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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Indépendance » fait moins référence à la fête étasunienne du 4 juillet qu'à un véritable état d'esprit de tous les personnages du roman. Un lecteur français de ce texte, récit vigoureusement individualiste, a sans doute été tenté à l'époque de le rejeter en bloc. Il lui apparaissait probablement au moment de sa parution comme une sorte de fastidieux entracte à la fin duquel la vraie vie aurait dû reprendre ses droits. Ce lecteur hexagonal d'autrefois, avec le sentiment d'être encore emporté par léger souffle d'histoire, considérait vraisemblablement comme plus intéressant les cheminements qui se développaient dans un sens analogue au sien. Un « présentisme » à la Richard Ford, sans détermination aucune, sans la moindre espèce d'idée d'un futur collectif et sans un cours de l'histoire censé porter un peu quelque chose, était pour lui tout simplement sans aucune valeur. Cette ligne de développement autour du héros, ne signifiait naturellement pour lui rien car elle n'était pas mesurable dans les termes du système de ses références. Pouvait-il alors un peu pénétrer un Frank Bascombe écrivassier qui se reconvertissait dans le sacerdoce de l'immobilier, de la maison individuelle comme idéal de soi et des autres ; un Frank Bascombe entiché d'un marché où son agence prospérait avec l'expansion du secteur financier de Wall Street ? Pouvait-il un peu mettre à jour un Frank Bascombe formidablement épris de lui-même, toujours séparé d'Ann Dykstra sa femme mais continuant de garder un lien particulier avec elle ; un Frank Bascombe vivant des amours passagères mais soucieux d'analyser ses relations à longueur de pages, c'est-à-dire la rationalisation proprement concrète, matérielle que constituaient ses différents rapports dans la coexistence ? Pouvait-il un peu comprendre les longs échanges des amants tentant d'établir une sorte de contrat à long terme du vivre ensemble, c'est-à-dire détaillant les inputs spécifiques et partageant au téléphone dans des proportions données les outputs de leurs liaisons ?


Il est sans doute plus aisé aujourd'hui, avec la fin des Trente Glorieuses, la destruction du mur de Berlin et la révolution néolibérale victorieuse, de se reconnaitre pleinement dans les personnages de Richard Ford. Les individus du siècle dernier considèrent le plus souvent comme stationnaire ce qui se passe aujourd'hui dans le monde en opposition avec l'accumulation de ce qui s'y est passé hier. Une époque dans laquelle elles ne peuvent plus être activement engagées et pas d'avantage entreprises d'elles-mêmes, n'a plus de sens pour eux : il ne s'y passe rien ou ce qui s'y passe n'offrent à leurs yeux des caractères négatifs. Il en va naturellement tout autrement pour l'Homme du XXIème siècle qui vit cette période avec toute la ferveur qu'ont oublié ses aînés. A cet Homme, guéri des généralités délétères, il convient de savoir plus et il ne gêne point de ne comprendre rien. Frank Bascombe décide de passer le week-end d'Indépendance Day avec son second fils. Aussi, sur le chemin de quelque temple de la culture étasunienne (Halls of Fame du basketball puis du baseball), lui importe surtout l'enchevêtrement des routes et l'étalage des boutiques, certainement pas la lecture des paysages et le déchiffrement des architectures : « le long du bord de mer (…) La Garden State, Red Bank, Matawan, Cheesequake (…) La bretelle 11 grouille de feux rouges arrières : véhicules utilitaires, caravanes, camping-car, breacks, remorques, vastes berlines pare-chocs contre pare-chocs (…) Les flics sont là en force (…) les gyrophares bleus au loin et à proximité tandis que je franchis le péage (…) Après la sortie 16 Ouest et la traversée de la Hackensack River en face du Giant Stadium, j'oblique sur l'aire de repos du Centre Vince Lombardi (…) Je repars sur l'autoroute encombrée (…) A la sortie Est Ouest, à la fin de l'autoroute les voitures s'entassent (…) J'imagine des kilomètres de bouchons sur la voie express de traversée du Bronx, suivis par des accidents mortels sur la Hutch, un nouvel embouteillage sans fin au péage, une suite monotone et accablante d'écriteaux COMPLET jusqu'à Old Saibrook (…) il n'existe pas vraiment d'itinéraire de délestage, rien qu'un autre itinéraire : aller chercher la 80, puis rouler vers l'Ouest jusqu'àprès Hackensack, emprunter la 17 qui traverse Paramus, bifurquer au Nord sur la Garden State ; River Edge, Oradell Westwood, deux péage pour rejoindre la voie ferrée, repartir à l'Est vers Nyack, le pont du tarpan Zee et Tarrytown jusqu'à l'endroit où l'Est s'offre à moi (…) Et au lieu de rester sur la bonne 287, large et sûre, jusqu'à la bonne 684, large et sûre, et de parcourir la trentaine de kilomètres qui m'amènerait à Danbury, je vire au Nord vers Katonah (…) Je suis sa direction (pancarte Connecticut sur la NY 35 (…) vers Ridgefield (…) je vire à regret sur la Route 7… ».


