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4,11

sur 3434 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
A mon grand désespoir, j'ai achevé ce matin le dernier volume de L'Amie Prodigieuse. En VO, car les deux derniers volumes restent encore à traduire malgré le succès énorme des deux premiers : que font les éditeurs?

Toujours est-il que, VO ou pas, ça y est: je quitte Lila et Lénù, devenues vieilles et nettement moins fusionnelles. Je me sens vraiment orpheline...

Je l'ai bien cherché, d'ailleurs: impossible de lâcher ce livre formidable, qui ferme la boucle sans éclaircir tous les mystères, sans révéler tous les non-dits, sans résoudre toutes les ambiguïtés. Riche, plein, sincère, complexe et débordant de VIES , au pluriel, tant cette saga, si elle met en évidence deux femmes surtout, fait aussi la part belle aux autres personnages, criants de vérité et souvent bouleversants. Oui, le dernier volume est le digne couronnement des trois précédents: l'épisode fondateur des poupées perdues, jetées dans la cave du redoutable Don Achille, le maffieux du coin, par deux petites filles, la blonde Lénù et la brune Lila, fondant ainsi leur amitié et leur complicité, trouve enfin dans ce dernier volume tout son sens, et une sorte de réponse ténébreuse mais ouverte...

Ce volume est sous le signe de la perte- la bambina perduta est son titre italien- Il est donc moins solaire, moins débordant de sève et d'audace que les précédents.

Perte des illusions, d'abord: l'amour de Lenù pour le beau Nino Sarratore s'avère une sérieuse perte de temps et d'énergie pour un personnage de séducteur opportuniste qui aura néanmoins réussi le tour de force d'être le grand amour successif des deux amies, si parfaitement décevant à force d'avoir été fantasmé par l'une et par l'autre.

Perte des convictions ensuite: les "années de plomb" italiennes ont fait autant de ravages dans les consciences que dans les vies humaines. la gauche italienne sort de cette lutte contre fascistes et démocrates chrétiens corrompus, laminée et divisée, culpabilisée par les assassinats et enlèvements politiques des brigades rouges dont elle ne peut plus soutenir les exactions. Les "repentis" dénoncent pour s'en sortir à bon compte, les socialistes reprennent les vieilles pratiques clientélistes des démocrates chrétiens...Qui croire? Qui suivre? L'heure des destins collectifs est révolue: place aux individualismes, plus ou moins inspirés.

Perte des attaches, perte de la conscience de classe : les classes populaires du "rione", ce quartier napolitain gangrené par la maffia locale, incarnée par les frères Solara, ne rêve plus que réussite sociale, professionnelle, mais passer par la case culture et éducation est le privilège de quelques intellectuels, comme Lénù, qui ont su nouer des liens avec la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes- Turin, Milan, Rome- : les autres, comme Lila, se lancent dans la toute nouvelle informatique, ou se résignent à demander l'appui des Solara et à dealer de l'héroïne dans les jardins publics..

Perte des proches : morts violentes, cancers, infarctus, suicides, tout ce petit monde si grouillant de vie s'émiette sous les assauts conjugués du temps, de la malchance, de la violence qui monte..Et par-dessus tout, perte par escamotage, par disparition de ce qu'on a de plus cher, de plus tendrement vivant, de ce qui est promesse d' avenir: un enfant...

Perte des repères : les liens filiaux, conjugaux, amicaux se distendent, se rompent, se brouillent..Lénù perd sa mère, la terrible Immacolata, boîteuse et vindicative, qu'elle avait fuie si jeune, renoue avec elle, et découvre, face à la mort, leur puissant attachement l'une pour l'autre. Les certitudes s'ébranlent: Pietro était un mari maladroit et défaillant, mais c'est un père très honorable, Nino, lui, n'est décidément ni bon père, ni bon compagnon, Enzo le taiseux quand il parle enfin dit des choses puissantes et profondes qui dévoilent sa perspicacité et sa solidarité à l'égard de Lila, mais surtout: qui est l'amie géniale? Lenù, qui écrit, qui réussit, qui voyage, qui assume son indépendance? Ou Lila qui est cette agitatrice d'esprits qui a marqué tout le monde mais ne veut rien pour elle-même, qui révolutionne tout sans bouger d'un pouce de son éternel "rione" ?

