La nuit était douce et bleue en ce début de dixième mois. A travers le balancement des stores ornés de phénix, il voyait la lune berçait son reflet dans le Grand Lac de l'Ouest. La-bas, sur l'autre rive, s’étendaient la jungle de bambous et d'arbres enchevêtrés, les sombres forets de Lim : domaines de tigres et des panthères, des crocodiles et des iguanes. Tout naturellement il y associa les bandits rebelles qui, dans les montagnes du Nghe An, faisaient d’épouvantables ravages avant de se retirer au fond de leurs repères inexpugnables. Sans cesse les troupes du général Lu-Yi devaient les combattre non sans essuyer depuis quelques temps de cuisantes défaites. Cette situation au sud du pays lui était aussi douloureuse qu'un clou dans l’œil. Mais ce soir, au diable ces rebelles et les vaines tentatives en direction de ce buffle entêté de Nguyen Trai, le Grand Intendant se sentait en accord avec ces vers de Li T'ai Po :
L'homme n'est satisfait que s'il épuise tous les plaisirs de l'heure.
Ne laissez donc pas vide le gobelet doré face a la lune !
Le Ciel m'a comblé de dons, il faut les employer ;
Si je jette au vent mille onces d'or, il m'en reviendra d'autres !
Citation de Nguyên Trai : rallier le peuple à soi demande humanité et justice.