AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le Principe (68)

De cette présence, on ne peut cependant rien dire, et elle ne peut être nommée.
Celui qui refuse de se résoudre au silence ne peut s’exprimer que par métaphores.

(…) je rêve, en buvant tout ce qui me tombe sous la main, au roman que je vais bientôt écrire. Il y serait question d’un personnage dont la vitesse et la position ne peuvent être exactement déterminées, qui sent parfois son corps s’étaler dans les ruelles d’une ville semblable à celle-ci, en recouvrant toute la surface jusqu’à ce que le regard des autres le force à se matérialiser en un point précis,
Toutes les histoires sont cohérentes et toutes sont incomplètes, comme si le principe ne régissait plus seulement les relations entre la position et la vitesse, l’énergie et le temps, mais débordait de toutes parts le monde des atomes pour étendre son influence sur les hommes dont les pensées s’estompent et se colorent des teintes pâles de l’indétermination.
Partout vous tracez dans votre carnet des lignes de fuite pleines de vie qui vous emportent loin des assassins, et de leur parole morte et vous libèrent du fracas pour vous rendre à la tâche, qui a toujours été la vôtre et celle des poètes, de dépasser infiniment les ressources de la langue pour dire ce qui ne peut l’être et pour décrire aussi précisément que possible tous les ordres d’une réalité hypothétique, multiple, indescriptible (…), et je sais maintenant que je n’écrirai jamais mon roman parce que je suis incapable de raconter une histoire dans une langue qui n’existe pas.
Commenter  J’apprécie          50
C’était un combat honorable, un combat nécessaire et, même si l’avenir n’a cessé de vous donner raison, longtemps après votre mort à tous, j’ai souvent envie de vous reprocher d’avoir considéré dès le début, avec la désinvolture et l’arrogance naïve de la jeunesse, que c’était un combat perdu – mais je ne le fais pas, et je regrette de vous avoir cru désinvolte, vous ne l’étiez pas, pas plus que vous n’étiez naïf, au contraire, vous étiez si peu naïf qu’il vous était impossible de croire que toute la réalité du monde se laisserait un jour apprivoiser par les concepts familiers du langage des hommes, vous saviez qu’il faudrait en venir à la cruelle nécessité d’exprimer, comme le font les poètes, ce qui ne peut l’être et devrait être tu.
Commenter  J’apprécie          50
J'ai appris à commenter des textes que je n'ai pas lus et que je ne comprends pas, c'est même au bout du compte la seule compétence indiscutable que j'ai acquise au terme de quatre années d'études. Quelques articles de vulgarisation, une impeccable parure méthodologique et une arrogance éhontée m'ont jusqu'ici permis de dissimuler mon indigence avec succès.
Commenter  J’apprécie          50
Pour le professeur Ferdinand von Lindemann, qui avait accepté de vous recevoir à l'université de Munich, les mathématiques possédaient le privilège exclusif de la beauté et quiconque envisageait de les étudier sérieusement, comme vous veniez d'en exprimer le désir, devait être pénétré de l'évidence de cette vérité éternelle. Il n'est donc pas étonnant que, quand vous lui avez avoué dans un accès téméraire de franchise, que vous étiez en train de lire un ouvrage de physique, qui plus est affreusement intitulé "Espace-Temps-Matière-, il vous ait lancé un regard dégoûté comme s'il venait de découvrir subitement sur votre corps les stigmates d'une maladie infâme, avant de vous signifier que vous étiez à jamais perdu pour les mathématiques, tandis que son chien, un roquet qui se cachait sous son bureau, et auquel il avait mystérieusement transmis, au cours d'une longue intimité, son sens de l'esthétique, se mettait subitement à aboyer, pour témoigner, lui aussi, de l'ampleur de votre ignominie.
Commenter  J’apprécie          40
Une cause qui n'est défendue que par sa violence, le mensonge et la calomnie fait ainsi l'aveu de sa propre faiblesse,
Commenter  J’apprécie          40
(p. 46)

On ne dévoilera pas le plan du vieux [= de Dieu], à peine pourra-t-on espérer jeter furtivement un œil par-dessus-son épaule, et ce qu’Einstein ne peut supporter. Ni lui, ni Schrödinger, ni de Broglie n’acceptent de renoncer à l’espoir, déraisonnable et magnifique, qui fut la raison d’être d’une quête menée depuis si longtemps, de parvenir un jour à la description objective du fond secret des choses, et ils n’acceptent pas qu’à cause de vous, cet espoir soit aboli (…)
Commenter  J’apprécie          40
Je connais bien l'art des noms mensongers qui est celui des boutiquiers et des politiciens.
Commenter  J’apprécie          40
Et Werner Heisenberg, dont la jeunesse éclatante a subitement disparu sans laisser aucune trace, pense peut-être qu'il y a bien longtemps, au sortir d'une autre guerre, en un temps de défaite et de révolutions, un vieux mathématicien et son caniche démoniaque en avaient eu le pressentiment mystérieux. Le professeur von Lindemann avait vu ce que le garçon timide qui voulait étudier les mathématiques et se tenait alors plein d'espoir devant son bureau portait déjà en lui, sans même le savoir.
Une énergie mauvaise qui rayonnait silencieusement.
Les germes du péché, sa souillure indélébile.
La promesse d'un destin parodiant le hasard dont l'accomplissement inéluctable serait tout à la fois un triomphe, une chute et une malédiction.
Le professeur von Lindemann ne pouvait qu'être saisi d'une horreur sacrée et chasser de chez lui ce garçon dans lequel Werner Heisenberg ne se reconnaît peut-être pas mais qui suscite cependant en lui la nostalgie irrésistible, non de la jeunesse, mais de l'innocence perdue.
Commenter  J’apprécie          40
les effets du poison de la vérité sont d'abord douloureux, on songe avec nostalgie à la douceur perdue des rêves d'avenir qu'on ne fera plus jamais, aux délices du mensonge et de l'illusion dont on ne supporte plus la puanteur après s'être si longuement enivré de leur parfum délicat, aux promesses d'amour auxquelles on ne peut plus croire, mais quelques mois plus tard, quand le poison a desséché jusqu'à la racine de la vie, il n'y a plus de nostalgie, plus de souffrance, seulement l'incomparable quiétude du désespoir.
Commenter  J’apprécie          40
Notre parole est seulement humaine .Elle ne peut que révéler imparfaitement le monde ou l'enfouir sous le mensonge - et elle atteint alors sa perfection.Je connais bien l'art des noms mensongers qui est celui des boutiquiers et des politiciens .
Commenter  J’apprécie          30






    Lecteurs (523) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Philo pour tous

    Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

    Les Mystères de la patience
    Le Monde de Sophie
    Maya
    Vita brevis

    10 questions
    438 lecteurs ont répondu
    Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

    {* *}