Perte de la propriété de l'écriture aussi: qui écrit vraiment le roman que nous lisons? Lénù qui l'imagine tel que Lila l'aurait écrit, qui le signe et en récolte l'amère victoire, payée très cher? ou Lila qui sans doute tente de l'écrire en cachette mais ne pardonne pas à son amie de livrer leur vie en pâture au public en trahissant, par des artifices littéraires, l'exigence de vérité et de sincérité qu'elle met dans tout écrit, elle qui n'a pas dépassé les études primaires?

Livre-somme, puissant et bouleversant, La Bambina Perduta resserre et noue les fils épars dans les autres volumes, mais sans artifice, sans forcer le sens: ce qui est sans réponse, le reste, comme dans la vie, ce qui est béant aussi, comme ce Vasto napolitain, avec son sous-sol truffé de galeries mystérieuses, comme la bouche fumante du Vésuve, toujours prête à vomir flammes et laves, ou dans un "terremoto" effrayant, à ébranler le sol ...et nos certitudes!

J'ai ADORE cette saga, entre récit, autobiographie et essai, et je rêve de la relire très vite, dès que tous les volumes seront traduits en français.

Un très grand moment de lecture, et que, pour ma part, j'aurais encore aimé plus long, tant il regorge de personnages bien campés et de trajectoires attachantes, tant il sait rendre sensible le Temps, dans le microcosme d'un "rione" napolitain, au coeur d'une Italie en pleine mutation politique et économique..
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Et voilà ! Je suis arrivé au bout de l'aventure mais bien d'autres l'ont fait avant moi. J'y suis allé pas à pas, progressivement, laissant du temps entre chacun des quatre volumes mais je suis heureux car le régal a été complet, de tout en bout, grâce au talent d'une autrice disant s'appeler Elena Ferrante.

L'amie prodigieuse (Le nouveau nom ; Celle qui fuit et celle qui reste) m'a permis une belle aventure littéraire et c'est le principal.
Le titre du quatrième volume, le plus long, s'intitule L'enfant perdue, ce qui annonce un drame qui va bouleverser la vie des deux amies : Elena Greco (Lenuccia ou Lenù) et Raffaella Cerullo (Lila ou Lina), la première étant la narratrice.
Revoilà Nino Sarratore au centre des deux tiers de ce quatrième volume, ce Nino qui séduit, enchante les femmes, grand amour de Lenù adolescente, amour qui lui a échappé car Lila avait mis le grappin dessus. Hélas, Nino est déjà marié, père de deux enfants, au moins, avec des femmes différentes et, malgré toutes ses contorsions et ses mensonges, ne quitte pas Eleonora, son épouse pour Lenù.
Celle-ci, justement, fait de grands sacrifices et cela devient très orageux avec Pietro, son mari, ainsi qu'avec sa belle-famille. Dede et Elsa, ses filles, profitent puis souffrent de ces déchirements. Si l'action se déplace entre Gênes et Milan, c'est surtout Naples qui est au centre du livre. L'autrice nous en révèle bien des aspects, une évolution dont les trafics sont symbolisés par les frères Solara, trafic qui basculent vite vers la drogue mais, pour cela, il vaut mieux lire Roberto Saviano.
Lenù est écrivaine et nous suivons l'évolution de sa carrière. Elena Ferrante ne cache aucun des problèmes que pose ce métier à une femme, en Italie. le rôle de la presse est bien montré, comme la jalousie qui émerge dans l'entourage, dans le quartier où vit celle qui tente de publier ses livres.
Les drames sont inévitables comme la maladie qui frappe les êtres chers. Enfin, la fameuse disparition des poupées de Lenù et Lila, racontée dans le premier tome, redevient d'actualité, sur la fin.
Avec Nino et Pasquale, la vie politique italienne est bien suivie et cela permet de suivre son évolution permettant de comprendre ce qui se passe actuellement de l'autre côté des Alpes. La corruption discrédite ceux qui avancent les plus belles idées et fait le lit de l'extrême-droite.
Si Lenù quitte Naples en 1995, pour Turin, alors que Lila se passionne pour l'histoire de sa ville et les détails qu'elle livre donnent envie de connaître plus avant cette ville, au pied du Vésuve.
La formidable épopée de L'amie prodigieuse est terminée, épopée à la fois intimiste, populaire, politique, riche d'expériences, de sentiments, d'amour, de haine, de violence mais riche d'une vie pleine, vies de femmes et d'hommes qui se côtoient, s'aiment, se détestent.

