Un disciple de
Freud avait émis l'idée que nous passions notre vie entre la liberté=rupture avec les ancêtres, invention de sa vie, indépendance vis à vis et la conformité, et la rentrée dans le rang, renouant avec les préceptes de la famille. Pourquoi revenir dans le rang? Parce que la liberté est difficile à suivre, et le prix à payer est souvent lourd.
Et pourquoi une fois “dans le rang” ne pas y rester? Parce que notre individualité nous semble, à certains moments de notre vie, essentielle.
Dans “
un soir au club”, on assiste à l'abandon de la conformité – elle même adoptée parce que la liberté du monde autour du jazz: alcool, drogue et femmes, a été rejetée par Simon Nardis, avec l'aide de sa femme qui le protège et le sauve.
Il est heureux, Simon, il est conforme, et le livre de
Christian Gailly ne nous donne pas de ce bonheur une caricature critique. Il est heureux, il a fui les démons qui gravitent autour du jazz.
Un jour, il écoute du jazz. Dans une boite.
Il rechoisit la liberté.
Ou plutôt il ne choisit pas, CELA se choisit pour lui.
Pour raconter l'histoire du passage de la conformité heureuse à la liberté bienheureuse, Gailly parle avec des notes de jazz : il annonce un thème, revient dessus, ne finit pas ses phrases, il improvise, on ne sait pas tout, mais on sait quelque chose. Car le héros raconte son histoire à un tiers, et celui ci nous livre certains détails : exactement comme en une partition de jazz. Où les thèmes s'entremêlent, se répètent, comme les souvenirs qui remontent, et les pensées qui se zigzaguent.
Gailly improvise, puisqu'il est jazzman avant d ‘être écrivain, il raconte l'histoire d'un homme, de Simon vu par son ami. Il connaît la connivence entre les musiciens jazz, leur mémoire d'une improvisation géniale, leur facilité à céder la place à un « amateur » , qui se révèle , dans le cas de Nardis, un grand.
Les phrases s'allongent, se courbent, s'annoncent longues, puis s'éteignent, comme une répétition hésitante, bégaiyante, celles du jazz lui même. Phrases courtes, , qui s'enchainent suivies de phrases longues, coupées avec bonheur .
L'ami de Simon raconte son amitié avec Simon, son amour pour le jazz, qui a failli le tuer, et son amitié avec Suzanne, la femme qui a sauvé Simon du jazz et de la mort.