Cette critique est susceptible d'être biaisée. Babelio ne garantit pas son authenticité
Chouette, et quelle production ! Moi, comme j'accorde un crédit absolu à son livre que j'ai adoré sur l'abolition (
Abolir la prison), j'ai aussi hâte de lire l'ouvrage de
Tony Ferri sur le contrôle. C'est rare qu'un philosophe s'intéresse à ces questions, en donnant accès à des analyses rigoureuses et à des expériences réfléchies. de plus, l'original, c'est qu'il est à la fois un philosophe investi, un criminologue, un fin critique et un conseiller du juge. Qualités complémentaires qui, de mon point de vue, se rencontrent peu souvent.
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Génial ! Je suis impatiente de lire cet ouvrage sur la thématique importante du contrôle. le philosophe
Tony Ferri apporte immanquablement des éclairages décisifs sur les technologies du pouvoir, les mécanismes de surveillance de masse, le contrôle social... J'ai remarqué que c'est un philosophe immergé depuis des années dans ces questions. J'ai particulièrement apprécié, entre autres, son «
Pouvoir et politique pénale » et son «
Qu'est-ce que punir ? ». Sincèrement impatiente donc, et merci !
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Le philosophe
Tony Ferri est en effet un auteur prolifique. S'il est proche de
Michel Foucault dont il connaît assurément bien les livres (lire par exemple sa contribution fort stimulante à «
Michel Foucault,
Alternatives à la prison »), il s'en écarte aussi par son originalité et la refonte d'une pensée criminologique qui ne soit pas adossée à des logiques strictement punitives. C'est un penseur, certes, de l'actuel, mais aussi, à mon sens, de la liberté. D'où son livre sur la société de contrôle qu'il me tarde à moi aussi de découvrir.
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Pour ma part, comme je nourris un vif intérêt pour les questions de justice et de criminologie, je conseille fortement la lecture du livre très fouillé de
Tony Ferri « La criminologie ou la nouvelle science pénitentiaire ». Son étude, cultivée et fluide à la lecture, soulève des questions de fond, et souligne les enjeux et les perspectives de la criminologie. J'attire en outre l'attention sur les développements passionnants de Ferri, dans cet ouvrage, autour de la présentation du crime et de la justice à partir des « Essais » de
Montaigne. Saisissant de pertinence... Je l'indique, tant c'est vraiment marquant !
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Qu’est-ce que le panoptique ? Celui-ci définit un espace architectural qui permette de conduire les individus qui l’occupent à s’assujettir méthodiquement, c’est-à-dire en se tenant à des règles et selon un rythme préalablement déterminé ou une fréquence donnée, à la réalisation de tâches, de telle sorte que, du point de vue d’un centre, on puisse tout voir, sans être à son tour vu, et que, du point de vue périphérique, on puisse être vu sans voir soi-même. De là vient que la prison, comme espace d’enfermement, se présente comme un modèle de la formation des lieux où s’exerce la surveillance globale. Néanmoins, ce qu’il importe de relever, c’est que ce panoptique est susceptible de se rapporter à l’ensemble des appareils de pouvoir et des instances autoritaires, s’il est vrai qu’il s’agit de le penser jusqu’au bout, selon l’expression de M. Foucault lui-même, comme « figure de technologie politique ». En tant que le pouvoir s’agence autour de cette figure technologique emblématique, s’exerce dans le champ spatio-temporel de l’ordre social, s’impose à une multiplicité d’individus circonscrits dans ce champ, et exige d’eux la réalisation d’une série d’opérations mimétiques (apprendre, travailler, se soigner, faire la guerre, se réinsérer, etc.), il résulte de là que le panoptique n’est pas de nature à concerner seulement les condamnés, mais qu’il peut s’appliquer à l’ensemble des hommes garants des savoirs constitués et intégrés à ces instances de savoir. Selon M. Foucault, le panoptique, comme système de surveillance généralisée ou d’optique global, s’exprime à l’aide d’un diagramme particulier, c’est-à-dire par le moyen d’une sorte d’exposition ou d’intégration des mécanismes de pouvoir qui s’exercent dans un champ donné, et qui peuvent être ramenés, abstraction faite de leurs singularités, à une forme idéale ou opératoire valant partout et toujours. En ce sens, un universitaire n’est pas moins tenu qu’un condamné à concrétiser un certain nombre de tâches communes, à coller à des procédures incitatives ou incoercibles pour agir, conserver son statut, percevoir son salaire, répondre à des commandes institutionnelles ou à des programmes. En d’autres termes et de ce fait même, il n’est pas moins un agent stéréotypé du panoptique, un être rendu comptable de ses tâches, de ses gestes réalisés, de ses discours tenus, p. 60-61.