Plusieurs questions se posent à la fin de cette histoire. Que reste-t-il d'une vie ? Faut-il écrire ? Si oui, qui lira tout ça ? Je pense que l'essentiel est de vivre, de passer au-dessus des jalousies, des inimitiés pour mettre à profit les années qui nous sont données. le reste…


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J'ai fini le quatrième tome de cette formidable saga.
J'ai déjà beaucoup écrit à propos des trois premiers livres, je serai brève : j'ai été portée, emportée, intéressée par cette fresque autant sociologique , historique et politique que passionnelle, dévorée en deux jours ........on attend , on s'enthousiasme , on continue , un peu désappointée à la toute fin ....un sentiment d'inachevé nous étreint .......mais ne révélons rien !
Cette amitié fusionnelle , complexe, pétrie d'émotions très fortes entre la brune Lila et la blonde Elena , au coeur de cette société italienne en pleine mutation, attachée à ses traditions , à ses contradictions aussi, déroule les douleurs , les combats, les doutes d'Elena qui cherche sa place, sa vérité, ses amours tumultueuses , ses voyages,ses déceptions , ses tracas, ses difficultés avec ses filles , Lila et Elena , complices , brouillées, éloignées , proches ........
Au coeur de ce bouillonnement , à chaque page , on ressent la force de l'amitié indéfectible qui lie les deux femmes !
Une oeuvre sincére, marquante , intense et convaincante que l'on quitte à regret !
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C'est toujours avec autant de plaisir que j'ai retrouvé Elena. Elle a quitté Pietro, son mari père de ses deux filles Dede et Elsa pour Nino avec qui elle a une troisième fille, Imma. de nouveaux succès littéraires mettent fin à une période stérile. Après sa rupture avec Nino, avec ses trois filles, elle retourne vivre à Naples dans un petit appartement situé au-dessus de celui de Lila, son amie d'enfance. Sa relation avec Lila ne sera jamais facile, les périodes heureuses et malheureuses, les moments de rejets, Lila les alternent à l'envi.
Difficile de comprendre une telle amitié que, par moments, j'assimile à une relation sadomasochiste, Elena se laissant malmener par Lila qui, à loisir, dans leurs relations, souffle le chaud et le froid.
Toutes deux sexagénaires, Elena plusieurs fois grand-mère, Lilia disparue, le roman s'achève sur un coup de théâtre.
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Voilà, c'est fini…

Et pourtant j'aurais tant voulu que cela continue, pour tout savoir, tout comprendre, voir ce qu'il serait advenu de l'amitié d'Elena et Lila dans leurs vieux jours…

Parce que si la fin de l'histoire boucle la boucle, en quelque sorte, puisqu'on s'en revient à l'épisode des poupées, celui qui marquait le début de la saga et de l'amitié des deux fillettes 50 ans plus tôt, cette fin, donc, n'en reste pas moins ouverte, d'une certaine façon.

Tout savoir, tout comprendre, parce que tous les mystères ne sont pas résolus, tous les comportements ne sont pas expliqués, et surtout, parce que cette histoire ne révèle que le point de vue, les interprétations et les extrapolations de la seule Elena. J'aurais donné cher pour connaître la version de Lila, et comprendre ce qui s'est passé dans sa "tête folle" tout au long de ces années.

Mais voilà, c'est la vie, c'est comme ça…

Je termine cette saga prodigieuse avec un pincement au coeur, tant je me suis attachée à ces héroïnes et à leurs univers, et avec un sentiment de perte. La perte, d'ailleurs, présente jusque dans le titre, marque ce dernier volume. Pouvait-il en être autrement, quand toute la saga trouve son fondement dans la perte des poupées ?

