Hello les Mordus,
Donner vie à des êtres de mots et de papier…
Faire en sorte que les personnages soient crédibles, que les lecteurs y croient dur comme fer, s'offrir le luxe qu'en quelques centaines de pages, certains deviennent des amis qu'on sera triste d'abandonner. le temps de découvrir leur histoire, le livre refermé, ils y resteront à jamais prisonniers.
N'est-ce pas l'un des desseins essentiels de l'auteur ?
J'ai lu ce week end
9339 Elsa Street de
David Fournier. Un tout jeune auteur puisque ce roman n'est que son deuxième récit.
J'ai ressenti tout cela. Et bien plus encore…
9339 Elsa Street. C'est dans ce taudis d'un quartier déserté comme la ville qui l'abrite que Samuel est mal né. Les fées ont dû oublier de passer dans le quartier et surtout de se pencher sur son berceau, c'est ici qu'il est mort né, sans aucun rêve ou illusion, sans aucun possible, une voie sans aucune issue. Aussi, lorsqu'il est retiré de la garde maternelle pour une famille enfin aimante, et qu'il y fait la connaissance de DeAndre, autre protagoniste du récit, on se dit que peut-être, peut-être enfin, il va pouvoir souffler un peu et naître pour la seconde fois, tomber enfin sur un de ces chocolats de la boîte, tu sais la réplique culte de Forrest Gump, un de ces chocolats qui n'aura pas un goût de merde pour une fois.
On suit donc logiquement le parcours de DeAndre, dont le frère a mal tourné, rêvant de se faire une place plus haut dans la hiérarchie des Bloods, une des organisations criminelles de la ville. DeAndre, c'est un surdoué du gros ballon orange, la star du playground au lycée, courtisé par les meilleures universités du coin. Mais lui, il a choisi de tout plaquer, et de se ranger du côté des Crips, le gang rival des Bloods.
Il y a aussi JayQ, sorte de jeune daron bienveillant, droit dans ses bottes de membre du Gang Squad, cellule anti gang de la ville de Detroit, le modérateur, l'ange gardien de DeAndre puisque ce dernier deviendra volontairement rapidement l'indic du flic. JQ, lui, rêve de faire tomber un des leaders des Crips qui a descendu une gamine lors d'un échange de tirs, dommage collatéral.
Voilà, les décors sont posés, plus qu'à dérouler la bobine.
Une narration à trois voix, et sur plusieurs périodes, et un autre protagoniste, omniprésent, pesant de tout son poids dans chaque tableau, sur chaque scène : Detroit. Detroit, une ville comme je ne l'ai jamais lue. de Detroit, la superbe, l'omnipotente, il ne reste plus grand chose, ville agonisante, désertée de ses habitants, j'ai adoré sillonner ses quartiers noirs et blancs, plus noirs que blancs, l'oeil dans le viseur de la caméra. Punaise ! Je m'y serai cru. Je connais un peu le Midwest et la région des grands lacs, et ce que j'ai lu m'a fait me projeter dans ce qui fait que j'aime tant de nombreux auteurs américains : leur capacité à raconter le décor, les tableaux de nature morte, les trous du cul du monde, les endroits moribonds.
J'ai aimé ces 3 voix, comme j'ai une affection particulière pour les personnages en marge, les laissés-pour-compte, les rednecks.
Si au tout tout début, j'ai remarqué quelques maladresses dans la voix du gamin qui se confie dans ses cahiers, très rapidement, j'ai constaté un lâcher prise de l'auteur, comme s'il avait cessé de se contrôler, comme s'il s'était laissé emporter par ses personnages, et là bon sang, c'est devenu fluide. Ça a matché. Les dialogues sont bons, les réparties tout autant, et j'y ai cru à 100%.
Et j'ai adoré les surnoms ricains ( traduits ) pour chaque personnage principal ou secondaire. Moi qui adore donner des surnoms aux gens par rapport à certains de leurs caractéristiques physiques ou psychologiques, j'ai bien aimé que David en joue également.
Il faut maintenant que je vous parle du jeune DeAndre avant de vous lâchez. Vous vous rappelez des Infiltrés de Scorsese, vous vous rappelez de la tension qui suinte de chaque pore de la peau de di Caprio ? Et bien l'auteur a su la coller cette frousse à celle de DeAndre, et a me la coller par la même occasion. Ce gamin, il m'a vraiment fait quelque chose. J'aime ces grosses à l'acuité émotionnelle accrue, ces momes qui ont davantage que leur âge physique parce qu'ils en ont vu d'autres, ces intelligences émotionnelles qui s'apprennent ailleurs que sur les bancs de l'école. Ce gamin, il m'a beaucoup fait penser à Gab, le meilleur pote d'Eddy, personnages inoubliables de On était trois de Cetro. Ce roman de Cetro demeurera inoubliable, un de mes préférés, j'ai une relation que je qualifierais d'intime avec ce trio de On était trois. Quant à DeAndre, je l'ai vite reniflé et j'ai vite ressenti qu'il était fait du même bois. de ces gosses loyaux qui de mots et de papier deviendront des amis, des potes et resteront là, ad vitam aeternam dans l'imaginaire.
Et la cerise sur le cheesecake, c'est qu'il m'aura aussi fait penser à Bohem, le sacrifié de
Nous rêvions juste de liberté de
Loevenbruck.
Un récit mêlant trois vies,
9339 Elsa Street et 2 autres auteurs à découvrir.
De quoi vider la boîte de Kleenex…