Encore sous le charme de la découverte de
Séverine Chevalier avec
Jeannette et le crocodile, j'enchaîne à rebours avec
Clouer l'ouest. Same player shoot again : même grand plaisir à baigner dans ce ton et cette atmosphère singulière, tendue, dérangeante.
On est là au coeur du pays de Creuse, dans un de ces villages hors du temps, enfin d'un certain temps. Un lieu digne d'un JT de Pernaut, où les basiques sont les invariants : vieilles maisons, petits boulots, chasse, café… Un lieu dont on ne part que peu.
Karl, lui, est parti, un jour, convoyer des bateaux, loin. Pour fuir Doc, un père capable de flinguer même le père Noël. Et fuir un peu les autres aussi. Une dizaine d'années plus tard, il revient au pays avec dans ses bagages, Angèle sa fillette qui ne parle pas et 42 000 euros de dettes de jeu.
Retrouvailles bizarres : son frère Pierre dit l'Indien ; Maryline amour d'autrefois qui vit désormais avec Serge, barman névrosé ; et aussi Odile, la mère ; et l'oncle ; et Doc, qui porte l'espoir d'une dette soldée et d'un rebond attendu. Personne n'a oublié Karl mais personne ne l'attend non plus.
Au coeur d'un village davantage tourné vers la traque de la Bête, vieux sanglier qui n'en finit pas de déjouer les viandards revanchards, que vers le retour de Karl, les éléments du drame sont posés. Les règlements de comptes familiaux peuvent commencer.
Car
Clouer l'ouest est construit comme un véritable drame antique qu'on aurait transposé dans la Creuse moderne ou comme un western de la grande époque qu'on aurait tourné sur le plateau de Millevaches. Western d'hiver, m'avait-on dit. Parfaitement vu.
Fait de petits chapitres courts entrecoupés de flashbacks (un jour) tout aussi courts, la construction y est virtuose, faisant monter crescendo un à un, sans en avoir l'air, les éléments du drame que l'on sent poindre.
Lire
Séverine Chevalier, c'est entrer dans un univers aux mots économisés, c'est-à-dire pensés, probablement doutés, soupesés et enfin souhaités, comme pour mieux leur rendre leur sens et leur force. Et parfois, les mots deviennent jeu, se libérant de leur positionnement académique pour permettre au texte de devenir poésie. Et là, ça claque fort !
Amis de Vleel et d'ailleurs, le message est simple : on se précipite si ce n'est déjà fait !