La perte des illusions amoureuses (ah, le beau Nino et ses promesses d'amour éternel) et politiques (les convictions se sont émoussées devant la violence, les compromissions, la corruption), la perte de la jeunesse (et l'arrivée de la vieillesse et de ses affres, avec la mort en ultime point de mire, mais chaque fois plus proche) et de l'innocence (déjà sérieusement entamée par la violence des années de plomb, mais cette enfant perdue… bon sang, quel drame sidérant…), ce qui nous vaut un tome plus sombre que les précédents, où malgré l'âpreté de la vie, toutes les difficultés se surmontaient tant bien que mal. Cette fois, on sent bien que tant Lila qu'Elena marchent, à leur tour, au bord de l'abîme…

Les repères sociaux et religieux se brouillent aussi, on vit ensemble sans être marié, on se marie sans passer par l'église, on ne baptise plus les enfants, les femmes quittent le foyer et prennent leur indépendance.

Ce qui ne se perd pas, ne change pas, c'est la complexité, l'ambiguïté de la relation entre Elena et Lila. Lena, désormais écrivaine reconnue, n'en finit pas de s'interroger sur la manière dont Lila a influencé son écriture. Lena a-t-elle écrit ce qu'elle voulait réellement écrire, ou, inconsciemment, ce que Lila a voulu qu'elle écrive ? A-t-elle écrit par procuration, Lila a-t-elle vécu ses propres rêves à travers l'écriture de Lena ?

Chronique d'une amitié et chronique sociale, la saga d'Elena Ferrante a tenu ses promesses jusqu'au bout, bouclant plus d'un demi-siècle d'histoire italienne sur plus de 2000 pages. Captivante, intelligente, réaliste, sans artifices, sincère, intense, bouillonnante, comme la vie, elle se termine sans répondre à toutes les questions.

D'ailleurs, qui pourrait dire, d'Elena ou de Lila, laquelle est véritablement "l'amie prodigieuse" ?
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Et voilà, c'est fini.
2093 pages de pur plaisir littéraire.
4 tomes d'une série incroyable, où le coeur des femmes, la vie d'un pays à travers ses violences socio-politiques ont été fouillés très intimement pour en tirer la substantifique moelle.

Mais ce qui fait la colonne vertébrale de ce texte, seule une ville située entre Vésuve, entre chaos et espoirs de modernité pouvait en tenir le rôle. Naples, à la fois dangereuse et humaine plonge lecteurs, personnages et auteure dans la question d'une vie : une ville-pieuvre peut-elle happer ses habitants, malgré leur désir d'envol ?
Comme si on n'avait jamais quitté Elena et Lila, ce quatrième opus nous plonge donc toujours et encore plus au coeur du déterminisme social, et avec lui l'éternelle question de savoir si on peut s'extraire vraiment du milieu qui nous a vu naître et grandir.

Et puis, flotte toujours cette relation compliquée entre les deux amies qu'Elena Ferrante explore remarquablement en donnant la plume à la brillante Elena. Mais cette compliquée relation ne l'est-elle pas tout simplement parce que Naples gâche tout ? Ce texte met en exergue « la nature à la fois splendide et ténébreuse » de cette amitié, ainsi que la douleur intense et compliquée de Lila depuis toujours, et pour toujours.
« La touche que je préfère », dira-t-elle à propos du clavier de son ordinateur, « c'est celle qui sert à effacer. »
Mais on ne peut pas effacer « le monde d'en bas ».
« Ma vie se réduirait à une bataille mesquine pour changer de classe sociale ? » lui lance à la figure Elena, un jour de querelle.

Ainsi, je ne me suis jamais ennuyée dans ces 560 pages que j'ai dévorées. Certaines, d'une telle force, m'ont même ôtée le sommeil (un évènement majeur survient dans ce dernier tome). Jamais, une auteure ne m'aurait fait cet effet. L'analyse par l'entremise d'Elena, des sentiments, des événements tant privés que collectifs s'est révélé pour moi géniaux. le récit ne bégaye pas, il insiste seulement sur certains points chers à l'auteure. J'ai accepté ce fait.
A travers une image récurrente de la ville tentaculaire, qui symboliquement détruit malgré les liens amicaux, familiaux, Elena Ferrante nous a offert une oeuvre à la fois sociale et féministe dont je comprends enfin l'étendu du succès mondial reçu. Finesse des portraits (principaux ou pas), réalisme brutal, narration fluide, tout est habilement construit, ici encore, comme dans les trois premiers volumes. Pas de temps mort.

