé le côté baroque, la fantasmagorie parfois présente, que s'il faut du courage aux rivières pour rejoindre la mer, il ne m'en fallut aucun pour terminer le livre.

Ce ne fut que plaisir

Lien : https://memo-emoi.fr
Commenter  J’apprécie          110
Une petite pépite!! "Elles ont fait le serment de renoncer à leur condition de femme. En contrepartie, elles ont acquis les droits que la tradition réserve depuis toujours aux hommes : travailler, décider, posséder" . Ce premier roman met en lumière l'histoire des des "vierges jurées" en Albanie.
Commenter  J’apprécie          90
Manushe vit dans un village isolé d'un pays balkanique. Née femme, elle vit et s'habille comme un homme. A 17 ans, en faisant le serment de rester vierge, elle a acquis les droits et devoirs que la tradition réserve aux mâles. Mais l'arrivée au village d'Adrian rappelle brutalement Manushe à sa féminité.
Une belle découverte grâce à ma libraire
. Découverte littéraire qui m'a un peu prise au dépourvu dans le sens de l'écriture qui est très élaborée (bon j'ai découvert certains mots de la langue française) et j'ignorais (en vérité suis une grande ignare) qu'il existait, dans certaines communautés, du côté des Balkans, des « vierges jurées ».
L'histoire, romancée, de ces « femmes » est en vérité très surprenante, fascinante et originale. On peine à croire qu'au 21ème siècle de telles coutumes existent encore. C'est un roman noir comme je les aime avec cette petite part de lumière qui brille, là, tout près. Mis à part cette écriture qui m'a un peu déroutée, je pense que c'est un livre que je n'oublierai pas de sitôt.
Il n'est pas étonnant que ce roman est réçu le Coup de coeur des lycéens 2018 (Fondation Prince Pierre de Monaco) et aussi le Prix Lire en poche de littérature française 2019
Une auteur que je vais suivre dorénavant.

Lien : https://collectifpolar.com/
Commenter  J’apprécie          80
Il y a tout ce que j'aime dans ce roman : le côté historique et ethnologique, la découverte de personnages et de caractères entiers, d'un pays exotique au sens premier du terme, c'est-à-dire si différent du nôtre, une description pleine de sensibilité de la nature et des paysages, de la ville également, ainsi qu'un côté enchanteur, en lien avec la nature, que j'apprécie toujours. le récit est par ailleurs servi par le talent de conteuse et de poète de l'auteur qui donne une dimension captivante à cette histoire si singulière.

Emmanuelle Favier nous parle d'abord des femmes et de leur place dans la société, qui ne sera jamais totalement celle des hommes, même lorsqu'elles font le serment d'en devenir un. Manushe est la première de ces "vierges jurées" que nous croisons dans ce roman, solide et intégrée, mais que son statut rend plus fragile que les autres à la venue de l'inconnu, en la personne de Adrian. Après Manushe, qui est devenue homme par "choix" (si on peut assimiler le refus de la soumission à un véritable choix), nous rencontrons une femme qu'un père a transformé en homme, pour ne pas avoir à afficher à la communauté qu'il n'avait pas eu de fils. Puis, au milieu de ces coutumes venues d'autres siècles, nous partageons le combat d'une jeune fille qui lutte pour exister en tant que femme et se construire une histoire familiale dans un pays à ce point marqué par des traditions qui laissent si peu de place aux femmes.

Ces trois portraits mêlent une réalité ancrée dans un présent très contemporain et le poids des traditions qui faisant douter à chaque instant de cette même contemporanéité. Associé au fait que le pays dont il est question n'est jamais expressément cité et que la nature est discrètement sublimée, ce sentiment d'incertitude se patine de merveilleux.

Un premier roman très réussi et une auteure à suivre.
Lien : https://itzamna-librairie.bl..
Commenter  J’apprécie          70




Lecteurs (529) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5275 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}