J’observais la mer entre mes paupières mi-closes, la pluie ruisselant sur le bord de mon capuchon, cinglant ma joue droite même si elle ne traversait pas le tissu imperméable. Il me collait à la peau, froid et humide, mais je n’osais pas le déplacer. La mer devant moi, tout en bas, était affreuse, noire et âpre, la crête des vagues gonflées d’un brun grisâtre comme de la bière et l’écume blanche pas blanche d tout mais plutôt ivoire sale. De temps en temps, je regardais par l’objectif de mon appareil, protégé tant bien que mal par un parapluie transparent plus petit à l’intérieur du plus grand où je voyais la même chose : des groupes serrés de mouettes volant si vite qu’aucun obturateur ne parvenait à saisir leurs mouvements et à obtenir plus qu’une tache floue. Il y en avait des centaines, que la mer repoussait en grandes giclées furieuses. Elles étaient projetées tr ès haut au-dessus des vagues, qui ne cessaient de s ‘abattre sur les galets, le long du rivage, les martelant sans répit. Je n’avais jamais rien vu de comparable à cette terrible violence du vent et de l’eau, vibrant d’une telle furie. Les oiseaux semblaient à la merci de ces éléments déchaînés qui pourtant ne parvenaient pas à les dompter : inlassablement ils étaient projetés vers la terre, puis poussés plus haut encore dans l’air pour foncer de nouveau vers l’horizon où ils reprenaient leurs efforts.