Elena se raconte, Elena livre sa vision des évènements, et le recueil d'informations glanées ça et là. Elena (au même nom que l'auteur) remet à sa juste place cette longue intrigue, dans une impressionnante maitrise des fils dramatiques, dans un sens évident de la narration.
Ce long roman très dense en réflexions, plus encore qu'une enquête sur Naples établit une radiographie sociologique à dimension humaine que je ne suis pas prête d'oublier.

Il m'a questionnée sans cesse, et c'était délicieux que de sentir son esprit titillé ainsi par des interrogations comme…
- Peut-on se déstructurer quand on est femme, pour se recomposer ?
- La trame d'aujourd'hui n'est-elle que la suite du rouleur compresseur d'hier ?
- Quelle part pour l'inné ? pour l'acquis ?
- Toute relation était-elle invariablement douloureuse parce que vivante ?
- Toute blessure a-t-elle forcément des points de suture ?
- Lila est-elle méchante ou lucide ? Ses souffrances excusent-elles son caractère ? Son « cerveau virevoltant » est-il la conséquence d'une adaptabilité aux dangers inhérents à sa classe sociale ?
- Etc…

Dans cette collision permanente entre passé et présent, on peut lire aussi la dénonciation des compromis des partis politiques et la violence de l'Etat sur son peuple. Et je me demande tout simplement si L'amie prodigieuse, le nouveau nom, Celle qui fuit et celle qui reste, L'enfant perdue ne nous disent pas avant tout que « Tout rapport entre des êtres humains est truffé de pièges et, si on veut qu'il dure, il faut apprendre à les esquiver. »


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Suite et fin de cette prodigieuse quadrilogie où les jeux de miroirs entre Lila et Lenù atteignent leur paroxysme.
Les niveaux de lecture du récit sont multiples et tous fascinants. Celle qui avait fui revient à Naples, retrouve sa mère, son amie, élève ses filles dans le quartier qu'elle n'a jamais vraiment quitté. Les hommes et leur violence s'effacent peu à peu, mais ne disparaissent pas. C'est juste qu'on leur accorde moins d'importance, qu'ils perdent leur emprise. Les deux amies s'enferment dans leurs appartements, l'une au-dessus de l'autre. Et continuent leur chassé-croisé passionnel.
Les enfants s'éduquent, grandissent, font des bêtises, partent et reviennent. Naples évolue, on ne peut s'arracher à ce côté saga de l'oeuvre.
Mais le centre est ailleurs. C'est le lien baroque, tout en chausse-trappes et en faux-fuyants, des fausses-vraies jumelles Lenù et Lila. Leurs combats, leurs complémentarité, leurs béances, leurs douleurs, leurs mystères. On ne peut cesser de s'interroger ? Qui est Lila ? Que veut-elle de Lenù ? Que veut Lenù ? Etre Lila ? Et Lila être Lénù ? Sont-elles même deux ? Qui est l'enfant perdue ? Et l'amie prodigieuse ? On se croirait dans le Tour d'écrou tant les choses deviennent complexes quand on se penche sur les ténèbres des deux amies...Un soupirail qui donne sur une cave obscure...Sans parler de la fin.
Vraiment géniale, cette amie prodigieuse ! Merci, Elena Ferrante !
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La lecture des volumes 3 et 4 de "L'amie prodigieuse" (en VO), fut un immense plaisir. Comme celui qu'on éprouve quand on regarde un beau, long film qui relate l'existence d'un personnage attachant.
Que de voyages accomplis, cet été, en compagnie de Lenù, à travers ses difficultées d'adulte et sa recherche d'émancipation!
C'est surtout cette lutte pour préserver son indépendance et sa liberté de pensée au coeur d'une société italienne en pleine mutation mais encore tant attachée à ses traditions qui est passionnante. Cette femme instruite, cultivée qui essaie continuellement d'échapper à ses origines défavorisées met toute son énergie pour défendre ses convictions et s'affirmer.
Elle devra bien rapidement remettre en cause un mariage qui aurait pu sembler parfait avec un garçon issu d'une famille d'intellectuels de la haute bourgeoisie, une famille qui "compte" dans cette société compartimentée. Son mariage se révèlera, en effet, un fiasco et Lenù n'hésitera pas à abandonner sa stabilité économique et matérielle pour répondre à l'appel de son amour de jeunesse.
Malgrè tous les évènements qui les divisent Lila et Lenù ne se perdront jamais de vue. Leur amitié sera sujet à de nombreuses incompréhentions, jalousies, violences néanmoins, un lien très intime les lie et on découvrira que c'est souvent Lila qui guide inconsciemment la vie de Lenù. L'auteur explique avec talent et de façon subtile, comment les relations fortes sont construites autour d'une toile tissée de sentiments et d'influences souvent déterminants dans nos choix personnels.
J'ai donc suivi Lenù dans ses péripéties amoureuses, sexuelles, professionelles avec enthousiasme. Ses doutes, ses colères, ses frustrations constituent celles perceptibles par toute femme partagée entre sa volonté d'action et d'affirmation personnelle face à ses obligations familiales.
Et puis, il y a en toile de fond, toute l'histoire de l'Italie des années 1970 aux années 1990. L'instabilité politique qui la caractérise, les déchirements violents entre facistes et communistes,les attentats, les manigances omni-présentes de la mafia. On entre d'autre part, au coeur des contradictions culturelles qui s'affrontent dans cette société inégalitaire. Comment sortir du quartier populaire du Rione à Napoli quand on y est né et etre accepté par les bourgeois intellectuels, privilégiés des centres des grandes villes comme Florence, Milan, Rome ou encore Gènes?
Lenù est sans cesse ballottée entre un monde et l'autre, elle cherche sa place, sa vérité et grace à son talent d'écrivain elle trouvera non sans effort, un point d'équilibre entre ces deux mondes.
Et surtout, il y a cette amitiè qui dure toute une vie, qui s'estompe dans le troisième volume et qui retrouve un second souffle dans le quatrième pour laisser au lecteur un gout amer à la fin de ce long parcours qui forme une boucle...
Un très beau roman qui a remplit mon été 2016. Merci Mme Ferrante!
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Voilà, c'est terminé. L'enfant perdue – et ce titre n'est pas une métaphore ! – vient mettre un terme à la saga de L'amie prodigieuse, qui couvre, sur soixante années, le parcours de deux amies issues du même quartier déshérité de Naples. Une saga que j'ai personnellement bouclée en reprenant le prologue du premier volume, où la narratrice avait évoqué l'« effacement » final de Lila. Et comme l'épilogue de L'enfant perdue s'achève sur la réapparition des poupées, je me suis laissé aller à relire tout le début des aventures de Lenù et Lila.

