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Citations sur Mohican (70)

Cette nuit-là ce n'était plus la même voix. Fini la douceur,la tendresse, les accents de compassion. La voix de Suzanne était en crue. Comment avait-il pensé livrer les Soulaillans aux éoliennes ? Il fallait qu'il soit bien malade, et pas seulement dans ses veines. C'était sa tête qu'il fallait soigner. Brun fit mine un long moment de n'avoir rien entendu. Puis il se défendit avec humeur.

— Souviens-toi, Suzanne. Nous avons été bien manipulés. D'abord il a fallu produire. Des tonnes de tout, des quintaux, des hectos. On aurait semé jusque sur le goudron si on les avait écoutés. On aurait coupé les arbres, on aurait même planté dans le creux des fossés. La force de frappe céréalière, c'était notre bombe atomique, I'arme alimentaire , que sais-je encore. Little Boy ! Mo n'a pas connu cet âge d'or, l'explosion des rendements qui nous remplissait d'orgueil. On achetait des machines toujours plus grosses. On arrachait les haies pour planter plus de blé encore, puisque le blé valait le prix de l'or.

Je m'entends encore proclamer fièrement : "Je produis, donc je suis !" Les prix grimpaient jusqu'au ciel. On était les rois du monde, pas vrai ?
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Suzanne est partie en paix, avec le sentiment du travail accompli. Son existence a surtout manqué de superflu. Elle n'a pas seulement appris à Mo qu'on dit un cheval, des chevaux. Ou qu'un cheval n'a pas de pattes mais des jambes. Elle lui a laissé le goût du bonheur qu'on trouve dans la contemplation des choses simples qui ne font pas de bruit.
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Mo n’a pas seulement la main légumière. Il laisse grandir les groseilliers, les fraisiers, des rhubarbes aux tiges couleur framboise écrasée, toutes sortes de massifs odoriférants généreux en petits fruits qui finiront en confitures sur le marché voisin mais d’abord sur ses tartines du matin, pain de petit épeautre aux senteurs de miel. La nature ne cesse de l’émerveiller. Pour égayer les parois de la cabane où il attache ses outils, derrière les hauts bidons débordant d’eau de pluie, il a fait pousser des tournesols géants dont les hampes dépassent le toit. Leurs grosses têtes de soleil le regardent quand il s’active. Il ne les coupe qu’en toute fin de saison, quand les fleurs se flétrissent, pas avant.
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Les éoliennes, c'est la dernière arme qu'ils ont trouvée pour nous éliminer, nous les paysans. Quand le béton aura éventré nos terres, quand nos paysages seront devenus des usines en mouvement, nous aurons disparu à jamais.
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Les Grands Champs forment une belle superficie de terre irrégulière avec des talus aussi traîtres que certains courants de pleine mer pour les bateaux. Par endroits il faut tenir ferme le volant afin de ne pas verser. Le tracteur est bringuebalé de droite et de gauche. C’est une lutte de chaque instant. Tracer des sillons rectilignes est une épreuve de force. Il doit descendre sans arrêt de sa cabine, enlever les pierres qui remontent des profondeurs du sol malgré les labours réguliers, malgré les déchaussages et l’arrachage des mauvaises herbes qui défient le blé. Mo sait toutes les nommer, les renouées à feuilles pointues, les mercuriales, les arroches. Il les repère cent mètres à la ronde. C’est sa seconde nature. Dans les parcelles qu’il cultive sans chimie, il les laisse prospérer.
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Le dimanche, Suzanne n'insistait guère pour le traîner à la messe. Il était dans ses champs ou auprès des bêtes. Une jument qui allait pouliner, il le sentait avant même l'avis du vétérinaire, et pareil pour les pois qu'il fallait enfouir sans tarder, ou les choux d'hiver, ou le persil. En semant, il espérait. C'était sa parole divine, sa confiance en la terre plus qu'au ciel.
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Bientôt plus personne ne reconnaitra le chemin. Mon père ne veut pas se l’avouer, pense Mo, mais nous sommes déjà morts, et lui un peu plus que les autres. Les éoliennes, c’est la dernière arme qu’ils ont trouvés pour nous éliminer, nous les paysans. Quand le béton aura éventré nos terres, quand nos paysages seront devenus des usines en mouvement, nous aurons disparu à jamais. p. 92
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Dans une musette de toile, Brun a glissé une gourde et une tartine, un solide morceau de comté avec de gros grains de sel sur le dessus, on dirait des diamants. C'est son fromage préféré, le comté. Son père en fabrique d'énormes meules larges comme des roues de charrette qu'il rapporte de la laiterie une fois I'an. Un fromage de garde, avertit Léonce. Il garde les hommes en vie quand l'envie de vivre est en veilleuse, surtout vers février, les jours sans lumière ni chaleur quand l'hiver vous étrangle de ses mains gelées. Les belles montbéliardes en robe incarnate donnent de l'or plus blanc que neige qu'on transforme en pâte pressée. Une roue de comté sauve une famille entière. Brun a retenu la leçon. Il raffole aussi du morbier que son père et les gars de la vallée fabriquent à la ferme quand les routes sont coupées par le verglas. Impossible de rallier la fruitière. Alors on fait comme on peut. La traite du matin donne la semelle du fromage qu'on protège d'une raie noire, un filet de cendre arraché au cul du chaudron et qui stérilise la pâte. Après la traite du soir on ajoute la partie haute. La marque sombre court au milieu de chaque tranche, pareille à une frontière.
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«  Son père avait redouté sa vie entière les caprices du ciel. Brun avait hérité de ses terres et de ses tourments .
Trop d’eau ,,pas assez d’eau, trop froid, trop chaud, trop humide, trop sec , c’était le cycle infernal de leur usine sans toit . Brun puisait dans les bidons , respirait à plein nez l’odeur âcre des produits avec leur tête de mort sur l’étiquette .
(….) .
C’était un sujet de friction avec son fils , la chimie .Une guerre de religion.
Brun y croyait , Mo n’y croyait pas. Il refusait même d’en parler … »
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La combe des Soulaillans, c'était aussi des vergers, des pâtures et des bois, une sombre armée de sapins, des taillis et des flancs de coteaux ouverts à tous les vents d'un coup de hache, un bouquet de mirabelliers, des rangées de merisiers, un potager généreux pour ne jamais voir tomber dans les assiettes un triste légume d'artifice. Sans oublier le bâti avec le moulin à meule de pierre, de profonds hangars, le pressoir et le cuvier à vendanges. Et surtout le logis massif couvert de tuiles d'épicéa et d'épais bardeaux descendant bas sur les façades. Il fallait ça pour contrer la bise de Sibérie ou les bourrasques tourbillonnantes de la traverse enflée de pluies océaniques. C'était le logis ancestral des Danthôme protégé par son large toit faiblement incliné qui supportait le poids de la neige six mois l'an. Et que perçait son tuyé noir en chapeau pointu - on disait le "tué" -, la vaste cheminée cathédrale au coeur du foyer où Brun fumait ses saucisses et ses viandes...
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