Le premier des biais qui tend à destituer un travail d’enquête vient de ce que celui-ci est « autorisé », et par conséquent établi aux conditions seules de l’institution, quelle qu’en soit sa nature, qui accueille et organise. Ce point est si capital qu’il n’est pas étonnant que les chercheurs ne s’épanchent aucunement sur ce problème quand ils introduisent le lecteur à leur intention de recherche, tant il est de nature à faire vaciller ou même s’écrouler d’un seul coup l’objectivité ou la valeur prétendue de leur travail.
Percevoir comment les réquisits et les prérogatives d’une enquête appartiennent seulement à l’espace institutionnel où celle-ci se déroule, c’est comprendre qu’il ne saurait y avoir de recherche spontanée et indépendante : celle-ci est éloignée de toute spontanéité, par cela même qu’elle requiert en amont toute une procédure de demande d’autorisation, de présentation du projet, de datation de l’intervention éventuelle, d’arrondissement des angles et de sélection des participants (acteurs et usagers) ; elle ne présente pas non plus les caractères de l’indépendance, compte tenu du fait qu’elle soit sous la coupe surplombante de l’institution, qui a le pouvoir d’accorder et de refuser, d’approuver ou de désapprouver, d’orienter ou de ralentir les travaux. Qui renoncerait à admettre que la spontanéité et l’indépendance constituent pourtant les deux grandes caractéristiques de la liberté ? , p. 190-191.
Il convient en effet de bien percevoir comment généralement l’information et l’entropie entretiennent entre elles un rapport d’antagonisme, comment elles s’opposent l’une à l’autre, puisque moins l’on possède d’informations sur un système donné ou sur un individu quelconque, ou moins l’on détient des données claires et précises sur lui, plus le risque est grand que l’on se heurte au problème de l’entropie, c’est-à-dire à l’impossibilité de maîtriser son comportement, son évolution, sa trajectoire. M. Foucault insiste sur l’importance de mettre en exergue les formes de relation qui s’établissent entre le savoir et le pouvoir, afin de favoriser et d’enrichir efficacement les procédures de contrôle. Le discours comme expression d’un savoir à un moment donné en dit effectivement long, pour le penseur des disciplines, sur le système de pouvoir qu’il implique. Il ne s’agit aucunement d’entendre ici par discours la prise de parole d’un sujet, la communication d’un point de vue individuel ou l’affirmation d’une opinion, mais la construction de systèmes de connaissances qui traversent et façonnent le pouvoir, et qui supposent, dans le même temps, des relations complexes de pouvoir, p. 85.
Il y a lieu de se souvenir que, dans la notion de contrôle, se trouve l’idée de rôle, entendu en son sens premier, c’est-à-dire comme feuille de papier. Le rôle tient lieu de document ou de fiche où l’on inscrit ou consigne un certain nombre d’informations destinées à favoriser le contrôle d’individus qui sont dans le collimateur du pouvoir ou qui sont en butte à des stratégies de domination. À l’origine, le registre tenu possédait un second exemplaire, qui servait non seulement à conserver les notes collectées en cas de perte ou de vol du premier registre, mais à renforcer la vigilance sur le contenu et la valeur des informations réunies : les deux registres devaient être conformes l’un à l’autre. La condition sine qua non du contrôle tient à la capacité d’emmagasiner des informations sur des supports inaltérables ou reproductibles (p. 7-8).