Les poupées, souvenez-vous ! Lenù et Lila avaient six ans et n'étaient pas encore amies. Chacune avait jeté par provocation la poupée de l'autre dans un soupirail de cave. Elles ne les avaient jamais retrouvées et elles étaient allées, main dans la main, mortes de peur, les réclamer à l'abominable « ogre » Don Achille : « on vous a vu les mettre dans votre grand sac noir ! ». Cet épisode m'avait attendri. Est-ce parce que je n'ai pas eu de soeur, ni de fille ? Toujours est-il que j'y ai souvent pensé, tout au long des quinze cents pages dont les poupées sont absentes, avant qu'elles ne reviennent en clôture de l'ouvrage comme un totem mystérieux, peut-être pour nous rappeler que leur disparition avait été la rampe de lancement des destinées, et pas seulement de l'amitié des deux fillettes.

Les bonnes et mauvaises fortunes de la vie auront eu peu d'incidences sur cette amitié exclusive et complexe, typiquement féminine. Tout au long des soixante années, le sentiment que Lenù et Lila auront éprouvé l'une pour l'autre aura fluctué aux confins de l'admiration et de l'agacement. Leur bienveillance mutuelle aura parfois comporté une once cachée de mauvaise intention. Malgré des parcours personnels très différents, aucune n'aura pris le pas sur l'autre. Mais elles se seront retrouvées toutes les fois qu'elles s'étaient éloignées.

J'ai relu mes critiques des trois premiers volumes. Je n'en changerais pas un mot. Ai-je besoin, après cet ultime volume, de revenir sur la verve romanesque et la fluidité d'écriture d'Elena Ferrante ? En dépit des nombreux renversements de situations qui donnent au récit son caractère captivant, l'ensemble est d'une grande cohérence, notamment le profil psychologique des deux femmes, établi dès le début.

