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EAN : 9782902894987
235 pages
Créer (30/09/1994)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Ce ne fut pas un besoin de nouveauté mais une exigence de vérité qui constitua l'aiguillon du XIXème siècle. Les théoriciens du Romantisme ne manquèrent pas de le souligner. L'affirmation était inséparable d'un acte de foi. Tel un souffle inépuisable, elle inspira jusqu'à sa fin un patriarche comme Hugo. Pourtant, au delà des écoles littéraires et des attitudes politiques, elle continua à donner un sens à la vie de jeunes hommes appelés à devenir des hussards de la... >Voir plus
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UNE DISPUTE

Je le raconte comme je l'ai entendu ; ne croyez pas que je l'embellisse. J'étais en train de me faire raser ; la lumière électrique laissait ignorer la nuit, le gel silencieux dehors. Dans ce quartier paisible de l'église, il n'y avait que moi et mon barbier qui existaient.
Quelqu'un entra dans la pièce contiguë, salle d'auberge :
- Imbécile ! tu lui l'as donné mon veau ! Il l'a eu et toi avec! Les bourgeoilons de Saint Côme auront beau le goûler ! Un blanc ! Un vrai blanc ! Quinze litres de bon lait qu'il lampait par jour; et la crème, toute la crème; dix semaines, si tendre ! Imbécile !
La femme devait être ronde, rouge, forte, comme on l'est à 35 ans dans la campagne, la pleine et plantureuse nature quand "tout ce qui rentre fait ventre" et qu'on crache sans vergogne tout ce qui pèse sur le cœur.
- Et oui, aurais pas dû le donner...
Cette voix d'homme ni haute, ni basse, consentante, repentante, soumise fit rebondir la colère de l'épouse:
- Qu'il y passe, Blaise, à la Font ! Je lui casse les reins ! Et il vient, n'est-ce pas faire son gentil, son câlin, sa bonne-gens(1), te paye un verre et t'embelousé(2) ! Ah ! oui, alors il t'a embelousé ! 3 francs et demi aujourd'hui les veaux à Cunlhat et il te le paye 58 sous la livre ! Des hommes comme ça, té, je sais pas ce que je leur ferais...
Cette colère, cette superbe, cette façon d'envelopper ce pauvre confit de mari de mépris et de sarcasmes, voilà un spectacle magnifique. On écoute, muet, sournois, sans prendre parti, et l'on se paye, gratis, la comédie.
Le cafetier ne s'émut pas du bruit:
- Qu'est-ce que ce sera, ce soir, Jules?
- A peut-être soif cet apôtre? Qu'il aille se faire remplir la panse avec les 150 francs que le Blaise lui a carottés ! Qu'il passe chasser, l'autre ! Lui casse les reins !
Jules, résigné, buvait sa chopine. Je l'entendis deux fois remplir son verre. Je vis sa femme, l'anse de panier passée dans l'anse de son bras, venir chauffer ses bas de laine couleur de la bête au tablier du gros poêle de fonte. Sa colère, dieu merci, n'avait pas d'autre effet.
Blaise entra, tranquille, les mains dans les poches, la pipe à la bouche, pour régler son client :
- Vaurien I Crapule ! Vous l'avez eu mon veau ? 58 sous ! Ceux de Saint Côme le goûleront pas à moins de 5 F la livre pourtant ! Si j'avais qu'été à la maison ! Que Dieu soulage les femmes qui prennent des hommes bêtes !
- Allons, prends un verre et assieds toi. Pas besoin de faire le bruit, à présent. C'est fait, c'est fait ! Jules, portez lui un quina.
- Oui, un quina ! Quéqu'un paiera bien.

Deux nouveaux venus savouraient à leur tour l'étalage de cette domination, l'air capon du mari et le sel des pensées secrètes, des rancunes conjugales et paysannes clamées tout haut, dans la vraie langue du pays.
- Vous fâchez pas, ma bonne dame, vous fâchez pas, répétait doucement le boucher qui avait le veau.
- Comment ? Rien dire ? M'être fait mordre les doigts deux fois par jour ! Et lui donner tout mon lait ! Et la fleur du lait ! Et le brosser et le curer !
- Que veux-tu, il était vendu, les conventions…
- Oui, ma bonne dame, vous aviez ma carte :
Blaise CARCAILLE
58 sous
Carte donnée, veau vendu !

(1) son mielleux.
(2) embobine.
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