Richard Ford essaie de dessiner dans son roman l'étasunien idéal typique Frank Bascombe : d'où vient-il, qui est-il et pourquoi est-il ce qu'il est ? « Indépendance » parait s'apparenter ainsi à une sorte de catharsis introspective de son fondamentalement inexistant et solitaire héros, une catharsis plus ou moins ancrée dans une histoire et une politique de pacotille qui tente de raconter un pays, une identité, un rapport au monde largement fantasmés par un auteur passablement désarmé. le romancier ne raconte certes pas de grandes fresques, il ne s'affronte pas à l'Histoire avec un grand H mais, inconsciemment, il exprime cependant toute la violence de la société étasunienne par le biais infime de récits qui mettent en leur centre une psychologie procédant du discours que ses personnages aliénés tiennent sur eux-mêmes. le romancier ne semble pas analyser mais sans cesse « être parlé » par le discours libéral le plus trivial. L'argumentation de Frank Bascombe aussi, qu'il s'agisse de son fil, de l'immobilier ou bien de l'affrontement Bush-Dukakis, part et aboutit invariablement à l'Emerson de « La Confiance en soi ». Frank Bascombe masque le réel de sa vie en l'intégrant à des fictions qu'il se raconte à lui-même en même temps qu'aux autres pour ne pas sombrer. Ce qui est passionnant ici, ce sont les manières de discours inconscients – comme autant d'écrans fallacieux mis entre soi et le monde – qui fondent le personnage, le retiennent, l'empêchent ou lui permettent de survivre dans un monde qui le nie en permanence. Soucié par des locataires mauvais payeurs, par un couple particulièrement difficile à satisfaire dans sa recherche d'une maison, par une maitresse en partance, Frank Bascombe part avec son fils mutique, dépressif et suicidaire pour deux jours. On peut alors déceler dans l'attitude du fils la conséquence implacable d'une parentalité toxique. le fils est la victime manifeste des adultes, de leurs discours factices qui détruisent les sentiments véritables, de leurs relations amoureuses dysfonctionnelles, de leurs adultères à répétition, de leur divorce, de la dimension projective et fantasmatique de leur sexualité comme seul refuge face à une socialité rigide. Tout la virée raconte comment le fils affronte le vide de l'existence, comment il ne supporte plus les illusions d'un univers matérialiste qui impose le succès, comment il lutte et renonce devant l'impossibilité de supporter la solitude élémentaire qui abolit tout. le père n'a pourtant de cesse de confronter son fils encore et encore à l'inutilité d'une lutte pour être soi-même perdue d'avance puisque tout l'empêche et que le courage lui manque.
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Magnifique roman.

On comprend facilement comment il a été couronné gagnant du prix Pulitzer 1996 contre le Théâtre de Sabbath de Philip Roth.

Dommage que la traduction par Suzanne Mayoux ne soit pas l'équivalente de celle du premier roman de la série Bascombe effectuée par Brice Matthieussent.


Lire « Brise Marine » en page 261 et « Sea Breeze » en page 289 m'a foutu en rogne.


De même pour le mot « fleuve » quand le cours d'eau est une « rivière » ( et vice versa). Et, je ne parlerai pas de ces « mouettes » qui sont, de fait, des « goélands ».


Le pire c'est de voir que la triste traductrice n'a pas pris la peine de consulter Ralph Waldo Emerson en français. À la page 349, elle a écrit : « L'insatisfaction est un manque d'autonomie ; c'est une infirmité de la volonté. » au lieu de « le mécontentement est le manque d'autonomie ; il est une infirmité de la volonté. »
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INDÉPENDANCE de RICHARD FORD
Ford reprend son héros du week-end dans le Michigan qui n'est plus reporter sportif mais agent immobilier et divorcé. Il prend son fils pour une journée et nous mêle à ses réflexions sur fond de fête nationale et d'élection présidentielle entre Bush et Dukakis. C'est du grand art narratif sur des choses très simples mais qui font mouche en permanence. Un grand écrivain. Prix Pulitzer 1996, je vous le conseille très vivement.
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Trois jours dans la vie de Franck Bascombe agent immobilier, entre galères familiales ( divorce mal assumé , relation chaotique avec son fils) et professionnelles (Clients procrastinateurs et locataires mauvais payeurs). Mais aussi les States profonds s'apprêtant à fêter l'Indépendance Day ,le royaume du toc et du mercantilisme ,où la culture s'expose en musées du Basket ou du Base-ball , où les religions foisonnent mais où le seul vrai Dieu se nomme Dollar . A la fois familier et totalement dépaysant .
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Une écriture affutée,un roman quasi sociologique,sans doute un excellent traducteur la derrière
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