Fauché par une nuit conne

Du jazz et des brouilles. de l'alcool et des filles. Des perdants et des gagneuses. Quand l'amour commet des fautes, ça peut vite tourner au vinaigre. On sent d'emblée qu'on n'est pas dans une bluette. Voilà un texte qui cogne, une langue qui claque. Ça jappe, ça aboie. Crocs de sortie, bave aux babines, cet auteur a du chien, bien des attraits s'y nichent.

Dans "Fauché par une nuit conne", Mickaël Feugray nous plonge dans un cabaret, de nuit, autour d'un trompettiste désargenté, éméché et jaloux. Personnages et auteur jouent une partition calibrée. Argot, salauds, beuverie, non-dits, le récital file à grand train.

Les illustrations sont signées Léa Berniaud et transpirent parfaitement cette atmosphère souillée. J'aime me coller à ces textes qui sentent l'authenticité, la scène, la sueur et les désillusions de la quête de notoriété. Les personnages ont roulé leur bosse, mais il leur reste toujours une faille : l'espoir. Espoir d'un renouveau. Espoir d'un rebond. Sauront-ils les saisir ?

Les univers de Christian Gailly (Un soir au club, Dernier amour, K. 622) et Renaud Dillies (Betty Blues, Mélodie au crépuscule, Loup) ne sont jamais très loin de ce texte-là. On se frotte au be-bop, on se baigne dans son spleen. Léché et torturé, voilà tout ce que j'attends d'une ambiance de roman noir, une plongée dans le bain de la musique de club. Nickel chrome. On en voudrait plus !

Texte court publié dans un format fascicule, parfait à caser dans son sac sans craindre d'abîmer l'ouvrage. A l'image des éditions Cheyne qui mettent en avant une littérature courte, intense, contemporaine (et font ainsi découvrir une ribambelle de nouveaux auteurs), l'association Jazz en Velay se distingue par une thématique jazz. Un univers propice au noir et au polar, comme ici, où l'on sent entre les lignes, la fumée et la moiteur des lieux.

Ecriture ciselée, tournures rugueuses, langue verte et grossièretés, l'auteur n'hésite pas à rudoyer ses personnages. La passion ruisselle partout ici, on craint le pire, c'est sûr, les comportements enflammés réservent des étincelles. le livret se lit d'une traite et nous plonge dans une imagerie à la Cotton Club. Vivement l'adaptation de Coppola !

Belle édition à petit prix, qui donne envie de faire voyager le texte, le donner à lire autour de soi, l'offrir à ses proches, le semer partout où le vent porte.

Elle s'appelle Sally. Il se prénomme Jody Rice Mitchell. Elle est terriblement belle, il est terriblement jaloux. Elle est tellement femme, il est tellement homme, que ces écorchés vifs vont obligatoirement nous sortir le grand spectacle, c'est certain.

Superbe proposition que ce « Fauché par une nuit conne », au titre obscur et attirant. le texte ne déçoit pas. du corps et de la verve, ça fait plaisir par où ça passe.

Mickaël Feugray possède une gouaille qui sonne comme la musique qu'il décrit. du jazz en littérature, défi jamais évidemment, et pourtant, l'auteur fait mouche sans broncher. Il y a de la saccade dans ces pages, des pauses et des accélérations, un rythme musical qui nous entraîne à toute berzingue dans ses affres.

Une apothéose rouge sang vient souligner un dénouement polar comme on les aime. Auteur et édition à suivre. C'est bien simple, j'en redemande !

Oyez, oyez, braves gens ! Voici un sacré titre, pour un sacré voyage ! Avis de tempête en vue, gare aux soubresauts de la passion, « Fauché par une nuit conne » joue au chamboule-tout avec l'amour.

L'histoire est simple, jamais simplette, la voix authentique et le ton grave, la passion viscérale. N'est-on pas là dans la définition même du jazz, version Nina Simone ?

Il est question ici d'emportements et d'espoirs, de misère et de liens forts, de vie quoi ! La femme surnage, les hommes pataugent, comme d'hab'. On imagine la bande-son d'un Miles Davis en fond, le noir et blanc d'un Jim Jarmusch et la folie douce d'un Emir Kusturica. On fait notre cinéma, tant l'écriture est visuelle, sans jamais tomber dans la description. On lit surtout tout d'une traite, tant ça file à tombeau ouvert. J'ai a-do-ré.