Bâti sur le même principe qu' « A la recherche du temps perdu » « le Café de la Plage », BD de la toute fin des années 70, abolit les notions d'espace et de temps. Un détail fugace et les personnages se déconnectent de la réalité et se dédoublent soudain. Assis sur un canapé lors d'une soirée entre amis, le producteur de cinéma, Monroe Stress se retrouve ainsi à la case suivante cet enfant solitaire qui marche le long d'une voie ferrée. Il a suffi d'un petit bruit persistant - le flap, flap d'un drapeau, le flop, flop de l'eau butant sur un ponton, le tintement des glaçons dans un verre, - ou d'une odeur – le parfum de Rita ou celui d'Anne-Irène. Parues d'abord, sous forme de comic-strip à suivre, dans le défunt quotidien « le Matin » - d'où les décors minimalistes -, les aventures de ces oies, souris, lapins, renardes et cochons anthropomorphes, introvertis et terriblement bavards ont été regroupées d'abord en 4 tomes de 79 pages chacun puis dans un cinquième de 195 pages. Autant dire que cette oeuvre, unique en son genre, est touffue, d'autant plus que les intrigues se juxtaposent parfois dans la même vignette, suivant des trajectoires qui se rejoignent, se fondent ou s'éloignent de nouveau quelques pages plus loin. Mais, nostalgique, original et drôle, ce long voyage immobile par le exerce un véritable pouvoir addictif.
Du même auteur, on lira avec beaucoup de plaisir : « Histoires immobiles et récits inachevés », « Nouvelles histoires » et « Souvenirs d'un menteur », riches en références littéraires et cinématographiques, sans oublier le magnifique « Nuits de chine » dont les pages, au graphisme faussement naïf de plus en plus épuré et à la maquette ingénieuse évoquent les tableaux des maîtres japonais.
Et on notera également que
Régis Franc est l'auteur qui a sans doute dessiné les plus beaux lapins du 9éme art, ou du moins les plus cocasses.