Une longue première partie de L'enfant perdue est consacrée aux atermoiements de Lenù dans ses aventures de femme, de mère et d'écrivaine, sujettes à des hauts et à des bas, au même titre que son moral. Que de doutes, que de valses-hésitations, comme toujours avec elle ! Son engagement féministe ne l'empêche pas de manquer de clairvoyance sur les hommes de sa vie, et à trop longtemps hésiter avant de briser les chaînes dans lesquelles l'enserre un pervers narcissique.

Malgré des revers et un drame terrible, Lila sera restée égale à elle-même : une créature instinctive et intuitive au caractère tourmenté, insensible à l'opinion d'autrui, affichant une détermination implacable dans ses prises de position, capable de les imposer à des hommes brutaux et dangereux, peu habitués à trouver des femmes en travers de leurs chemins.

Les deux femmes auront tracé leurs routes dans une Italie qui n'aura cessé de se transformer. Après le boom économique d'après-guerre, suivi des années d'affrontements idéologiques et de dérapages meurtriers, la tendance évolue vers un libéralisme économique mal contrôlé. Les terroristes repentis dénoncent leurs camarades. La corruption ronge les politiciens des partis de gouvernement, jusqu'à ce que l'opération manu polite y mette bon ordre. Provisoirement !

Naples, « ville magnifique et pleine de trésors », semble ne pouvoir échapper à une sorte de malédiction. Tout y change sans jamais vraiment changer. Des mafieux imposent leur loi avant d'être éliminés par d'autres mafieux, tandis que les organisations clandestines se renouvellent suivant les tendances du jour.

Avec le temps, se dissout l'espèce de fraternité qui unissait les habitants du vieux quartier, où l'on a pu croire que Lenù était vouée à l'éternel retour, à proximité de Lila. Un quartier où le bon sens et la modestie ont pu amener certains à penser que l'amie prodigieuse, ce n'était pas Lila la surdouée, mais Elena dite Lenù, l'écrivaine à succès.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Non, non et non, pas déjà ! En achevant cette lecture, je sais malheureusement qu'il n'y aura pas de cinquième volet et je crois que, plus le fait que d'avoir déjà terminé cette lecture, l'histoire ne se poursuivra pas si ce n'est dans mon imagination !

Beaucoup de moments forts dans ce quatrième tome et vu le nombre de critiques qui a déjà été apposé à ce sujet, je vais essayé de ne pas trop m'étendre. Moi qui avait voulu depuis le début, à savoir depuis le tout premier tome, que Lenù, notre protagoniste et narratrice, découvre enfin l'amour avec Nino Sarratore, je m'étais enflammée dès la fin du tome précédent me disant que ça y est, mon voeu avait été exaucé et pourtant, si je m'attendais à découvrir ce qui allait s'ensuivre, je l'aurais probablement jamais formulé. Ici, Lenù est une écrivaine qui rencontre un certain succès tandis que son mari, Stefano Carracci a tant peiné pour écrire son écrit universitaire. Leurs deux enfants, Dede et Elsa se portent bein mais en veulent à leur mère pour ses absences à répétition (d'abord d'un point de vue professionnel puis, chose qu'elles ne leur pardonneront jamais, personnel pour convoler auprès d'une certaine personne dont je tairai le nom ici mais je crois que vous avez tous compris à qui je faisais allusion. Si un enfant naîtra de cette union qui ne fut pourtant jamais officialisée, la petite Imma naquit quelques semaine avant la fille que Lila eut avec Enzo : Tina. Alors que tout semble aller pour le mieux pour nos deux amies, un drame se produira quelques années plus tard et de celui-ci, Lila ne se remettra jamais, creusant une brèche irréparable dans les liens extrêmement forts qui ont toujours unis nos deux amies ou pour être plus large, Lila et le reste du monde !

Vous ai-je assez intrigué pour vous pousser à vous plonger dans ce quatrième et ultime volet de la série ? Je l'espère ! Je n'ai pas parlé de tous les autres acteurs de ce livre, les frères Solara qui règnent en maîtres sur la ville de Naples, Pasquale, Carmen et tous les autres, voulant éviter ce que vous avez probablement déjà lu, préférant me concentrer que ce qui m'a le plus passionnée dans cette saga. Certes, j'aurais pu également vous parler des thèmes forts également abordés dans cet ouvrage : misère, violence...mais j'aurais eu l'impression de me répéter par rapport à mes critiques des trois tome précédents alors autant vous laissez seuls maîtres ! A lire sans faute !
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